Hôtel Serpente (Tome secondp. 330-347).


BOIS. Ce mot a deux significations dans notre langue : par la première on entend ce qui constitue la substance dure, ligneuse & compacte d’un arbre ; & sous la seconde, on parle d’un lieu planté d’arbres propres à la construction des édifices, à la charpente, à la menuiserie, au charronnage, au chauffage, &c. Il n’est pas question sous ce mot général, de traiter ici du semis, de la culture, de la coupe du bois ; ces détails sont réservés pour les mots forêts, Taillis ; nous ne devons nous occuper en ce moment que des généralités.


CHAPITRE PREMIER.

Des mots techniques des différentes qualités de bois, disposés par ordre alphabétique.

Bois arsin ; lorsqu’il a été maltraité par le feu.

Bois blanc. On comprend sous cette dénomination tous les arbres qui ont, non-seulement le bois blanc, mais encore léger & peu solide ; tels sont le saule, le bouleau, le tremble, l’aune ; & ils sont communément appelés blancs bois. Les vrais bois blancs sont le châtaignier, le tilleul, le frêne, le sapin, parce que, quoique blanchâtres, ils sont fermes & propres aux grands ouvrages. Les blancs bois viennent vite, même en des terreins mauvais ; ils ont peu de consistance, ne sont bons qu’à de petits ouvrages, & ne peuvent entrer que pour un tiers dans le bois à brûler.

Bois bombé ; s’il a quelque courbure naturelle.

Bois carié ou vicié ; s’il a des malandres ou nœuds pourris.

Bois chamblis ; quand il a été maltraité par les vents, soit qu’il ait été déraciné ou renversé, soit que les branches seulement aient été rompues.

Bois charmé ; lorsqu’il a reçu quelque dommage dont la cause n’est pas apparente, & qu’il menace de périr ou de tomber.

Bois en défends ; lorsqu’il est défendu de le couper, qu’il a été reconnu de belle venue, & qu’on veut lui laisser prendre tout son accroissement. Ces défends ne sont guère d’usage que dans les grandes forêts où les bois sont dégradés ou trop jeunes pour qu’on puisse en faire usage. Les taillis sont en défends de droit jusqu’à cinq ou six ans. Le défends s’étend toujours aux chèvres, cochons, moutons & autres animaux malfaisans, hors le tems de la glandée pour les cochons.

Bois défensable ; lorsque celui à qui il appartient peut permettre de faire les coupes & paissons convenables, parce qu’il est en état de résister.

Bois encroué ; lorsqu’il a été renversé sur un autre en l’abattant, & que ses branches se sont entrelacées avec les branches des arbres sur lesquels il est tombé. L’ordonnance défend d’abattre les bois sur lesquels d’autres sont encroués.

Bois en étant ; quand il est debout.

Bois à faucillon ; lorsqu’il s’agit d’un petit taillis qu’on peut abattre à la serpette.

Bois gelif ; s’il a des gerçures ou fentes causées par la gelée.

Bois marmentaux ou de touche ; lorsqu’ils entourent un château, une maison, un parterre, & qu’ils lui servent d’ornement, les usufruitiers n’en peuvent disposer.

Bois mort ; s’il ne végète plus, soit qu’il tienne à l’arbre, soit qu’il en ait été séparé.

Bois mort en pied ; s’il est pourri sur pied sans substance, & bon seulement à brûler.

Bois en puel ; si c’est un bois qui ait été nouvellement coupé, & qui n’ait pas encore trois ans, il est défendu d’y laisser entrer aucun bétail.

Bois rabougri ; s’il est mal fait, tortu & de mauvaise venue.

Bois recépé ; quand sur quelques défauts qu’on lui a remarqués, on l’a coupé par le pied pour l’avoir plus promptement & de plus belle venue.

Bois sur le retour ; lorsqu’il est trop vieux, qu’il commence à diminuer de prix, & que les chênes ont plus de deux cent ans.

Bois de haut revenu ; s’il est de demi-futaie de quarante à soixante ans.

Bois vif ; quand il porte fruit & qu’il vit, comme le chêne, le hêtre, le châtaignier & autres qui ne sont pas compris dans les morts bois.

On compte encore un grand nombre de mots techniques relatifs aux bois de charpente, de charronnage, de chauffage, &c. mais comme ils ne sont pas du ressort de l’agriculture, nous n’en parlerons pas, & il a fallu indiquer les premiers afin que les propriétaires des forêts comprennent le langage des officiers des maîtrises.


CHAPITRE II.

Précis des Ordonnances rendues sur l’exploitation des Bois.

Les propriétaires de bois & ceux qui en font commerce, ne doivent pas ignorer la substance des réglemens qui ont fixé la jurisprudence à cet égard, & la manière dont les forêts doivent être exploitées. Je tire cet article du Traité des Bois. On peut voir ces ordonnances dans l’ouvrage cité.

Les différens bois qui peuvent être mis en vente sont distingués, soit relativement à leur essence ou espèce, soit par rapport à leur hauteur, leur force & leur âge. Quant à l’essence c’est, ou le chêne, l’orme, le hêtre, le châtaignier, le frêne, le charme, l’érable ou le noyer ; ou les arbres sauvageons, comme poiriers, pommiers, mérisiers, cérisiers, cormiers ; ou des arbrisseaux tels que le buis, le génevrier, le noisetier, l’aune, le bourdaine, le nerprun, le sureau, le néflier, l’azérolier, l’épine blanche, &c.

La distinction que l’on fait des bois mis en vente, relativement à l’usage est 1o. le taillis, 2o. les baliveaux sur taillis, 3o. les ventes par pieds d’arbres, 4o. les ventes par éclaircissemens ; 5o. les recepages, 6o. les ventes des chablis, 7o. les ventes des futaies, 8o. les adjudications au rabais.

I. Des taillis. Les propriétaires peuvent abattre ceux-ci à l’âge de neuf à dix ans, excepté certaines essences de bois, telles que les châtaigniers qu’on abat dès qu’ils sont assez forts pour faire des cerceaux ou des échalas pour les pays de vignobles, les coudriers, les osiers, &c. qui servent au même usage, excepté également les taillis des gens de main-morte qui ne doivent être abattus qu’à l’âge de vingt-cinq ans, quand les objets sont assez considérables pour pouvoir y établir une coupe annuelle ; mais que pourtant on leur permet d’abattre à vingt-quatre ans, & même plus jeunes, quand ils ne sont pas d’une certaine étendue, pourvu que le partage puisse s’en faire en coupes réglées de trois en trois ans au moins.

