Cours d’agriculture (Rozier)/BOUQUETIN

Hôtel Serpente (Tome secondp. 410-411).


BOUQUETIN, ou Bouc-Estain. Sorte de bouc qui vit sur les plus hautes montagnes d’Europe & de l’Asie. Le bouquetin, plus fort & plus agile que le chamois, s’élève jusqu’au sommet des plus hautes montagnes ; au lieu que le chamois n’en habite que le second étage. La nature le vêtit en hiver d’une double fourrure d’un poil extérieur assez rude, & d’un poil intérieur plus fin & plus fourni. Quand on les prend jeunes. & qu’on les élève avec les chèvres domestiques, ils s’apprivoisent aisément, s’accoutument à la domesticité, prennent les mêmes mœurs, vont comme elles en troupeaux & reviennent de même à l’étable.

Propriétés. Il est étonnant qu’en médecine, l’opinion sur l’efficacité des remèdes soit disparate & même contradictoire ; le sang de bouquetin en est une preuve. Van Helmont dit, & avant & après lui, plusieurs auteurs, que le sang de cet animal, sur-tout celui qu’on a tiré des testicules & qui a été desséché au soleil, est un remède excellent dans la fluxion de poitrine ; & l’auteur de cet article, dans le Dictionnaire Encyclopédique, ajoute : « J’en ai entendu réciter des effets si merveilleux, qu’il est surprenant qu’on n’en fasse pas plus d’usage. On l’ordonne depuis vingt grains, jusqu’à deux drachmes. »

M. Vitet, dans sa Pharmacopée de Lyon, s’explique ainsi : « Les anciens ont cru que le sang de bouquetin étoit astringent & urinaire ; qu’il convenoit par conséquent dans la diarrhée par foiblesse d’estomac & des intestins ; dans la diarrhée séreuse, la colique néphrétique par des graviers, l’ischurie par des matières muqueuses. Le peuple assure que le sang de bouquetin favorise l’expectoration, aide à la résolution de la pleurésie essentielle & de la péripneumonie essentielle, excite la sueur, les urines & le flux menstruel, & que plus l’animal est nourri de plantes aromatiques, plus son sang est actif. Ni les uns, ni les autres ne sont fondés sur l’observation. À qui donc croire ? Cette diversité d’opinions conduiroit presque au pyrrhonisme sur les propriétés des substances qu’on regarde comme médicinales. » Je l’ai déjà dit, il seroit à desirer que la société royale de médecine, établie à Paris, s’occupât d’un nouvel & scrupuleux examen de ces substances ; l’ouvrage est trop étendu pour un seul particulier ; des savans, des médecins aussi éclairés que ceux qui la composent, peuvent seuls l’entreprendre, & ce seroit un des plus grands services que cette société, pleine de zèle, pût rendre à l’humanité. Le voile du charlatanisme tomberoit, & la vérité simple & nue paroîtroit dans tout son jour ; enfin, on sauroit à quoi s’en tenir.