Cours d’agriculture (Rozier)/CATARRE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 596-601).


CATARRE, Médecine rurale. On a coutume de nommer catarre, rhume ou fluxion, cet état maladif dans lequel une humeur âcre coule du nez, de la bouche, du gosier & de la poitrine.

L’humeur catarrale peut attaquer toutes les parties du corps humain indistinctement, & y exciter un commencement d’inflammation qui, négligée ou mal traitée, dégénère en inflammation vraie, en suppuration & en gangrène : ainsi le cerveau, les yeux, le nez, les oreilles, le gosier, la poitrine, l’estomac, les intestins, le foie, la rate, les reins, la vessie & la matrice, peuvent être attaqués du catarre, du rhume ou de la fluxion.

Dans son commencement, l’humeur catarrale donne des signes de son existence, lesquels signes sont relatifs à la partie affectée & gênée dans ses fonctions, par la présence de cette matière étrangère : en général, les malades éprouvent tous les effets de l’inflammation, mais à un degré modéré. (Voyez Inflammation)

Comme la membrane qui tapisse l’intérieur du nez, de la bouche & du gosier, se prolonge dans la poitrine, il n’est pas rare de voir l’humeur catarrale suivre cette membrane, & porter ses impressions dans tous les lieux où cette dernière a des communications.

Les causes qui font naître un catarre dans quelques parties que ce soit, sont les mêmes que celles qui déterminent l’inflammation de ces mêmes parties : le contact de l’air froid sur une partie arrosée par la sueur, l’humidité & le froid qui arrêtent la transpiration, la rentrée des maladies quelconques de la peau, & le vice des différentes humeurs du corps.

Les catarres sont d’autant plus dangereux, qu’ils attaquent des parties plus intéressantes à la vie, & des sujets foibles & épuisés ; les catarres de la poitrine sont les plus dangereux, ainsi que ceux du foie & de l’estomac.

Les catarres de la poitrine souvent répétés, mènent à la suppuration du poumon ; & ceux du foie & de l’estomac mènent à l’inflammation & à la suppuration de ces deux organes.

Les catarres suffoquans de la poitrine menacent du danger le plus éminent en moins de douze heures. Les gens sujets à cette dernière maladie, sont les personnes chargées d’embonpoint outre mesure, & qui ne gardent aucun ménagement dans leur nourriture, les personnes contrefaites & les vieillards.

Les catarres règnent quelquefois épidémiquement, & méritent la plus grande attention.

Le traitement des catarres est simple. Comme la cause qui les détermine est une matière âcre qui, par sa présence, gêne les fonctions de la partie sur laquelle elle s’est fixée, il faut employer dans le premier tems tous les remèdes & boissons humectantes ; la saignée même est souvent nécessaire quand l’inflammation, la douleur & la sécheresse sont fortes. Dans le second tems, quand la résolution se fait, c’est-à-dire, quand la matière âcre commence à se détacher, quand la fièvre est diminuée de beaucoup, ainsi que la sécheresse & la douleur, il faut donner un peu d’activité aux remèdes, afin de commencer à faire sortir la matière catarrale. Il ne faut jamais perdre de vue que, dans tous les catarres, la nature, comme dans toutes les maladies, tend à se débarrasser, tantôt par les urines ou par les sueurs, & tantôt par les crachats ou par les dévoiemens ; il faut suivre la route que la nature indique. Si la nature indique la voie des urines, on fait fondre, dans les tisanes appropriées, quelques grains de sel de nitre ; si les sueurs paroissent, on fait usage des sudorifiques légers, comme quelques tasses d’infusion de fleur de sureau ou de coquelicot, &c. Si les crachats commencent à sortir, on en facilite l’expectoration par quelques looks aiguisés avec deux ou trois grains de kermès, ou quelques fractions de grains d’ipécacuanha, mêlés avec le sucre, &c. Si la matière catarrale s’ouvre une route par les selles, on emploie des purgatifs doux, la manne, les tamarins, les sels neutres, le séné, à petites quantités.

On commet ordinairement bien des erreurs dans le traitement de ces maladies ; elles sont de deux genres. Les uns ne font usage que des remèdes les plus incendiaires, & les autres que des remèdes les plus relâchans. Ces derniers nuisent moins que les premiers ; & c’est pour cette raison qu’ils en font moins d’usage, preuve bien convaincante des maux dans lesquels nous plonge l’ignorance. Nous allons examiner ces deux objets, qui sont bien plus intéressans que le commun du peuple ne le croit.

