Cours d’agriculture (Rozier)/GOÎTRE

Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 313-315).
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GOÎTRE. Le goître est une tumeur indolente, mobile, assez considérable, ordinairement ronde, qui se fixe sur la partie antérieure du col dans la glande tyroïde, ou bien entre le conduit de la respiration, & la membrane extérieure de ce même conduit.

On reconnoît le goître à la place qu’il occupe, à sa grosseur, & à la couleur naturelle de la peau qui n’est point altérée dans l’endroit même de la tumeur. Cette maladie est très-commune dans les pays froids & marécageux. Les savoyards, les habitans des Pyrénées, ceux des montagnes des Cevènes & du Rouergue, y sont fort sujets : on l’observe aussi très-souvent en Espagne, dans la Bavière, dans la Suisse. Brouzet prétend que cette difformité est un agrément dans certains pays. Ce médecin ne veut pas qu’on confonde le goître avec le bronchocèle, ou la hernie de la trachée-artère, qui est formée par le déplacement d’une partie de la membrane intérieure de ce conduit ; cette membrane, en se dilatant, passe entre les anneaux cartilagineux de la trachée artère, & forme à la partie antérieure du col, une tumeur mollasse, sans douleur, de même couleur que la peau, & qui s’étend quand on retient son haleine.

La formation du goître tient à la dépravation des sucs lymphatiques. Ces sucs épais & pituiteux, & pour l’ordinaire mal élaborés, s’amassent peu à peu dans la glande tyroïde, ou, ce qui est plus vraisemblable, dans le tissu cellulaire qui recouvre les muscles du col, & qui se prête à recevoir ce flux d’humeurs qui constituent le goître. Les causes qui peuvent le produire, sont très-nombreuses ; on compte la mauvaise nourriture, les mauvaises digestions, dont le résultat est un mauvais chyle ; l’usage des eaux de neige fondue, l’abus des boissons acidulées, le relâchement physique des solides : il faut encore admettre une disposition particulière à contracter des humeurs froides.

On peut comprendre dans les causes éloignées, le séjour dans les pays très-froids & neigeux, qui avoisinent quelque grand fleuve ; la nature du sol, sa production, l’air qu’on y respire & son altération. Il se forme quelquefois des goîtres subitement à la suite d’efforts violens, occasionnés par une grande passion, ou par quelque accouchement laborieux.

Il y a différentes espèces de goîtres. Souvent il consiste dans le gonflement & l’engorgement des glandes du col. Quelquefois la tumeur est enkistée, & contient une matière plus ou moins épaisse, qui a la consistance du miel ou du suif. Dans d’autres personnes la tumeur est sarcomateuse, c’est-à-dire, charnue, sans être trop dure ni trop compacte.

D’après ces différens caractères, il est aisé de voir que les indications curatives doivent varier. Si l’on juge que la tumeur est enkistée, il ne faut pas se hâter d’en faire l’ouverture ; il vaut mieux tenter plutôt la dissolution de l’humeur par des applications émollientes & maturations ; après quoi on pourra en faire l’ouverture à la partie la plus déclive, pour obtenir le dégorgement de l’humeur contenue ; la guérison sera alors très-possible : les parois du kiste peuvent se rapprocher & se réunir d’une manière très-solide.

Le goître ne paroît différer des écrouelles que par le siège qu’il occupe. La méthode curative doit être à peu près la même. S’il est dur, sans aucune fluctuation, il faut avoir recours aux remèdes intérieurs que nous avons indiqués au mot Écrouelles, & appliquer pardessus L’Emplâtre de ciguë, ou de diabotanum, ou de vigo cum mercurio.

M. Andry recommande l’usage continué du sel d’epsom dissous dans une certaine quantité d’eau. Cette eau minérale artificielle est un furet qui pénètre dans les plus profonds replis du mésentère, & dissout les matières gluantes & visqueuses qui en obstruent les glandes. La terre foliée de tartre, la magnésie blanche, les amers, remplissent les mêmes indications.