Cependant, pour approvisionner Paris de bois de corde, il a été décidé que tous les bois des ecclésiastiques & gens de main-morte dont l’étendue excédoit cinquante arpens, & qui seroient situés à une lieue des rivières affluentes en cette ville, ne seroient abattus qu’à l’âge de trente-cinq ans en hauts taillis, nom que l’on donne aux taillis depuis vingt-cinq ans jusqu’à quarante.

À l’égard des bois du roi, les grands-maîtres se règlent, tantôt sur l’avantage de la forêt que l’on doit exploiter, d’autres fois sur ce qui convient au bien public ; & suivant les différentes circonstances, ils fixent l’exploitation des taillis à trente, vingt-cinq, vingt, dix-huit, seize & quinze ans, & même à moins.

II Des baliveaux. Les propriétaires, lorsqu’ils abattent leurs bois, doivent laisser sur pied, & par arpent, seize baliveaux de l’âge du taillis, & dix par arpent de futaie, outre ceux des ventes précédentes. Les ecclésiastiques & gens de main-morte, sont obligés de laisser par arpent, quatre anciens arbres au-dessus de quarante ans ; tous ceux de quarante ans bien venans, & en outre vingt-cinq baliveaux de l’âge des taillis. Les gens de main-morte ne peuvent jamais abattre ces baliveaux qu’ils n’y soient autorisés par des lettres-patentes. Quand on leur permet de les abattre au-dessus de quarante ans, c’est sous la condition qu’ils porteront leurs taillis à l’âge de vingt-cinq ans, & qu’ils feront une réserve de ceux de quarante ans & au-dessous, indépendamment de vingt-cinq baliveaux par arpent, de l’âge du bois ; mais ils trouvent le moyen d’éluder la loi, & de les abattre presque tous sous le prétexte d’arbres mal venans.

Je remarquerai que ce prétexte peut être quelquefois équivoque ou en fraude de la loi ; le plus souvent c’est la loi qui a tort & non les gens de main-morte. Il est presqu’impossible que ces arbres soient bien venans, (Voyez-en la preuve dans ce qui a été dit aux mots Balivage, baliveau)

La loi leur permet encore d’abattre une partie des baliveaux au-dessus de cent à cent vingt ans, à condition de commencer par ceux qui donnent le plus de marques de dépérissement & de retour. Ici la loi est forcée de plier, parce que le placement des baliveaux a été mal vu dans le principe. Il n’est donc pas étonnant qu’un chêne de cent ans soit déjà sur le retour ; mais ce qui doit étonner, c’est que l’abus soit connu, géométriquement démontré comme abus, & que la législation n’y remédie pas. Tout le monde convient que les forêts se détruisent, que chaque jour le bois devient plus rare en France, que des provinces entières en sont dépourvues ; on voit le mal & on défriche toujours.

Les particuliers ne doivent pas vendre ni couper ceux qui leur appartiennent avant qu’ils aient atteint l’âge de quarante ans. On se relâche quelquefois de cette règle à leur égard, parce que la plupart des propriétaires ont souvent un besoin absolu de jouir de leur revenu, & qu’indépendamment de cela les bois des particuliers ne sont pas d’une grande ressource pour l’État ; d’ailleurs on doit supposer qu’un propriétaire est intéressé à gouverner son bien en bon père de famille. Ils doivent, six mois avant de faire la coupe des bois de haute-futaie qui leur appartiennent, à la distance de quinze lieues de la mer, & six des rivières navigables, en donner avis au grand-maître. La loi les oblige encore de donner pareil avis, un an avant l’exploitation de plus de vingt-cinq arpens & au-dessous. Elle leur permet de faire couper jusqu’à trois cent pieds d’arbres au-dessous de trois pieds de tour, & cinquante au-dessus de cette grosseur, au cas qu’ils en aient besoin pour des réparations de maison & de chaussée d’étangs, en en donnant avis au greffe de la maîtrise un mois avant de faire exploiter.

On appelle baliveaux modernes ceux de quarante, cinquante, soixante, quatre-vingts ans ; ceux de l’âge du bois deviennent plus ou moins gros, suivant la force du taillis. Les meilleurs sont ceux d’essence de chêne, de hêtre, de châtaignier ; ensuite ceux d’orme, de frêne ; les cormiers, poiriers, aliziers, &c. ceux de bois blanc, ne sont pas, à beaucoup près, aussi précieux. Il est bon qu’ils soient tous venus de brins, car ceux qui sont immédiatement produits de semences, sont beaucoup meilleurs que ceux qui viennent sur vieilles souches. Il faut qu’ils soient bien venans, de bonne hauteur & de grandeur convenable. Les élandrés, c’est-à-dire, ceux qui sont élevés sans être gros à proportion ; les rafaux, les rabougris, tortus, bossus, ou qui font le pommier, sont peu estimés.

Il vaut mieux vendre les baliveaux à la coupe du taillis, que de faire la vente d’un taillis & de remettre à l’année suivante celle des baliveaux, car outre qu’il en résulteroit une vente par pieds d’arbres, ou en jardinant, ce qui est défendu par les ordonnances, qui veulent que l’on abatte à tire & aire, c’est que l’année d’après, lorsque l’on viendroit à abattre les baliveaux, on pileroit le taillis par le roulement des voitures, la chûte des arbres, & le trépignement des bucherons.

III. Ventes par pieds d’arbres. Elles sont néanmoins permises & même nécessaires lorsqu’il s’agit d’arbres de haies & de palis, ou d’arbres isolés ; comme sont ceux des avenues des châteaux, ou les chênes, ormes, frênes & noyers qui sont répandus çà & là dans les terres.

