Cours d’agriculture (Rozier)/CONTRE-ESPALIER
CONTRE-ESPALIER. Haie ou treillage formé par des arbres placés en avant d’un espalier : on leur donne communément quatre pieds de hauteur. Est-il dans la bonne règle du jardinage d’établir ces contre-espaliers ? Je ne le crois pas ; l’expérience a prouvé que les pêches y réussissent mal, que les poiriers bergamote, petit muscat, bon chrétien, &c. y éprouvent le même sort ; la vigne seule a du succès : au mot Vigne, j’indiquerai la manière de la tailler. Supposons un mur placé au midi ou au nord, relativement au jardin, & supposons-lui de neuf à douze pieds de hauteur. Qui ne voit pas que le contre-espalier recevra le vent par rafale, qu’il se rabattra sur lui, après avoir franchi le mur dont il est question ? Si on le place plus près du mur, les racines des arbres en espalier, & celles des arbres en contre-espalier, se réuniront mutuellement : il convient donc de laisser une distance de dix à douze pieds du contre-espalier au mur.
Je n’appelle point contre-espalier les arbres plantés en bordure, & taillés en éventail le long des carrés du jardin, qui correspondent vis-à-vis ceux en espalier le long du mur ; mais si entre l’allée & ce mur il se trouve une rangée d’arbres, tenus bas, & à peu de distance de ce mur, c’est un véritable contre-espalier. C’est donc la position & la forme de l’arbre, qui caractérise le contre-espalier : on le tient bas, afin de laisser à ceux qui se promènent dans l’allée, la liberté de voir l’arbre qui tapisse le mur, & afin que les branches de celui-là ne portent pas leur ombre sur celui-ci.
Les arbres à planter en contre-espalier, sont nécessairement soumis à un état forcé ; ils sont contraints de s’étendre sur le côté, & non en hauteur : il faut donc disposer les premières branhes, le plus qu’il est possible, sur la ligne horizontale, & incliner les secondes & les troisièmes, sur l’angle de cinquante à cinquante-cinq degrés. Lorsque ces mères branches auront cette direction, il sera aisé de garnir la hauteur de quatre pieds avec les bourgeons, & on observera de tailler long ces premières, & de les assujettir contre le treillage qui forme le contre-espalier. Le peu de hauteur que les arbres doivent acquérir, indique la distance à laquelle il convient de les planter, c’est-à-dire, au moins à dix-huit pieds, & pour le mieux, de vingt à vingt-quatre : cet espace paroîtra immense au premier coup-d’œil, lorsque l’on plantera, & cette prétendue défectuosité est toujours la cause qu’on plante trop près, parce qu’on ne voit que le moment présent, sans songer à l’avenir. Je n’approuve point la manie de placer des arbres en contre-espalier, il vaut mieux les consacrer à la vigne.