Cours d’agriculture (Rozier)/DESSOLURE

Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 669-671).


DESSOLURE, Médecine vétérinaire. Opération par laquelle le maréchal enlève la sole de corne de dessus la sole charnue.

Manière de dessoler. On doit commencer, 1°. par humecter la sole de corne ; les cataplasmes émolliens des feuilles de mauve & de pariétaire, appliqués sur la sole, & renouvelés de quatre en quatre heures, rempliront l’objet destiné, en rendant la sole plus souple, & en évitant par conséquent les douleurs qui accompagnent l’opération.

2°. La sole de corne étant humectée & ramollie par les cataplasmes, on doit abattre du pied, autant qu’il paroît nécessaire.

3°. On doit ensuite le parer dans l’épaisseur de la sole, afin de la diminuer, de la rendre souple & flexible, & par conséquent plus aisée à enlever.

4°. Il faut sur-tout parer la sole le long des côtés de la fourchette, parce que c’est-là le vrai moyen de favoriser sa séparation de la sole charnue.

5°. Le pied étant ainsi abattu, & la sole à demi-parée, on prend un fer à dessolure, pour voir s’il convient au pied, & on le met au feu pour lui donner l’ajusture & la tournure convenables. (Voyez Ferrure)

6°. Le fer étant porté sur le pied, il faut avoir l’appareil tout prêt. Cet appareil consiste en quelque plumaceaux d’étoupes cardées, en des éclisses, c’est-à-dire, en des morceaux de bois très-minces, en une ligature, & en quatre ou cinq clous bien courts.

7°. Le pied étant paré, on doit séparer avec la cornière du boutoir, la muraille d’avec la sole, & aller légèrement jusqu’au vif, en commençant par la pince, en s’avançant toujours du même côté, jusqu’à la pointe du talon, & en revenant de l’autre côté de la même manière.

8°. Le pied étant ainsi préparé, on abat le cheval, (voyez Abattre) ou bien on le met dans le travail, après quoi on lui lève le pied, & on lui passe une corde dans le paturon. Le maréchal prend alors le boutoir, dont il enfonce la cornière entre la muraille de la sole. Au lieu du boutoir, l’artiste qui a de la sûreté & de la délicatesse dans la main, peut se servir du bistouri, en le tenant du pouce & du doigt indicateur, en appuyant les autres doigts sur les bords de la muraille, en frappant à petits coups redoublés & suivis la lame de cet instrument, en observant sur-tout de ne point déranger les doigts, qui servent de point d’appui, de crainte d’enfoncer trop le bistouri dans la chair cannelée, & en suivant la sole dans toute sa circonférence, pour la séparer de la muraille.

9°. La sole entièrement séparée, il faut prendre le lève-sole ; cet instrument n’est autre chose qu’un morceau de fer plat, allongé & applati par le bout. On l’introduit entre la sole de corne & la sole charnue, en commençant par la pince, & en évitant sur-tout de déchirer la sole charnue.

10°. La sole de corne dégagée de la sole charnue d’environ un pouce d’étendue, on doit tenir le lève-sole d’une main, saisir de l’autre des tricoises un peu usées, & les introduire entre les deux soles, pour soulever la première, c’est-à-dire, la sole de corne.

11°. Cela fait, on remet le leve-sole, & on travaille à détacher la sole, en commençant par un côté, & en la renversant sur la fourchette. C’est pour opérer le renversement de la sole sur la fourchette, que nous avons indiqué ci-dessus d’amincir cette partie, en parant le pied, parce que si on lui laissoit la même épaisseur dans cet endroit, il seroit difficile à l’artiste de renverser les tricoises sur la fourchette, & il se verroit dans la nécessité de suspendre l’opération, pour parer de nouveau la sole dans cet endroit.

12°. La sole une fois détachée, on se met en arrière du pied du cheval, & on tire en droite ligne la sole.

13°. La sole enlevée, on reprend le boutoir pour ôter le reste de corne qui se trouve attachée à la muraille.

14°. L’opération achevée, on ôte la ligature qu’on avoit mise au paturon, on attache le fer, & on met l’appareil, en observant de ne pas faire une trop grande compression sur la sole, ce qui occasionneroit la gangrène.

15°. Le maréchal doit choisir suivant le genre de mal qui a exigé la dessolure, les médicamens qui doivent être appliqués sur la sole. Dans le cas, par exemple, où le cheval auroit été dessolé relativement à la sécheresse du pied, ou à la compression sur la sole, sans qu’il y eût plaie, il doit panser à sec, c’est-à-dire, se contenter d’appliquer seulement des étoupes sèches, & laisser l’appareil cinq à six jours sans le renouveler. Dans les cas de plaie, il faut panser la sole toutes les vingt-quatre heures, avec un mélange d’eau-de-vie & de vinaigre, ou avec des plumaceaux imbibés d’essence de térébenthine ; mais si c’est par rapport à un clou de rue, il faut, au contraire, mettre l’appareil tout autour de la sole charnue, en finissant de le poser dans l’endroit du clou, afin de n’être pas obligé de découvrir entièrement la sole à chaque pansement, observant d’appliquer d’abord de petits plumaceaux, suivant la grandeur de la plaie, & d’en mettre successivement de plus grands en dessus.

16°. Les plumaceaux ainsi appliqués on met les éclisses, évitant toujours de comprimer la pince ce qui seroit d’autant plus dangereux, que la sole étant molle, ne pourroit résister à la compression en cet endroit.

17°. Les éclisses posées, on couvre les talons de plusieurs gros plumaceaux, qui seront contenus par une bande d’un large ruban de fil ; après quoi on conduit l’animal dans l’écurie, on le saigne à la veine jugulaire, s’il a beaucoup souffert, ou si le cas l’exige.

Des cas où il convient de dessoler. On dessole ordinairement le cheval & les autres bêtes asines, dans le clou de rue grave, dans la bleime, dans le fic à la fourchette, dans les javarts, les extensions des tendons, & dans toutes les circonstances où il y a de la matière accumulée sous la sole de corne. (Voyez tous ces mots.) Nous recommandons aux maréchaux de la campagne, de ne jamais dessoler les mules & les chevaux encloués, à moins que l’os du pied n’ait été intéressé. (Voyez Enclouure) M. T.