Cours d’agriculture (Rozier)/CAMPHRE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 543-544).


CAMPHRE. Substance qu’on retire d’une espèce de laurier qui croît en Chine, & que les hollandois seuls savent raffiner. C’est un des meilleurs remèdes connus dans la médecine humaine & vétérinaire. Le camphre est léger, blanc, transparent, d’une odeur aromatique très-forte, d’une saveur âcre, légérement amère, laissant un sentiment de fraîcheur dans la bouche ; insoluble dans l’eau, soluble dans l’esprit-de-vin, les jaunes d’œufs, les huiles, les graines, les acides minéraux & la bile ; peu soluble dans le vin & dans le vinaigre, se dissipant entièrement par le seul contact de l’air libre ; très-inflammable, surnageant l’eau, & ne laissant après sa combustion, ni fumée, ni charbon.

Propriétés. Le camphre échauffe, il favorise souvent l’expectoration & le cours des urines ; cause quelquefois le hoquet pendant cinq ou six secondes ; rend le pouls plus concentré & plus fréquent ; cause une espèce d’ivresse, & quelquefois des mouvemens convulsifs. Il est indiqué dans la péripneumonie essentielle, depuis le troisième jusqu’au sixième jour. Des praticiens célèbres l’associent dans ce cas, tantôt avec le double de son poids de nitre, tantôt avec moitié de son poids de kermès minéral, tantôt avec le nitre & le kermès minéral ensemble, suivant l’indication ;… dans plusieurs espèces de fièvres inflammatoires, vulgairement nommées malignes, & de fièvres dites putrides, avec abattement de forces vitales ;… intérieurement & extérieurement, dans la colique néphretique spasmodique ;… dans la colique par les mouches cantharides ; plusieurs le regardent, avec raison, comme le correctif de ce poison. ;… dans les maladies causées par l’air infect des prisons, des hôpitaux.

L’observation rejette son usage, 1o. dans la plupart des maladies convulsives, accompagnées de vives douleurs de tête ; 2o. dans toute espèce de maladie où le sang se porte vers la tête avec trop d’impétuosité ; 3o. au commencement des maladies inflammatoires, particulièrement de celles du foie, de l’estomac, des intestins ; 4o. dans le plus grand nombre des maladies de rétention ; 5o. dans les fièvres intermittentes ; 6o. dans les maladies évacuatoires… Son usage est nuisible, en général, aux enfans, aux vieillards, aux tempéramens bilieux & sanguins. L’eau-de-vie camphrée réussit quelquefois dans les plaies avec contusion, contre la gangrène humide, les tumeurs érysipélateuses essentielles.

On donne communément le camphre, depuis demi-grain jusqu’à dix, mêlé avec le double ou le quadruple de son poids de sucre, incorporé avec un sirop, ou en solution dans un jaune d’œuf. Lorsqu’il s’agit de calmer promptement des douleurs très-aiguës, que les remèdes internes ne peuvent appaiser, quelques praticiens observateurs ajoutent à ce mélange, le laudanum liquide, depuis quinze grains jusqu’à une drachme ; quoique le laudanum liquide ne s’unisse pas exactement avec les deux autres substances, l’effet n’en existe pas moins. C’est ainsi que M. Vitet s’explique sur les propriétés du camphre.

Dans les épizooties, soit putrides, soit inflammatoires, on peut donner le camphre aux animaux, à la dose de quinze à vingt-cinq grains, uni à pareille dose de nitre, & incorporé dans du miel, mais non pas, ainsi qu’il a été dit, dans le commencement de l’inflammation. Quoiqu’il soit contre-indiqué dans les maladies convulsives, lorsque le sang se porte à la tête, je l’ai vu plusieurs fois réussir, uni au nitre, contre le vertigo & autres maladies spasmodiques. Étoit-ce l’effet du nitre plutôt que du camphre ? je ne le crois pas, puisque le nitre seul avoit adouci les symptômes & ne les avoit pas détruits. Dans tous les cas où l’on administre le camphre aux animaux, s’ils ont l’estomac rempli d’alimens, ils en éprouvent de mauvais effets. La dose, pour le cheval, est depuis une demi-drachme jusqu’à une drachme, parce qu’il agit moins sur lui que sur le bœuf & sur la brebis. Il facilite l’éruption de la clavelée. Les maréchaux l’administrent à trop forte dose, & même souvent à celle de demi-once & plus.