Ces remèdes pris intérieurement, ne détruisent jamais le goître, surtout s’il est très-gros & très-difforme. On est alors forcé de l’extirper ; mais on ne doit jamais faire cette opération qu’autant que la tumeur est mobile. Il est dangereux de vouloir extirper les goîtres trop adhérens ; on risque alors de couper les veines, les artères du col, & de causer la mort au malade, ou de rendre au moins sa tumeur plus considérable & plus difficile à résoudre.

Kerkringius rapporte une observation d’une jeune personne qui fut suffoquée par le goître. Heister assure que l’application des caustiques, du feu même substitué à l’opération, est quelquefois suivie d’un heureux succès, & qu’il n’y a aucun risque de l’employer lorsque le goître n’est pas trop invétéré, & qu’il n’adhère pas trop fortement aux grosses veines du col.

Lieutaud assure que le bédégar, qui est une espèce d’éponge qui végète sur les branches du rosier sauvage, est un médicament très-propre à arrêter le progrès du goître, lorsqu’il est pris intérieurement. On s’en sert de deux manières, ou en poudre, ou en infusion. La dose, lorsqu’on la prend en poudre, est depuis un scrupule jusqu’à un gros, ou le double en infusion. M. AM.

GOÎTRE, Médecine vétérinaire. Maladie des moutons, nommée goître, la bourse ou la ganache, la game ou la gamure. Cette maladie, dit M. l’abbé Carlier, dans son Traité des bêtes à laine, se déclare à côté ou sous la mâchoire par une poche remplie d’eau, grosse comme un œuf de pigeon, un œuf de poule, & quelquefois comme le poing. Elle prend naissance pendant l’hiver, & paroît au premier temps doux, ainsi que l’hydropisie dont elle est fort souvent le présage, parce qu’elle ne se montre guère sans qu’il y ait de l’eau répandue entre cuir & chair, ou dans l’intérieur du corps.

L’humeur contenue dans le goître est ordinairement une eau claire : cette eau se change aussi en matière purulente qui, venant à refluer dans la masse du sang, emporte une bête en deux heures. Le corps s’enfle après sa mort : cet accident se nomme danger. Il arrive aussi que la liqueur, demeurant limpide, il s’y engendre de petits vers venimeux. Ces insectes croissent & se fortifient : parvenus à leur grosseur, ils nagent dans l’eau, où ils lâchent une partie de leur venin. L’eau, une fois infectée par ce poison, communique sa malignité au reste du corps.

Le goître n’a pas de durée fixe : il y a des bourses passagères qui paroissent le jour, & qui se dissipent la nuit. L’espèce la plus dangereuse donne la mort deux ou trois jours après qu’elle a commencé : un mouton, qui est sain d’ailleurs, gardera la bourse jusqu’à trois mois. Ces différentes situations dépendent en grande partie des vapeurs de l’atmosphère & de l’établement des hivers ; la malignité se reconnoît à l’inflammation.

On guérit le goître simple, en procurant l’écoulement de l’eau par une incision. Vous empêcherez l’ouverture de se fermer avant que le liquide soit entièrement épanché : vous passez un peu de laine ou de coton, afin que le reste de l’humidité suinte & s’imbibe entre les filets du flocon. Quand la poche se remplit après avoir été vidée plusieurs fois, l’hydropisie suit de près : le mal est incurable, il faut tuer l’animal.

Si la bourse contient une matière âcre & purulente, mêlée de vermisseaux ; ce qu’on soupçonne par l’inflammation, vous ouvrez la poche par une large incision, en prenant garde, par-dessus tout, que la pointe de l’instrument touche aux vers, parce que les insectes blessés infecteroient la plaie aussi subitement que le poison le plus subtil. Le pus évacué, nettoyez l’intérieur de la bourse avec un demi-septier de vinaigre & une once de sain-doux, ou avec de l’urine seule. Vous insérez dans l’ouverture un petit tampon de coton ou de laine, que vous laissez subsister pendant quelques heures, pour entretenir l’épanchement : vous rouvrez l’incision, & vous lavez avec l’eau fraîche.