IV. Ventes par éclaircissement ou par expurgade. Elles se font lorsque le taillis a acquis l’âge de huit à dix ans, & dans le cas où il est trop épais ; alors on le coupe, en réservant les plus beaux arbres, & lorsque les taillis ont recru ou acquis un certain âge & une certaine grandeur. On recoupe de nouveau le recru des arbres qu’on a abattus ; on abat même une partie de ceux réservés lors de la précédente coupe, & on ne réserve en ce cas que la quantité d’arbres que l’on juge que le terrein peut nourrir ; ce doit toujours être les mieux venans, & on doit abattre par préférence les dessous qui seroient étouffés par les autres ; mais il ne faut jamais faire ces exploitations par adjudication, parce que les adjudicataires abattent par préférence les plus beaux arbres, & toujours en plus grande quantité qu’il ne convient. Un propriétaire entendu peut, en faisant ces éclaircissemens par économie & avec intelligence, retirer un profit considérable du bois qu’il destine à former une futaie. En observant d’abattre les plus foibles, on peut tirer tous les cinq ou six ans, un bénéfice d’une futaie, en même-tems que l’on favorise l’accroisement des pieds les plus vigoureux que l’on a soin de réserver. Ces expurgades sont très-avantageuses à un particulier atentif & intelligent ; mais elles ruineroient les bois du Roi & ceux des gens de main-morte, & c’est par cette raison que l’ordonnance de 1669 les a justement proscrites.

V. Recepages. On ne peut se dispenser de receper les bois incendiés, pilés ou abroutis par le bétail, & ceux qui ont été considérablement endommagés par les gelées ou par la grêle. Dans ces cas, l’adjudication des recepages se fait comme dans les ventes ordinaires, & le prix se fixe suivant la qualité & la force du bois.

VI Chablis. Les vents violens arrachent les arbres. En cet état on les nomme chablis, chables, crables ; ceux dont les branches sont éclatées ou rompues dans leur tronc se nomment rompis, volis ou volins. On fait de tems en tems des adjudications de ces sortes de bois. On adjuge encore par menus marchés les copeaux, branchages, souches & troncs, &c. qui restent des arbres qui ont été coupés pour les bâtimens du Roi & pour le service de la marine, & encore les arbres que les marchands ont laissés dans leurs ventes après que le tems des vuidanges est expiré. Toutes ces choses sont comprises dans l’ordonnance, sous les termes de remanans aux charpentiers, & font l’objet des menus marchés & petites adjudications.

Les bois qu’on nomme bois de condamnation, de forfaiture, de délit ou bois charmés, c’est-à-dire, qui ont été éhoupés, sont ceux que l’on a fait tomber ou mourir par artifice ; bois arsins, au pied desquels on allume des feux pour les faire mourir & tomber ; faux ventis, quand on les a fait tomber par déchaussement, ou en coupant leurs racines, ou à force de cordages & de leviers, ou avec la scie ; car les maraudeurs évitent d’employer la coignée, qui, par le bruit qu’elle fait, avertit les gardes du délit qui se commet. Tous ces bois sont connus sous le nom de chablis. À l’égard des bois de condamnation & de forfaiture, il est défendu de les vendre jusqu’à ce que l’auteur du forfait soit connu & condamné, afin de laisser subsister le corps du délit.

En général, ces petites adjudications sont sujettes à bien des inconvéniens. Il est toujours dangereux d’introduire dans les forêts des gens fournis d’outils propres à couper du bois, & qui ont droit d’en sortir de vif ; ils ne manquent guère d’augmenter leurs lots par de nouveaux délits.

VII. Futaies. Une des exploitations qui mérite le plus d’attention, est celle des demi-futaies, des jeunes futaies, & des hautes-futaies.

Les bois conservent le nom de taillis jusqu’à quarante ans ; quand ils sont plus âgés, on les nomme hauts-taillis, ou quart de futaie. Depuis quarante ans jusqu’à soixante, on les nomme demi-futaie ; depuis soixante jusqu’à cent vingt, jeune futaie ; & au-dessus, haute-futaie ; mais la grandeur des arbres influe plus sur les différentes dénominations que leur âge. Les ordonnances de François premier, Charles IX, & de Henri III, fixent à cent ans l’âge où il faut abattre les futaies ; mais c’est un défaut.

VIII. Adjudication par rabais. Il y avoit autrefois dans les bois du roi, beaucoup d’usages, supprimés par l’ordonnance de 1669. Après que les officiers de la maîtrise avoient décidé de l’endroit où l’on couperoit le bois pour les usagers, & que l’on avoit fixé à dire d’experts, quelle quantité d’arpens il falloit pour satisfaire aux droits de ces usagers, on faisoit une adjudication au rabais, à celui qui entreprenoit de satisfaire les usagers avec la moindre étendue possible de bois. Si, par supposition, les experts avoient estimé qu’il falloit dix arpens pour satisfaire à l’usage, & qu’un entrepreneur s’engageât à satisfaire avec neuf, un autre avec huit, c’est à ce dernier qu’on adjugeoit cette fourniture ; mais au moyen de la révocation faite par l’ordonnance, de ces usages & chauffages, à l’exception des fondations & dotations, cette formule n’est plus en vigueur. Les usages & chauffages de fondations & dotations faites aux églises séculières & régulières, & aux hôpitaux, auxquels, suivant la même ordonnance, ils ont été conservés en espèces dans les forêts qui peuvent les supporter, se prennent en nature ; & quand les forêts ne le peuvent pas, cet usage est évalué en argent, suivant la valeur du bois blanc, qui est celui que les communautés doivent prendre pour leur chauffage. Ceux à titre d’aumônes sont également évalués en argent.

Réserves. Par l’édit de Charles IX, de 1561, il fut ordonné que le tiers des bois du roi & des gens de main-morte, seroit mis en réserve pour croître en futaie ; & par l’enregistrement de cet édit, la cour du parlement a ordonné que cette partie mise en réserve, seroit entourée de fossés, pour marquer que cette partie est défensable ; que les bois situés en mauvais sol, seroient exceptés de cette règle.

Les ordonnances de 1577 & de 1597, veulent que la quatrième partie des bois des gens de main-morte, soit apposée en réserve, & séparée du reste du taillis, par bornes & limites, sans qu’il soit permis d’y abattre aucun arbre, qu’en suivant les mêmes formalités qui sont prescrites pour les futaies. Celle de 1669 fixe aussi cette réserve au quart ; & des arrêts du conseil ont ordonné qu’elle seroit appliquée sur un bouquet de douze arpens ; ce qui fait trois arpens de réserve, même sur un bouquet de quatre arpens, faisant un arpent de réserve : souvent au-dessous de quatre, il a été ordonné que la totalité resteroit en réserve.

Par des considérations particulières, & sans tirer à conséquence pour les autres ecclésiastiques, ceux des provinces de Flandre, Hainaut & Artois, & les communautés laïques, séculières & régulières de ces provinces, ont été dispensées de ce quart de réserve par l’arrêt du conseil du 29 Juin 1706, à la charge seulement de laisser la huitième partie des bois qui contiendront quarante arpens & au-dessus, dans un seul ténement, avec défense d’y faire aucune coupe sans permission de sa majesté.

