Cours d’agriculture (Rozier)/CORNOUILLER

Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 489-490).


CORNOUILLER, improprement appellé Male, (Pl. 14, p. 487) placé par M. Tournefort dans la neuvième Section de la vingt-unième classe, qui comprend les arbres & arbrisseaux à fleur en rose, dont le calice devient un fruit à noyau, & il l’appelle cornus hortensis mas. M. von Linné le nomme cornus mas, & le classe dans la tétrandrie monogynie.

Fleurs A, de couleur jaune, rassemblées dans une espèce de calice commun B, disposées en rose, composes de quatre pétales ovales & pointues. C représente une fleur vue de face ; D la fait voir par-dessous, & montre le calice particulier de la fleur ; E les quatre étamines environnant le calice.

Fruit F, le plus communément rouge, quelquefois jaune ou blanc dans certaines variétés ; G, son noyau ; H fait voir les deux loges qu’il contient, & I son amande.

Feuilles, simples, très-entières, ovales, terminées en pointe, jamais dentelées, relevées en-dessous par des nervures saillantes.

Racine, ligneuse, rameuse.

Port, grand arbrisseau qui jette beaucoup de rameaux ; son écorce est verte ou cendrée, son bois dur, ses fleurs disposées en manière d’ombelle, enfin, ses feuilles opposées.

Lieu, les bois, les haies, fleurit en mars, avril & mai.

Propriétés. Ses fruits sont appelés cornes, cornouilles, sont sans odeur, d’une saveur légèrement acerbe & un peu austère, ainsi que les feuilles & l’écorce ; l’on peut manger les fruits, ils sont rafraîchissans & astringens ; les feuilles & les boutons sont acerbes & dessicatifs.

Le fruit sec & réduit en poudre, se donne à l’homme, à la dose de demi-once en infusion dans huit onces d’eau, & d’une once dans une pinte d’eau pour l’animal ; extérieurement on emploie les boutons & les feuilles en décoction. Ce remède est contraire aux estomacs délicats. On mêle encore avec succès les cornouilles dans le vin, pour arrêter les dévoiemens ; il faut dix livres de fruit sur cent livres de bon vin ; on laisse le tout fermenter pendant quinze jours, après quoi on soutire dans des bouteilles qu’il faut bien boucher.

On trouve, en Provence, une variété de cet arbre, elle produit de gros fruits & on l’appelle acurnier. Ce genre renferme plusieurs espèces, 1°. le cornouiller sanguin, vulgairement appellé femelle cornus sanguinea, Lin. dénomination qui lui vient de la couleur de son écorce. Cette espèce offre plusieurs variétés, les unes à feuilles alternes, très-larges ; les autres à feuilles oblongues, ovales, blanchâtres par-dessous ; celles-ci à feuilles étroites, en fer de lance, vertes des deux côtés, & les nervures du dessous, rougeâtres. Le sanguin d’Amérique a les feuilles très-blanches.

Ces arbres figurent très-bien dans les bosquets d’été : on voit, près de Zurich, des cornouillers taillés au ciseau comme la charmille, soit en boule, soit en if, soit en encaissement au pied des arbres ; enfin, il y sert, comme l’aubépin, à la formation des haies. Le sanguin ou cornouiller femelle pourroit-il être ainsi traité ? C’est un fait à examiner, & que je ne puis, à cause que ce grand arbrisseau est indigène au pays que j’habite. Sa graine semée, lève souvent à la seconde année seulement : comme l’arbre trace beaucoup, on le multiple encore mieux par marcottes. Voyez ce qui a été dit au mot Acacia, sur la manière prompte de se procurer beaucoup de marcottes. Le tronc coupé, les drageons seront plus nombreux.

Les tiges droites du cornouiller fournissent les meilleurs cerceaux connus, à cause du pliant du bois, & sur-tout par rapport à sa dureté, & les faussets pour les tonneaux. Le vin, lors de sa fermentation, ne les pénètre point, & la liqueur ne s’échappe point en dehors, & ne forme pas cette espèce de croûte spongieuse, molle, & de couleur vineuse, qui pourrit peu à peu la douve, & rend ses pores comme des siphons. Lorsqu’on ne peut se procurer du sorbier ou cormier, pour faire les alluchons de lanterne des moulins, il faut préférer le bois de cornouiller à tout autre. Enfin, il fournit aux vignes des échalas supérieurs à ceux de chêne & de châtaigniers, sur-tout si on a le soin de le dépouiller de son écorce. Ces qualités si essentielles doivent engager les propriétaires des forêts de multiplier cet arbrisseau, non dans l’intérieur, mais sur les lisières… Les jeunes pousses du sanguin peuvent suppléer l’osier, pour attacher la vigne contre l’échalas.