Premièrement, les remèdes chauds. Lorsqu’une personne est attaquée d’un catarre, sur-tout à la poitrine, à l’estomac & au foie, le peuple, qui croit que toutes les maladies ne viennent que de foiblesse, fait usage de remèdes chauds ; le vin chaud avec le sucre & la cannelle, l’eau-de-vie, seule ou mêlée avec quelques aromats, sont, comme on le dit vulgairement, les grands chevaux de bataille. Mais qu’arrive-t-il de l’usage de ces remèdes ? Nous avons dit plus haut, que tout catarre étoit une inflammation légère, & il est aisé de concevoir si des remèdes chauds appaiseront l’inflammation. Non-seulement elle ne cède pas à ces moyens, mais elle devient très-considérable : la suppuration n’a pas le tems de se former, & la gangrène paroît, accompagnée de tous les symptômes sinistres. Nous avons plus d’une fois vu expirer en peu de tems des malheureux attaqués de catarres simples, qui étoient dégénérés en gangrène, à la suite de ce traitement ignorant. Le médecin, communément appelé trop tard, n’arrive que pour gémir sur les abus énormes répandus dans la science salutaire & consolante de la médecine, abus qui détruisent plus de citoyens utiles que la peste & la guerre.

Secondement, les remèdes relâchans. Dans le commencement d’un catarre, comme il y a fièvre, tension, douleur & toux, si la poitrine est affectée, il est certain que les remèdes relâchans, l’eau tiède, chargée de la partie mucilagineuse des plantes émollientes, l’eau de poulet & de veau légère, &c. conviennent, ainsi que la saignée, pour détourner le sang qui se porte toujours avec impétuosité vers les lieux enflammés, & pour détremper l’humeur âcre qui irrite ces organes ; mais lorsqu’une fois l’inflammation est calmée, & que la nature commence à exciter de légers mouvemens pour se débarrasser de la matière catarrale par un endroit quelconque ; que la tension & la douleur sont beaucoup diminuées, & presque disparues, il ne faut pas continuer l’usage des remèdes relâchans, parce qu’affoiblissant la nature, elle ne pourra pas ramasser assez de force pour chasser au dehors ce qui lui nuit, la matière restera fixée dans des organes affoiblis, s’altérera, communiquera son altération aux parties sur lesquelles elle siège, & de là naîtront des suppurations lentes de la poitrine, de la vessie, du foie, &c. On voit tous les jours des gens qui rendent le pus par la bouche ou par d’autres couloirs, parce qu’on a négligé ou mal traité un catarre très-léger dans son principe. Quelquefois on voit l’humeur catarrale se répandre & se fixer indistinctement dans telle ou telle partie du corps, & servir de noyau à des maladies terribles & mortelles.

Il existe quelques catarres de la poitrine, qu’on ne parvient à guérir qu’en usant des émétiques. Comme ces derniers remèdes exigent les connoissances d’un homme très-éclairé & très-versé dans la pratique de la médecine, nous renvoyons aux gens de l’art, plutôt que de faire commettre des abus plus dangereux que le mal : nous aurons rendu des services bien importans, si nous sommes assez heureux pour détruire des préjugés, funestes au repos & au bonheur des hommes.

Le catarre suffoquant prive quelquefois de la vie en dix ou douze heures ; & souvent, malgré les secours les plus prompts & les plus éclairés, le malade succombe à la force du mal. Il faut, sans hésiter, saigner le malade du bras & du pied, répéter les saignées suivant la force des symptômes, lui appliquer de larges & grands vésicatoires, & le tenir à une diète sévère. Ce dernier moyen n’est pas difficile à administrer : car les malades éprouvent les plus grandes difficultés à avaler. Si le malade revient un peu, on suit le traitement du catarre, indiqué plus haut : il faut seulement faire observer le plus grand régime, car les rechûtes sont mortelles, comme l’expérience nous l’a prouvé plus d’une fois. M. B.


Catarre, Médecine vétérinaire. Ce n’est autre chose qu’une inflammation fausse, avec fluxion & distillation d’humeur, qui peut attaquer toutes les parties du corps des animaux, mais qui se fixe le plus souvent au nez, au col, ou sur le poumon.

Causes du Catarre. Les causes les plus communes du catarre sont les intempéries de l’air, la suppression de l’insensible transpiration, de la sueur, le peu de soin qu’ont les cultivateurs, d’entraîner un courant d’air dans les écuries & les étables ; le passage subit de l’air échauffé qui règne dans les lieux où sont enfermés beaucoup d’animaux, à l’air libre & froid ; les eaux crues & glacées qu’on leur laisse boire, sur-tout lorsqu’ils travaillent ; la répercussion des maladies cutanées, telles que la gale, les dartres, les eaux aux jambes, les solandres, les malandres, &c.