On a eu raison d’exempter de réserve les bois situés en terrain trop sec ; mais mal-à-propos a-t-on voulu en exempter aussi ceux qui sont en terrains fort humides, puisque l’on peut toujours les dessécher par des fossés, sangsues & rigoles, qui renvoient les eaux dans les parties basses, où elles forment des étangs pour élever du poisson.

Il faut éviter de faire des réserves dans les endroits où il ne se trouve que du bois blanc, ou du mort-bois ; mais toujours, autant qu’il est possible, les faire en bons fonds & au milieu des forêts, parce qu’elles sont exposées à être dégradées & pillées.

Division des forêts. Toutes les forêts sont divisées par maîtrises particulières, ou jurisdictions royales, qui connoissent de tous les abus, malversations, délits commis dans les bois & forêts, & sur les rivières, & qui ressortissent par appel, aux grandes maîtrises, ou aux tables de marbre.

La division la plus ordinaire se fait par gardes. Il y a un grand garde, ou garde-fond, qui a sous lui des gardes subalternes, & d’autres encore subordonnés, que l’on nomme gardes-traversiers ; chaque garde est divisée en plusieurs triages, & chaque triage en un nombre de ventes. Ces gardes, ainsi que les triages & les ventes, ont des noms particuliers qui servent à les désigner, & qui sont marqués sur les cartes générales & particulières des forêts.

Par triage, on entend quelquefois la part que le seigneur peut prendre dans une commune ; mais si ce triage, mieux connu sous le nom de tiers-lot, est à titre onéreux, comme cens, corvée, ou autre redevance, ou servitude, le seigneur ne peut l’exiger ; mais seulement comme principal habitant, y mettre paître son bétail, & jouir des autres avantages de la commune : si, au contraire, ce droit lui est acquis à titre de concession gratuite, il peut exiger le tiers pour son triage, & alors il perd son usage dans la commune.

On est trop heureux quand on possède une grande forêt, plantée d’une bonne espèce de bois, parce que l’on peut & que l’on doit même y conserver des futaies ; ce qui sera aisé, en entretenant des coupes réglées des taillis, les parties foibles & les bordages qui sont plus exposés que le centre à être pillés.

Pour fixer l’âge où il convient d’abattre les taillis, il faut faire attention à la nature du terrain, afin de ne point occuper inutilement la terre par des bois qui ne font que languir, & qui ensuite dépérissent. Si on abat trop tôt une futaie, on n’en retire pas tout l’avantage possible ; & si on la laisse trop vieillir, la qualité du bois s’altère, & l’on fait des pertes considérables sur le nombre d’arbres, dont plusieurs tombent en pourriture. Si ce sont des chênes qui meurent & pourrissent, il vient à leur place quelques hêtres, charmes, érables ou bois blanc ; & quand la forêt est abattue, ces bois de médiocre qualité, s’emparent de tout le terrain, faute d’avoir eu l’attention de le repeupler d’une espèce de bon bois, soit en y répandant du gland, soit en y mettant du nouveau plant, mais non pas arraché dans les forêts, raison pour laquelle il vaut mieux arracher les arbres des futaies, que de les couper.

Les abus qu’il convient d’éviter dans l’exploitation, & même pour les prévenir, sont : qu’il faut avoir un plan de la forêt bien exactement arpenté, sur lequel il en sera fait une description où sera marqué & désigné ce qui est destiné pour demeurer en défend, & pour former une futaie, & ce qui doit être en taillis ou recepage, sans quoi tout seroit confondu.


CHAPITRE III.

Des formalités pour la vente des Bois.

L’adjudication des ventes ayant été une grande source d’abus, a été cause que les rédacteurs des ordonnances ont exigé, à cet égard, quantité de formalités dont les principales sont.

1o. Suivant l’ordonnance de 1669, il n’est pas permis de donner à ferme les bois taillis & les menus marchés ; mais la vente peut en être faite par le maître particulier, au lieu que l’adjudication des bois de haute futaie doit être faite par le grand-maître, assisté des officiers de la maîtrise.

2o. La vente des baliveaux sur taillis doit être faite par le grand-maître : cependant, il est d’usage dans plusieurs maîtrises, que les baliveaux qui doivent être coupés avec le taillis, s’adjugent par le maître particulier, en l’absence du grand-maître.

3o. Le recepage des futaies & hauts taillis doit être adjugé par le grand-maître, & les menus recepages par le maître particulier.

4o. Pour faire des ventes extraordinaires de futaies, l’ordonnance de 1579 veut qu’il y ait des lettres-patentes vérifiées en parlement & à la chambre des comptes : quant aux ventes ordinaires, la personne qui a le département des bois, envoie au grand maître, un arrêt du conseil pour en faire les assiettes & les adjudications, & le grand-maître adresse en conséquence son ordonnance aux officiers de la maîtrise.

5o. La première opération qui doit se faire dans la maîtrise, est l’enregistrement des lettres-patentes, ou de l’arrêt du conseil, ou de l’ordonnance du grand-maître ; à moins que le grand-maître ne fasse faire l’enregistrement sur la réquisition du procureur du roi.

De l’assiette. C’est la désignation de l’endroit où la coupe doit être faite. On prend jour pour l’assiette des ventes par assignation à l’audience, & on le notifie aux officiers qui doivent y assister. Le grand-maître ou l’officier par lui commis en son absence, qui est ordinairement le maître particulier, se transporte avec le procureur du roi, le garde-marteau, le greffier, les gardes & l’arpenteur. Il indique sur la réquisition du procureur du roi à l’arpenteur, le lieu où il estime que la vente doit être assise, la quantité d’espèces dont elle est composée, la désignation du triage où elle se trouve, les bouts & les côtés ; & il marque de son marteau en face, deux arbres qui doivent servir de pieds corniers, l’un à un bout, l’autre à l’autre ; & l’arpenteur fait le mesurage, fixe l’étendue & règle la figure de la vente, après le serment par lui fait ; & du tout enfin, on dresse un procès-verbal.

L’arpentage doit être fait par les arpenteurs de la maîtrise, & à leur défaut, par ceux d’une maîtrise voisine, à peine de nullité. La réformation faite dans toutes les forêts du roi ayant réglé les coupes qui doivent être faites dans chacune, les officiers doivent suivre ce qui est fixé par les réglemens.

