Cours d’agriculture (Rozier)/FER À CHEVAL

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 460-463).


FER À CHEVAL. C’est une sorte de semelle qui consiste communément, eu égard au cheval, en une bande plus ou moins aplattie, plus ou moins large & courbée sur son épaisseur, de manière qu’elle représente un croissant alongé.

I. Qualités bonnes ou mauvaises du fer à employer, du fer aigre, mou ; à quoi on le distingue. On parvient à connoître les différentes qualités du fer, à la cassure de la barre, pour peu qu’on se forme l’habitude d’en considérer & d’en distinguer le grain ; tout fer cassant, c’est-à-dire, qu’on ne sauroit plier & déplier à froid, sans le désunir, n’est pas propre à la ferrure du cheval ni des autres animaux, il doit être rejeté : il en est de même de celui qu’on plie, & qu’on déplie trop facilement ; l’un est trop aigre, l’autre est trop mou. Une multitude de facettes brillantes, sensiblement grandes & planes, quoique d’un contour très-irrégulier, ou des grains d’un blanc brillant, résultans d’une infinité des petites facettes qui ne diffèrent de celles-ci que par leur petitesse, décèlent le premier à la cassure ; tandis que l’absence de ces mêmes facettes, & de ces grains, & un nombre de fibres d’une finesse extrême, & très-noires, pareilles à celles qu’on rencontre dans de certains bois, décèlent le second ; tel est par exemple, le fer de Suède.

Le fer le meilleur & le plus convenable à l’objet dont il s’agit, est celui qui présente dans toute son étendue, une quantité considérable de grains, non de la finesse de ceux que nous offre la fracture de l’acier, mais d’un volume au-dessus, la surface fracturée de ce fer étant d’ailleurs entre-coupée de quelques veines fibreuses ; tel est celui, par exemple, que l’on trouve à Paris, & qui y est connu sous le nom de fer de roche ; mais le maréchal doit prendre garde d’en altérer les bonnes qualités par un trop fort degré de chaleur.

II. Des parties à considérer dans le fer du cheval. On peut considérer dans le fer du cheval deux faces, & plusieurs parties.

La face inférieure porte & repose directement sur le terrain.

La face supérieure touche immédiatement le dessous du sabot, dont le fer suit exactement le contour.

La voûte est précisément la rive intérieure, répondant à la rive extérieure en pince & de cette même rive aux mammelles ; on nomme ainsi cette portion de fer, attendu sa courbure, qui est semblable à l’arc d’une voûte.

La pince répond précisément à la pince du pied, les mammelles aux parties latérales de cette même pince, les branches aux quartiers ; celles-ci règnent depuis la voûte jusqu’aux éponges.

Les éponges répondent aux talons & sont proprement les extrémités de chaque branche.

Les étampures sont les trous dont le fer est percé, pour livrer passage aux cloux dont nous avons déjà parlé à l’article estampure ; (voyez Estampure)

III. Du fer ordinaire pour les pieds antérieurs, & proportions relatives des parties entr’elles. Le fer ordinaire pour les pieds antérieurs du cheval doit être tel, que sa longueur totale ait quatre fois la longueur de la pince ; mesurée de sa rive antérieure entre les deux premières étampures, à sa rive postérieure ou à la voûte.

La distance de la rive externe de l’une & de l’autre branche, cette mesure prise entre les deux premières étampures en talons, aura trois fois & demie cette longueur, & la moitié de cette même longueur donnera la juste dimension de la couverture des éponges à leur extrémité la plus reculée ; chaque branche, à compter de sa partie antérieure, qui se trouve précisément entre les deux premières étampures en pince, devant perdre par une diminution imperceptible de devant en arrière, jusqu’à l’extrémité de l’éponge, la moitie de sa largeur qui, par conséquent est, à son extrémité antérieure, le double de celle de l’éponge.

Un quart de la longueur de la pince, fixe l’épaisseur qui doit régner dans toute l’étendue du fer.

Une fois & demie cette même mesure, plus l’épaisseur du fer, égalera la distance de l’angle externe de l’éponge au bord postérieur de la première contre-perçure, soit de la branche de dedans, soit la branche du dehors.