Le cheval, l’âne, le mulet, le bœuf, le mouton, la chèvre & le cochon, sont sujets au catarre. Mais comme cette maladie est mieux connue dans tous ces animaux, sous le nom de morfondure, nous renvoyons à cet article. (Voyez Morfondure) Il nous reste seulement à parler du catarre qui a souvent des suites funestes chez les chevaux, & qui, pour l’ordinaire, est épizootique. Il se manifeste par les symptômes suivans :

1o. Les premiers jours, un malaise & une foiblesse générale, quelques légers frissons, sur-tout le soir, à la rentrée du travail.

2o. Des ébrouemens fréquens, suivis de l’écoulement par les naseaux d’une humeur limpide & âcre.

3o. Un mouvement convulsif dans la lèvre antérieure.

4o. La perte de l’appétit dans quelques chevaux.

5o. Vers le quatrième jour, ce dernier symptôme est le plus général, & les ébrouemens moins fréquens.

6o. L’humeur devient verdâtre, & s’épaissit ; elle ne coule alors que par un naseau ; les glandes lymphatiques de dessous la ganache se tuméfient du côté du naseau qui flue.

7°. Les glandes ne sont entièrement engorgées que lorsque le flux a lieu par les deux naseaux à la fois.

8°. Les huitième, neuvième, dixième & douzième jours, les ébrouemens cessent, l’humeur devient plus épaisse, jaunâtre, & successivement blanche ; elle coule en plus grande quantité, & souvent alors par les deux naseaux.

9°. La respiration se trouve gênée.

10°. Quelques légers accès de toux qui n’ont le plus souvent lieu que parce que l’humeur, devenue trop épaisse, engoue les fosses nasales.

11°. Le flux & la tuméfaction cessent peu-à-peu, & l’animal reprend sa gaieté & son appétit.

Dans quelques chevaux, la maladie s’annonce par la prostration des forces, par une toux sèche, plus ou moins violente, & beaucoup de sensibilité à la poitrine ; huit ou dix jours après, la toux commence à devenir grasse, & il se fait par les naseaux & quelquefois par la bouche, une expectoration copieuse de matière épaisse & jaunâtre ; l’insensible transpiration se rétablit peu-à-peu, elle est même quelquefois abondante, & l’animal guérit.

Cette espèce de catarre attaquant ordinairement la poitrine des chevaux, il est dangereux, & souvent funeste pour ceux qui ont essuyé des péripneumonies, pour ceux qui ont le poumon foible & délicat, & pour ceux qui ont la pousse ; quelques-uns même succombent. La pousse est quelquefois augmentée dans d’autres, au point qu’ils ne peuvent résister à la chaleur de l’été. En général, cette maladie est dangereuse, & se termine au bout de quinze jours. Les chevaux qui ont des eaux aux jambes, des javarts, ou d’autres accidens locaux, en sont pour l’ordinaire exempts.

Traitement. Dans le premier cas, les remèdes mucilagineux & adoucissans, tels que la mauve, la guimauve, le bouillon blanc, la graine de lin, en boissons & en fumigations ; ensuite les délayans légèrement incisifs, le kermès minéral donné avec du miel, ou bien étendu dans l’eau blanchie avec le son de froment, sont les remèdes à employer.

Mais dans le second, c’est-à-dire, dans celui où la prostration des forces est manifeste, les infusions des plantes aromatiques, telles que l’absinthe, la sauge, la lavande, l’iris de Florence, le kermès, sont à préférer. La nourriture doit être la paille & le son.

On doit bien sentir que la saignée n’est indiquée que dans le premier cas, encore faut-il que la difficulté dans la respiration subsiste, & qu’elle soit faite dans les quarante-huit heures de l’invasion du mal ; parce que si on la pratiquoit le troisième ou quatrième jour que la coction de l’humeur catarrale commence à se faire, il seroit à craindre qu’elle ne se fixât entièrement sur le poumon, & qu’elle n’y occasionnât des inflammations, dont la plupart se termineroient par l’empyème & la mort. M. T.


Catarre du chien, Médecine vétérinaire. Le chien est sujet au catarre du gosier. On connoît qu’il en est attaqué lorsqu’il est triste, dégoûté, qu’il lui sort beaucoup de sérosités par le nez, par son gosier qui est douloureux & enflammé, & quelquefois par sa tuméfaction.

Ce mal cède facilement en tenant le chien chaudement, en faisant sur la partie tuméfiée, des onctions avec l’huile de camomille, & des fumigations de cascarille. M. T.