Dans le cas de quelque incendie, ou autre grand délit qui donneroit lieu à un recepage, c’est alors une adjudication extraordinaire à faire. Les officiers doivent en dresser procès-verbal pour en référer au grand-maître, & à la personne des finances ayant le département des forêts.

L’opération de l’arpenteur étant de grande conséquence, tant pour le vendeur que pour l’acheteur, l’arpentage doit être fait avant l’adjudication ; il faut qu’il assiste à l’assiette, qu’il ait une commission par écrit, dans laquelle les ventes qu’il doit mesurer soient désignées par tenans & aboutissans ; & que comme il est responsable de son mesurage, la commission puisse faire sa justification, & mettre les officiers à portée de confronter la commission avec son procès-verbal, dans lequel il a dû se conformer à ce qui a été réglé lors de l’assiette, & marquer sur son plan les pieds corniers & les parois, suivant les contours & les sinuosités que la vente a dans la forêt.

L’arpenteur doit encore mesurer tant plein que vide, sans remplage ou remplissage ; c’est aux acquéreurs lors de l’adjudication, à faire attention aux vides & vagues qui peuvent se trouver dans la vente. Quand le mesurage est fait, & que l’arpenteur en a déposé au greffe, le plan avec son procès-verbal, les officiers doivent procéder au martelage ; car il est défendu aux marchands d’entrer dans les ventes non martelées.

Du martelage & balivage. Le marteau de la maîtrise doit être déposé dans la chambre du conseil, & mis dans un coffre fermant à trois clefs, dont une reste entre les mains du maître particulier, l’autre est remise au procureur du roi, & la troisième au garde-marteau. Chaque fois qu’on le tire du coffre, on le renferme dans une boîte qui ferme aussi à trois clefs : cette boîte se remet au garde-marteau ; & quand l’opération est faite, on remet le marteau dans le coffre de la chambre du conseil. On dresse le procès-verbal de la retraite & remise, pour opérer la charge & la décharge du garde-marteau.

Les marteaux portent d’un côté une petite hache pour enlever l’écorce, découvrir le bois & former le placage ; de l’autre côté, est une masse sur laquelle sont gravées ou les armes du Roi, ou celles du grand-maître, ou les marques particulières des autres officiers subalternes, & même celles des marchands de bois ; mais celui de la maîtrise qu’on enferme sous trois clefs, est le seul qui sert pour le martelage ; quoique le grand-maître ou les autres officiers marquent de l’empreinte de leur marteau, les pieds corniers, tournans & parois ; que les arpenteurs les contremarquent avec le leur ; que les sergens & gardes marquent avec leur marteau les souches & les arbres de délit qu’ils rencontrent dans leurs tournées, & que les marchands marquent de leur empreinte particulière le bois qui sort de leur vente, sans quoi on pourroit le saisir.

On martelle tous les arbres en défend, parois, pieds corniers, tournans, & particuliérement ces deux derniers, & encore les baliveaux, qu’il est permis d’abattre avec le taillis.

Le balivage est à peu près la même chose que le martelage, puisqu’il consiste à marquer de l’empreinte du marteau, tous les arbres, ou au moins la plus grande partie de ceux qu’on doit réserver pour les baliveaux.

Les officiers doivent dresser très-réguliérement des procès-verbaux de martelage & balivage, qui doivent être transcrits sur les registres pour la décharge du garde-marteau ; & lorsqu’il se rencontre des cantons de bois où les arbres sont très-anciens, ou fort abroutis, ou incendiés, & où l’on ne peut réserver des baliveaux, ils doivent en faire une mention expresse dans les mêmes procès-verbaux.

De l’adjudication des ventes. Après avoir fait l’assiette, le mesurage, le martelage & le balivage, on terme les ventes, c’est-à-dire que l’on publie le jour & le lieu où l’on en fera l’adjudication. Le lieu doit toujours être dans la jurisdiction des eaux & forêts du ressort. Le jour est arbitraire ; mais l’indication doit être toujours pour huit jours au moins après la dernière des publications qui doivent se faire dans les villes, bourgs & villages voisins des ventes, & principalement dans les lieux où l’on consomme le bois.

Les adjudications doivent se faire dans l’auditoire de la maîtrise, en présence des officiers des eaux & forêts, au plus offrant & dernier enchérisseur, à l’extinction du dernier feu ; elles se font ordinairement dans les mois de Novembre ou Décembre, pour l’exploitation en être faite l’année suivante.

Les affiches doivent contenir l’indication précise de la date & du lieu où l’adjudication se fera, & la désignation du lieu où les ventes sont situées.

Toutes personnes sont reçues à enchérir, excepté celles qui appartiennent par parenté, ou à titre de serviteurs, aux officiers des eaux & forêts, dans le nombre desquels on devroit bien comprendre les domestiques de gens de grand crédit, parce qu’ils peuvent impunément commettre des délits.

Les marchands ne peuvent s’associer plus de trois ensemble ; l’adjudicataire, celui qui sert de caution, & le certificateur, dont les noms & demeures doivent être déclarés au greffe.

On commence par mettre à prix, puis on forme des enchères ; la plus haute est appelée haute-mise. Ensuite si la vente par haute-mise est portée à peu près à son prix, on allume le premier feu, pendant lequel les enchères ne peuvent pas être moins de douze livres s’il s’agit d’une vente en total, & de quatre sols s’il se fait par arpent. Ce feu étant éteint, on allume le second, pendant lequel les enchères sont doubles de ce qu’elles ont été pendant le premier feu. Le second feu éteint, on donne le troisième pour le triplement. À l’extinction de ce troisième feu, l’adjudication est censée faite au dernier enchérisseur, sauf un délai qui est ordonné, pendant lequel les marchands sont reçus, par doublement, tiercement & demi-tiercement. Ces enchères évincent le précédent adjudicataire de sa vente, laquelle alors est adjugée troussement, c’est-à-dire définitivement.

Le doublement est quand on tierce & demi-tierce une vente, ce qui fait la moitié de son total. Par exemple, si le prix d’une adjudication est de trois mille livres, le tiercement sera de mille livres, & le demi-tiercement de cinq cents livres.

Le tems de tiercer ou doubler les ventes, en général ou en particulier, est fixé jusqu’au lendemain midi de l’adjudication ; ainsi il faut faire le doublement & le tiercement au greffe dans le tems fixé, car il est de rigueur, & le tiercement doit de plus être signifié le même jour aux adjudicataires & au receveur. Cette signification est pareillement de rigueur, & met les greffiers dans l’obligation de dater exactement les jours & les heures dans les actes qu’ils dressent pour les adjudications.

