Cours d’agriculture (Rozier)/CARTHAME

Hôtel Serpente (Tome secondp. 588-589).


CARTHAME, ou Safran bâtard, & connu dans le commerce sous le nom de safranum. (Voyez Planche 22, page 571.) M. Tournefort le place dans la troisième section de la douzième classe, qui comprend les herbes à fleur à fleuron, qui laisse après elle la semence sans aigrette, & il le nomme carthamus officinarum, flore croceo. M. von Linné l’appelle carthamus tinctorius, & le classe dans la syngénésie polygamie égale.

Fleur, est un composé de fleurons hermaphrodites. Chacun de ces fleurons B, est un tube cylindrique, menu à sa base, alongé, évasé à son extrémité, & divisé en cinq parties. Le pistil excède de beaucoup le fleuron ; les étamines l’entourent comme une gaine, & sous le pistil est l’ovaire. Le calice est une espèce d’enveloppe dont les folioles diminuent de grandeur à mesure qu’elles approchent des fleurons. Ces fleurs sont d’un jaune éclatant.

Fruit. Chaque ovaire devient une graine C, blanchâtre, luisante, pointue, quadrangulaire, sans aigrette ; on la voit coupée transversalement en D.

Feuilles, adhérentes à la tige, simples, entières, ovales, dentées ; les dentelures pointues, piquantes ; la surface lisse, garnie de trois nervures.

Racine A, en forme de fuseau, brune à l’extérieur.

Port, tige blanchâtre, solide, herbacée, haute de trois pieds environ.

La fleur naît au sommet des tiges, seule, soutenue par un péduncule, & les feuilles sont placées alternativement sur la tige.

Lieu, originaire d’Égypte, cultivé dans nos jardins, où il fleurit en Mai & Juin ; cultivé aussi dans les champs, & dans les provinces du nord du royaume, où il fleurit en automne. La plante est annuelle.

Propriétés. Les fleurs favorisent l’expectoration des matières muqueuses, excitent les urines, & sont indiquées dans l’asthme pituiteux, le rhume catarral & la toux catarrale.

Les semences sont un purgatif violent pour l’homme, & cependant elles nourrissent & engraissent les perroquets & autres oiseaux sans les purger. Elles causent à l’homme des épreintes, la soif & l’ardeur dans les premières voies.

Usage. On prescrit les fleurs sèches, depuis une drachme jusqu’à une demi-once, en macération au bain-marie, dans six onces d’eau, & les semences pulvérisées depuis une jusqu’à deux drachmes, triturées & délayées dans cinq onces d’eau ; concassées depuis une drachme jusqu’à demi-once, infusées dans la même quantité d’eau.

Culture. Cette plante mérite d’être prise en considération, & pour peu qu’on s’attachât à sa culture, la France ne seroit plus dans le cas de revenir à l’étranger. Elle aime un terrain sec & meuble ; on la sème suivant le pays qu’on habite, dès qu’on ne craint plus l’effet des gelées ; si le semis n’est pas retardé, on aura le tems de récolter des graines noires, tandis que dans nos provinces septentrionales, on est forcé chaque année de tirer de nouvelles graines des provinces du midi. Semez à la volée, mais semez de manière que chaque pied soit éloigné de son voisin de dix à douze pouces. Il seroit un peu plus long, il est vrai, de semer par sillons, & de herser ensuite, mais le semis en vaudroit beaucoup mieux. Sarcler souvent, serfouir quelquefois le terrain, éclaircir les plants trop épais ; voilà les seuls soins essentiels.

Dès que les fleurs commencent à paroître & s’ouvrent, c’est là le moment de les cueillir ; le trop grand épanouissement nuit à la beauté de la couleur. On les porte aussi-tôt dans un lieu à l’abri du soleil, & où il règne un courant d’air pour les faire dessécher ; enfin on les tient ensuite dans un lieu sec, renfermées ou dans des sacs, ou dans des caisses. On doit rejeter dans le commerce, celui dont la couleur est terne & peu nette. C’est une preuve que la fleur a été mal desséchée, & que sa partie colorante, point essentiel, est attaquée.

Les marchands de mauvaise foi, mêlent les fleurs du safranum avec celles du véritable safran, parce que le prix des premières est de beaucoup inférieur à celui des secondes. On reconnoîtra la fraude en considérant ces fleurs séparément, & l’on verra alors que la partie fibreuse du safranum est étroite, dure, sèche, & sa couleur beaucoup plus pâle que celle du safran. (Voyez ce mot)

Son grand usage est pour les teintures ; il faut cependant convenir que toutes les étoffes teintes avec le safranum, ne sont jamais d’un bon teint. On prépare avec ses étamines une couleur qu’on nomme vermillon d’Espagne ou lacque de carthame.

Cette plante figure bien dans les grands jardins.