Cours d’agriculture (Rozier)/EUDIOMETRE

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 410-411).


EUDIOMETRE, Physique. Au mot Air, nous avons fait connoître de quelle importance il est de bien connoître le degré de pureté & de salubrité de cet élément : un très-grand nombre de maladies résultent souvent de son mauvais état. Les connoissances que la physique moderne a acquises sur la nature des différens airs, nous a mis à portée de pouvoir estimer, avec assez de précision, celle de l’air atmosphérique. La combinaison de l’air nitreux (voyez Air nitreux, tom. I, p. 346) avec l’air atmosphérique, produit plus ou moins de chaleur, développe plus ou moins de vapeurs, & s’absorbe plus ou moins avec l’eau, en raison du degré de salubrité de l’air. Il en est de même de l’inflammation, par une étincelle électrique, de l’air inflammable mêlé avec une quantité connue d’air atmosphérique ; la déflagration & la diminution des deux airs est toujours en proportion avec la pureté de l’air atmosphérique. C’est sur ces deux principes qu’est fondée la construction de deux espèces d’eudiomètres ; c’est-à-dire, de deux instrumens destinés à connoître le degré de salubrité de l’air.

Dans la première espèce d’eudiomètre, la combinaison de l’air nitreux & de l’air atmosphérique, produit, dans le vaisseau où on l’opère, une diminution de volume des deux airs que l’on estime par le moyen d’une échelle ; & plus l’air atmosphérique, que l’on mêle avec l’air nitreux est pur, moins il contient d’air fixe, & plus la chaleur du mélange est grande, plus les vapeurs sont épaisses, & plus la quantité respective des deux fluides diminue ; au contraire, si l’air est très-vicié, très-chargé d’air fixe, moins il se produira de chaleur, de vapeurs & de diminution.

Dans la seconde espèce d’eudiomètre, on substitue l’air inflammable à l’air nitreux, on le mêle avec de l’air atmosphérique, & on l’enflamme par le moyen d’une étincelle étectrique. Plus l’air atmosphérique est pur, plus il contient d’air déphlogistiqué, & plus aussi l’inflammation est vive, la combustion de l’air inflammable est complète, & la quantité de cet air, & de l’air déphlogistiqué brûlé, diminuée ; au contraire, si l’air atmosphérique contient beaucoup d’air fixe, les résultats feront moindres, mais toujours en proportion avec l’état de l’air essayé.

C’est à M. Landriani que l’on doit l’invention de l’eudiomètre de la première espèce ; on l’a beaucoup varié ; mais malgré tous les changemens qu’il a subis entre les mains des plus habiles physiciens, il est moins sûr & moins commode que celui de la seconde espèce, qui a été imaginé par le Chevalier de Volta. Il est plus facile d’avoir toujours de l’air inflammable de nature égale, & il ne l’est pas pour l’air nitreux ; cela seul suffit pour faire préférer un instrument dont tout le mérite consiste dans l’exactitude uniforme, sans laquelle on ne peut établir aucune comparaison entre des airs pris dans différens endroits.

Nous donnerions ici les détails de la construction de ces instrumens, & leurs dessins comme nous le faisons pour le baromètre & le thermomètre, si la difficulté de les construire ou de les raccommoder, n’exigeoit pas un artiste consommé, & un physicien instruit. Comme il est très-rare de trouver à la campagne une personne qui réunisse ces deux qualités, nous croyons plus simple d’engager ceux qui voudroient s’en procurer, de les faire venir directement de Paris, plutôt que de vouloir les faire eux-mêmes ; ils seront plus sûrs d’avoir des instrumens exacts, & sur les résultats desquels ils pourront compter. M. M.