On engage les enchérisseurs à couvrir les enchères, en accordant à celui qui a la haute-mise, avant que le feu soit allumé, la faculté de faire des enchères simples ; au lieu que les autres sont obligés de faire des enchères doubles pendant le second feu, & triples pendant le troisième. Le même privilége est accordé à celui qui a la dernière enchère au premier feu ; & à celui auquel reste l’enchère, au troisième feu. Ce dernier peut, après les feux éteints, enchérir par une simple enchère, sans être tenu, comme les autres, d’enchérir par doublement & tiercement : ainsi l’adjudicataire peut enchérir par simple enchère sur le tiercement & le demi-tiercement, & le tierceur & le doubleur peuvent enchérir l’un sur l’autre par simple enchère, sur un seul feu que l’on allume pour eux seulement ; & cette adjudication faite, il n’y a plus lieu à revenir.

Tout adjudicataire a la liberté de renoncer à son enchère, en faisant au greffe sa déclaration de cette renonciation, en la faisant signifier à son précédent enchérisseur, & en payant comptant au receveur le montant de sa folle-enchère ; le tout dans les vingt-quatre heures, & ainsi successivement, d’enchérisseur en enchérisseur. Pour éviter qu’un homme insolvable ne trouble les ventes, quand l’enchérisseur n’est pas connu, le receveur est fondé à lui demander une caution solvable.

Les termes du paiement de l’adjudication se fixent par les officiers. Le premier à la Notre-Dame de Décembre ; le second à Noël suivant ou autre époque mais le dernier paiement ne peut être reculé au-delà de la S. Jean d’été de l’année, depuis l’usance.

Les acquéreurs des ventes des bois du roi étoient anciennement chargés de payer certaine somme pour les droits de cire & greffe ; mais au-lieu de tous ces droits qui ont été supprimés, les ventes ne sont plus actuellement chargées que de vingt-six deniers pour livre, dont, par l’édit de Février 1745, quatorze de ces vingt-six deniers ont été aliénés pour les officiers des maîtrises.

Des frais. Ceux de mesurage, martelage, balivages, affiches, publications, adjudications & autres menus frais, se prennent sur les douze deniers pour livre, restans des vingt-six dont on vient de parler ; le grand-maître arrête les états de dépenses & journées des ouvriers, & fait un certificat de service. Les journées que les maîtres particuliers font pour le roi, doivent être de douze livres ; cependant elles ne sont taxées qu’à neuf livres ; mais quand ils travaillent pour le compte des communautés & gens de main-morte, leurs journées sont payées à raison de dix-huit livres ; lorsque le lieutenant exerce pour le maître, il a les deux tiers de ses honoraires ; le procureur du roi, le garde-marteau, le greffier, ont six livres quand ils travaillent pour le roi, & douze livres quand c’est pour gens de main-morte. Les frais sont donc au moins de onze pour cent pris sur la vente, & c’est le propriétaire qui les supporte, car le vendeur ne perçoit pas le montant des frais des mains de l’acquéreur.

De la caution. Dans la huitaine de l’adjudication, les marchands adjudicataires doivent donner caution au greffe, sinon ils sont évincés ; on leur fait payer la folle-enchère, & l’adjudication passe d’enchérisseur en enchérisseur, jusqu’à ce qu’on ait satisfait à la condition de la caution, qui est reçue par le maître & par le procureur du roi. L’acquéreur ayant payé comptant, le receveur lui donne un billet de contentement, qu’il fait enregistrer au greffe, & qu’il notifie au garde-marteau ; alors il peut entrer en exploitation de sa vente, après s’être présenté au gruyer ou capitaine forestier, avec son billet de contentement, & s’être muni de lettres de forestement, qui est la permission du grand-maître pour exploiter telle ou telle vente.

Du souchetage. Les marchands qui exploitent une vente, sont responsables des délits qui se commettent du tour de leur vente, que l’on nomme l’ouie de la coignée, & qui forme un arrondissement de l’étendue de cinquante perches, pour les bois de cinquante ans & au-dessus, & de vingt-cinq perches pour les bois plus jeunes. Comme on peut leur imputer les délits qui se commettent aux environs de leur vente, ils doivent requérir les officiers des forêts, de faire une visite juridique des souches & délits qui se trouvent aux environs de leur vente. Cette opération se nomme souchetage ; & moyennant cette précaution, on ne peut leur imputer les délits qui ont été commis avant qu’ils aient commencé leur exploitation.

De l’exploitation. Il est défendu d’abattre pendant que le bois est en séve ; mais le tems de séve n’est pas le même par-tout. L’ordonnance de 1669 le fixe depuis le premier Octobre jusqu’au 15 Avril, sauf aux officiers à changer ce terme, suivant que la séve est plus ou moins avancée dans une province que dans une autre. Quand des hivers trop longs ont empêché d’abattre, & lorsque la séve est tardive, les officiers retardent ce tems d’une quinzaine de jours.

Le tems de la vidange, celui dans lequel tous les bois abattus doivent être tirés des ventes, doit être fixé par le cahier des charges. Il est ordinairement de douze ou de quatorze mois ; mais le grand-maître & les officiers le fixent suivant que le terrain est praticable pour les voitures & la commodité de transporter le bois.

Par exploiter, ou user une vente, on entend abattre le bois & le tirer de la vente. Les arbres doivent être coupés au rez de terre, ensorte que les anciens nœuds recouverts & causés par les coupes précédentes, ne paroissent plus. On doit abattre les arbres rabougris, rompus & de peu de valeur. La coupe doit être faite tout de suite, commençant par un bout, & finissant par l’autre. L’usage de la scie est défendu pour abattre ; mais on permet assez souvent de pivoter quelques gros arbres, que l’on fixe cependant à un très-petit nombre. Les bucherons, en coupant ainsi les racines pour tirer le pivot de l’arbre avec le tronc, la pièce s’en trouve plus longue & terminée par une grosse tête ; ce qui la rend plus propre à faire, soit des jumelles de pressoir, soit des arbres tournans.

Il est défendu d’abattre les arbres des ventes voisines, sur lesquels les arbres de la vente qu’on exploite seroient encroués ; ce qui arrive quand, en abattant un arbre, il tombe sur un autre, de sorte que les branches des deux arbres se trouvent mêlées ensemble.