La moitié de la longueur de la pince, plus l’épaisseur du fer, sera la juste mesure du centre d’une étampure, au centre d’une autre, & c’est ainsi, que le maréchal doit compasser toutes les étampures.

La moitié de la longueur des éponges désignera l’intervalle de la rive extérieure du fer, au centre des étampures de la branche externe ; mais cette dimension seroit un peu trop forte pour les étampures de la branche interne qui doivent être toujours légèrement plus maigres que celles de la branche à adapter au quartier du dehors.

IV. Du fer ordinaire pour les pieds postérieurs ; des proportions relatives des parties entr’elles. Celui-ci répond, comme le précédent, par sa longueur à quatre fois la longueur de la pincé : & par sa partie la plus large, qui se rencontre au droit de la seconde étampure, en talons, à trois fois & demie cette même mesure.

Le tiers de la longueur de la pince donne l’épaisseur que doit avoir cette partie, ainsi que la largeur des éponges tant de la branche de dedans, que de la branche de dehors.

Le tiers de la largeur de la branche donne l’épaisseur de cette même branche.

Le tiers de la largeur de l’éponge ; fixe également l’épaisseur du fer dans ce même lieu : ainsi le tiers de la largeur du fer, dans quelque portion de son étendue que cette mesure puisse être prise, indiquera toujours l’épaisseur que ce même fer doit avoir dans le lieu mesuré.

Les étampures seront compassées de manière qu’elles diviseront le fer en neuf parties parfaitement égales ; la première sera aussi distante de l’extrémité de l’éponge, que la seconde le sera de la première, la troisième de la seconde, & ainsi de suite jusqu’à la dernière : du reste nous observerons ici que ces mesures sont les mêmes pour tous les fers que l’on destine au cheval.

V. De l’ajusture du fer du cheval ; manière de l’ajuster. Nous entendons par ajusture, le plus ou moins de concavité que le maréchal donne à la face supérieure du fer ; il le saisit avec les tenailles, s’il est destiné à l’un des deux pieds du montoir, entre l’éponge & la première ou la seconde étampure de la branche forgée la première : il en appuie sur le bras rond ou sur le bord postérieur de la table de l’enclume, en l’y présentant par sa face supérieure, la partie qui doit garnir la pince, & en plaçant la main des tenailles plus bas que n’est cette même partie sur laquelle il frappe, elle reçoit un commencement d’ajusture ; il retourne ensuite le fer de dessous en dessus ; il prend l’autre branche avec les tenailles, & le fer posé sur la table de l’enclume, il frappe du ferretier à plat entre les deux rives, à commencer de la pince jusqu’à l’éponge, & ainsi successivement d’une branche à l’autre. Plus la main de la tenaille élève les éponges, plus le fer acquiert de concavité au moyen des coups du ferretier, qui doivent s’accorder parfaitement avec les mouvemens variés de cette main, & qu’il faut adresser, non sur la partie de ce même fer qui porte sur la table, mais sur les parties qui l’avoisinent, en observant de frapper toujours près à près sur chacune d’elles, & de manière que l’effet de tous les coups portés & dirigés ainsi, soit uniforme dans toute l’étendue de la branche ; après quoi, il bigorne l’une & l’autre branche ajustées, ainsi que la pince, sur l’un & l’autre bras de l’enclume, tous les coups de ferretier devant être adressés sur l’arête inférieure &c extérieure du fer, à l’effet de parer à ce que cette même arête ne perde l’aplomb de l’arête supérieure.

VI. De la différence du fer du cheval de celui du mulet. Nous appelons du nom de planche & de florentine, les fers qui sont particuliers aux mulets ; ils diffèrent de ceux du cheval, attendu la structure & la forme de leurs pieds : le vuide de ces fers est moins large pour l’ordinaire, les branches en sont plus longues & débordent communément le sabot ; il est encore pour les mulets de charrettes, des fers appelés assez communément dans les boutiques, fers quarrés.

Il seroit sans doute superflu & étranger à notre objet, d’entreprendre la description de nombre d’autres fers, tant anciens que modernes, proscrits par la saine pratique : nous entrerons seulement dans le détail des fers des bœufs, dans la section relative à la manière de ferrer les animaux, dans l’article ferrure. (Voyez Ferrure) M. T.