Cours d’agriculture (Rozier)/CAS RÉDHIBITOIRES


CAS RÉDHIBITOIRES, (Jurisprudence vétérinaire.) On appelle ainsi les maladies ou les vices qui donnent à l’acheteur le droit de faire annuler le marché, c’est-à-dire de rendre l’animal vendu et d’en reprendre le prix, ou de faire rectifier le marché, en gardant l’animal, et en obtenant une réduction sur le prix.

Cas rédhibitoires pour toute la France. Un arrêt du ci-devant conseil d’état, du 16 juillet 1784, article 7, « fait défense à tous marchands de chevaux ou autres, de vendre ou exposer en vente, dans les foires et marchés, ou par-tout ailleurs, des chevaux ou bestiaux atteints ou suspectés de morve ou de maladies contagieuses. » On conclut de cette disposition de l’arrêt, que la morve, le farcin, le claveau, le charbon et la rage sont des cas rédhibitoires.

Cas rédhibitoires, et durée de la garantie à Paris. La jurisprudence parisienne a admis comme tels, pour le cheval, l’âne et le mulet, la pousse, la courbature, l’immobilité, la claudication de vieux mal, si l’animal n’étoit pas boiteux au moment de la vente, le tic non appercevable à l’usure des dents.

Un arrêt du parlement de Paris, du 26 janvier 1781, « a ordonné que le cornage ou sifflage seroit aussi au nombre des cas rédhibitoires. »

Un cheval qui refuseroit de se soumettre au service auquel il semble propre, d’après sa conformation, seroit dans le cas d’être rendu au vendeur, à moins que l’acheteur ne l’eût essayé, ou mieux encore, qu’il ne l’eût employé à ce même service.

L’épilepsie ou mal caduc, et la pommelière, sont rédhibitoires à Paris, pour la vache seulement, suivant un arrêt de règlement du 14 juin 1721.

Les marchands forains sont garans, pendant neuf jours, de la mort de leurs bœufs vendus aux bouchers de Paris, suivant l’ordonnance de police du 14 avril 1769.

Les vaches vendues comme laitières, auxquelles les marchands, pour tromper les acheteurs, auroient laissé distendre les mamelles par le lait, et qui cependant n’en donneroient presque pas, seroient dans le cas de la rédhibition.

Les statuts de la communauté des charcutiers de Paris, ont mis, en 1755, titre 23, article 4, la ladrerie des porcs au nombre des cas rédhibitoires.

Les délais pour former la demande en rédhibition sont, à Paris, de neuf jours. Pour le tic, dont on a parlé, on n’accorde, dit-on, que vingt-quatre heures.

Cas rédhibitoires, et durée de la garantie dans les juridictions autres que celle de Paris. On ne sait pas précisément quels sont les cas rédhibitoires admis pour les animaux dans la plupart des provinces. Le Coutumier général de Richebourg, quoiqu’il renferme soixante coutumes générales, et environ trois cents coutumes locales, n’en fait mention que dans deux ou trois coutumes. Voici tout ce que nous avons pu rassembler à cet égard.

Un arrêt de règlement, rendu le 30 janvier 1728, par le parlement de Rouen, n’admet, pour la Normandie, que trois cas rédhibitoires, savoir : la pousse, la morve et la courbature ; le cornage ou sifflage y est ajouté, depuis l’arrêt de 1781.

En Artois, les cas rédhibitoires sont de même la pousse, la morve, la courbature, le cornage ou sifflage ; suivant le règlement du conseil provincial et supérieur, du 12 janvier 1785.

La ladrerie est rédhibitoire dans l’Orléanais, en Bretagne, etc. : le délai court du jour de la tradition ou livraison, avant ou après midi.

Dans les pays régis par la coutume du Bourbonnais[1], et dans ceux régis par la coutume de Sens[2], la garantie est de huit jours ; à Genève, elle est aussi de huit jours.

En Artois, suivant le règlement du conseil provincial, du 12 février 1785, pour les moutons, c’est huit jours.

En Normandie, pour les vaches, suivant un arrêt du 19 juillet 1713, neuf jours.

En Artois, pour le mal caduc des vaches, trente jours.

En Artois, pour les chevaux, suivant l’arrêt de règlement de 1785, pour vices de vaches, moutons et porcs, qui ne se reconnoissent qu’à l’ouverture, quarante jours.

À Cambrai[3] et à Péronne, suivant Pothier, quarante jours.

À Bar, quarante jours[4].

Le règlement du conseil supérieur provincial d’Artois porte que, lorsque les vices rédhibitoires ne pourront être constatés dans l’étendue de la province, les délais seront augmentés d’un jour par dix lieues.

La demande en rédhibition doit être faite avant l’expiration du délai ; cependant on a vu réussir, à Paris, une affaire dans laquelle l’animal étant éloigné, et l’action ne pouvant être formée pendant la durée de la garantie, l’acquéreur, après avoir fait constater, dans le délai, le vice par un nommé d’office, avoit intenté sa demande à son retour.

La mort de l’animal ne fait point cesser la faculté de la rédhibition.

Voyez au mot Garantie, les dispositions du code civil, ainsi que les effets de la garantie conventionnelle, et la procédure relative aux demandes en garantie. (Ch. et Fr.)


  1. Coutume du pays et duché de Bourbonnais, chapitre 22, art. 87 : Un vendeur de chevaux n’est tenu de vices, excepté morve et pousse, courbes et courbatures, sinon qu’il les ait vendus sains et nets, auquel cas il est tenu de tous vices latens ou apparens, huit jours après la tradition.
  2. Coutume du bailliage de Sens, tit. 21, art. 160 : Un vendeur de chevaux n’est tenu des vices d’iceux, excepté de morve et de pousse, courbature, sinon qu’il les ait vendus sains et nets ; car en ce cas, il est tenu de tous vices apparens et non apparens.
  3. Coutume de Cambrai, tit. 14, de la rescision de contrats, art. 5 : Un vendeur de chevaux n’est tenu à intérêts ou rescision de contrats pour rien, excepté de morve et de pousse, en dedans quarante jours.
  4. Coutume de Bar, tit. 14, de convenances et de contrats, art. 204 : Un vendeur de chevaux n’est tenu d’autres vices que morve, pousse et courbatures, si ce n’étoit qu’il les eût vendus sains et nets, auquel cas il est tenu de tous vices apparens, et ce, dedans quarante jours, seulement après la vendition et délivrance.