Si pendant l’exploitation, le vent abat quelqu’arbre de réserve, le garde-vente, conjointement avec le garde-général, en dresse procès-verbal, & l’on marque d’autres arbres pour tenir lieu de ceux-ci.

Les particuliers peuvent vendre leurs bois, avec la permission de les écorcer sur pied, pour en tirer du tan ; mais cela est expressément défendu aux bois du roi.

Il est défendu de faire des coffrets de fente avec les chênes qui peuvent fournir des bûches, & de faire des échalas de fente avec les bois qui peuvent fournir des pièces de charpente ou de merrain ; mais on a peu d’égards à ces prohibitions, & l’on permet aux marchands de tirer de leur bois le meilleur parti possible. Pourquoi laisse-t-on donc subsister ces prohibitions ? Elles peuvent servir à favoriser la concussion ou la vexation.

Il est défendu de faire du charbon dans les forêts qui avoisinent Paris, parce que cette marchandise peut être plus facilement voiturée de plus loin que le bois. La défense de faire des cendres s’étend à toutes les forêts du roi ; & quoiqu’elle ne regarde point les ronces, les épines, les brouissailles qui ne peuvent être d’aucun usage, on n’est point tenté d’enfreindre cette loi, parce que presque par-tout le débit du bois est trop avantageux, pour qu’il puisse y avoir quelque profit à faire des cendres.

Défenses sont faites aux marchands, & à leurs associés, de faire ni tenir aucun attelier, loge ni affûtage en leurs maisons, ni autres parts que dans les ventes, & de permettre qu’il soit apporté dans leur vente d’autre bois que celui du crû de la vente qu’ils exploitent. Il leur est aussi défendu de laisser pâturer aucunes bêtes dans leur vente pendant la vidange, & nommément les chevaux, jumens, bœufs ou ânes, qui servent à enlever le bois. Ils sont responsables du délit, sauf leur recours contre le délinquant.

On ne peut travailler dans les forêts, ni en enlever le bois nuitamment & les jours de dimanches & de fêtes. On doit réserver non-seulement les pieds corniers, tournans, parois, baliveaux marqués, mais encore les arbres fruitiers qui servent à la nourriture des bêtes fauves, tels que les pommiers, poiriers, néfliers, aliziers, mûriers, &c.

Les clercs, facteurs, gardes-ventes & conducteurs, doivent prêter serment entre les mains du maître-particulier, & avoir un livre relié, cotté par nombre, paraphé par le maître-particulier, pour y inscrire jour par jour, de suite, & sans y laisser aucun blanc, toutes les marchandises qui sortent de la vente. Pour prévenir les fraudes, & être en état d’agir juridiquement contre ceux qui déroberoient le bois des marchands, il lui est ordonné de marquer de l’empreinte de son marteau, quelques brins de bois de sa vente, comme deux ou trois sur chaque charrette ; & le conducteur doit donner à ceux qui enlèvent du bois, un billet qui désigne l’espèce de bois enlevé, avec la date du jour, & l’heure à laquelle le voiturier est sorti de la vente. À défaut de marteau, le conducteur donne au voiturier un échantillon ou taille, qui est un morceau de bois qu’il fend en deux ; le voiturier en prend une moitié, & l’autre reste au conducteur. En cas que le voiturier soit arrêté en chemin, il présente son échantillon pour être confronté avec celui du conducteur, & pour prouver que le bois n’a pas été enlevé en fraude.

Du récolement. Le tems de la vidange expiré, les officiers de la maîtrise, c’est-à-dire, le maître particulier, le procureur du roi, le garde-marteau & le greffier, doivent se transporter dans les ventes, pour examiner si elles sont coupées, vidées & exploitées suivant l’ordonnance ; si les réserves ont été faites ; si l’on n’a point outrepassé la mesure ; enfin, s’il y a sur-mesure ou manque de mesure : c’est-là ce que l’on nomme récolement. Il doit être fait immédiatement après la vidange. Les vacations des officiers sont fixées par un réglement du conseil des finances, à la moitié de l’assiette, martelage, mesurage, balivage ; & ces frais sont acquittés par les marchands, lorsque ce sont des bois des gens de main-morte ; & payés sur l’état du roi, lorsque ce sont des bois du roi ou en grurie ; du moins cette pratique est la plus commune.

Cette opération conduit à la nécessité de constater s’il y a outre-passe, sur-mesure ou manque de mesure ; c’est pourquoi l’on fait alors un second mesurage par un arpenteur autre que celui qui a fait le premier, lequel néanmoins y assiste. Si la vente se trouve plus étendue qu’elle n’étoit fixée par le premier mesurage, ce qu’on appelle sur-mesure, il n’y a pas dans ce cas de délit, & le marchand n’est pas tenu de payer la sur-mesure sur le pied de la vente. S’il se trouve que l’on ait abattu du bois au-delà des limites fixées par le premier arpentage, ce qui se nomme outre-passe, alors il y a délit, qui se punit par une amende, outre que le bois qui a été abattu de trop est payé le double du prix de la vente. Si la vente se trouve de moindre étendue qu’elle n’a été portée dans l’adjudication, ce qu’on appelle manque de mesure, il est dû un dédommagement à l’adjudicataire ; mais il est défendu de le faire en donnant d’autres bois. Ce dédommagement ne peut non-plus être fait par une diminution du prix de son acquisition, parce que dès que l’état des ventes a été envoyé au conseil, on n’y peut plus rien changer, mais on le dédommage à proportion de ce qui peut manquer, en lui adjugeant une somme comptant sur le prix des premières ventes à venir, que l’on adjuge sous la clause & la charge de ce remboursement. Dans le premier cas, s’il y a eu outre-passe, qui est-ce qui dédommage le propriétaire de la suite de l’ignorance ou de la mauvaise foi de l’arpenteur ?

Pendant que les arpenteurs font leurs opérations, les officiers visitent l’intérieur de la vente, pour voir si les réserves des baliveaux, parois, tournans, pieds corniers ont été faites, & si la vente est vidée de toute marchandise : ce qui n’a pas été enlevé est confisqué. On fait ensuite un nouveau souchetage autour de la vente, pour voir si les délits sont conformes au premier, ou s’il y en a de nouveaux. Le récolement fait, le maître rend son jugement d’absolution, congé de cour ou de condamnation pour partie, & congé pour l’autre.

Tel est le tableau des formalités à observer par les gens de main-morte, avant, pendant & après l’exploitation d’une forêt. Ils sont toujours réputés mineurs, & ils ne le sont jamais plus que dans ces occasions, où les officiers des maîtrises leur servent de tuteurs, les mènent pour ainsi dire par la lisière, & les traitent à la rigueur.

Les abus se sont multipliés, & l’ont été à l’excès : chaque abus a fait naître un réglement pour le prévenir, car la loi n’est presque jamais dûe à la prévoyance, mais le plus souvent au besoin. Si ce n’est pas en raison des abus que les formalités ont été prescrites, c’est donc pour multiplier les frais du vendeur, de l’acquéreur, & d’un autre côté, pour augmenter les bénéfices des officiers des maîtrises. Je pense que ces deux points de vue ont été la base fondamentale de toute cette opération financière.

Des marchés. Ce sont des contrats qui fixent les conditions des engagemens réciproques entre les vendeurs & les acheteurs, particuliérement sur ce qui regarde les bois des particuliers. Les uns & les autres doivent s’attacher à prévoir tous les cas possibles, afin que par des stipulations clairement énoncées, chacun connoisse l’étendue des droits qu’il aura à exercer.

L’acquéreur doit songer à obtenir un tems suffisant pour pouvoir vider sa vente, & faire ses recouvremens, avant que le vendeur puisse avoir droit de l’actionner & obtenir contre lui des contraintes.

Le vendeur, qui risque souvent de n’avoir aucun recours valable contre l’acquéreur, lorsque la totalité du bois est vendue & enlevée par le défaut de solvabilité de ce dernier, doit avoir attention que son paiement soit consommé avant la vidange entière ; & souvent il lui seroit plus avantageux de vendre moins cher à un marchand riche & solvable, qui prendra des termes plus courts pour le paiement, que de se trouver dans la nécessité de poursuivre en justice un acquéreur qui n’est pas en état de faire des avances.

Il survient quelquefois des accidens qui ne permettent pas de vider la vente dans le terme convenu, comme des pluies considérables & continuelles qui rompent les chemins. Le marchand doit tâcher de les prévoir, & engager le vendeur à lui accorder un délai assez long pour faire la vidange, afin d’éviter le risque de payer des dommages & intérêts à cause du recru. D’un autre côté, le propriétaire a un avantage certain quand la vente est promptement vidée, parce que, jusque-là, les souches & les bourgeons éprouvent nécessairement des dommages.

Il est juste que l’acquéreur stipule une garantie de tous troubles qui pourroient survenir & occasionner du séjour ou retard à la vente ; & dans ce cas, charge le vendeur de tous dépens, dommages & intérêts : mais le vendeur doit avoir soin d’excepter les retards qui seroient occasionnés par la faute ou par la négligence de l’acquéreur.

Les arbres que le vendeur doit tenir en réserve, doivent être stipulés : il est même bon qu’il en fasse un inventaire & description où leur grosseur sera marquée, & il seroit encore mieux de les marteler ; mais l’acquéreur, de son côté, doit stipuler que si aucun de ces arbres en réserve se trouvoit arraché ou endommagé, il seroit seulement tenu de les prendre pour son compte & d’en laisser d’autres équivalens sur pied ; & que si le dommage tomboit sur des arbres qui ne pourroient être remplacés que par d’autres de pareille grosseur, il en seroit fait estimation par experts, aux frais de l’acquéreur, qui est obligé de prévenir tout dommage.

Celui qui achète des baliveaux dans un taillis, peut stipuler qu’il ne sera point tenu des dommages qui pourroient être faits aux taillis, parce qu’ils sont inévitables.

On doit aussi stipuler les routes, que l’acheteur tiendra pour vider les ventes ; car s’il est juste que le propriétaire se charge de les fournir & de satisfaire au dédommagement du tort que l’on pourroit faire aux autres propriétaires, il est juste aussi qu’il évite de s’exposer, par une stipulation trop vague, aux tracasseries de l’acheteur, qui, n’étant point tenu d’entrer dans ces dédommagemens, ne voudroit pas s’assujettir à tenir les routes indiquées, & se frayeroit des chemins indistinctement par-tout où il trouveroit sa commodité.

Il est avantageux pour l’acheteur de stipuler qu’il lui sera loisible de faire exploiter son bois en toutes sortes d’ouvrages ; mais il faut que ce soit sous la condition de le faire abattre dans les temps fixés par l’ordonnance, & avoir soin de marquer spécialement s’il veut faire du charbon, des cendres, ou lever l’écorce des arbres étant sur pied ; comme aussi qu’il pourra faire construire des loges dans le bois pour retirer les ouvriers & les gardes-ventes. Le vendeur, de son côté, doit fixer les endroits où les fourneaux à charbon peuvent être faits, prévoir & éviter tout ce qui pourroit causer un incendie.

Les voituriers & tous ceux qui enlèvent & tirent le bois hors de la forêt, prétendent avoir le droit d’y laisser paître leurs chevaux ou leurs bœufs, & soutiennent que les chevaux ne mangent point le bourgeon. Cette prétention n’est point fondée & est nuisible aux bois. Il vaudroit mieux leur abandonner une pièce de pré que de leur accorder cette liberté. Dans le Bourbonnois, l’Auvergne, & le Nivernois principalement, les ouvriers prétendent même avoir droit de nourrir des bestiaux dans les lieux qu’ils exploitent. Ces bestiaux font un grand tort au recrû, & le propriétaire doit leur interdire cet usage par un article exprès de son marché.

On doit convenir à qui, du vendeur ou de l’acheteur, appartiendra la glandée pendant l’exploitation.

Lorsqu’il est question d’arracher une futaie, il faut avoir l’attention de stipuler si l’acquéreur sera tenu de faire essarter & régler le terrain ; si, pour le dédommager des frais de cette opération, on lui permettra d’y faire une ou deux récoltes, & s’il sera tenu de repeupler la partie arrachée ou une autre. Quand on se contente de couper les arbres & de laisser les souches former un taillis, l’acheteur ne doit être tenu en garantie que des abroutissemens qui seroient faits par ses bestiaux ou ceux de ses gens, à moins qu’il ne voulût se charger de faire garder & garantir le bourgeon de tout dommage.

De l’écorcement. L’ordonnance défend d’écorcer aucun arbre. Voyez au mot Écorcer les inconvéniens qui résultent de cette ordonnance & des modifications qu’elle exige ; & pour tout ce qui a rapport aux soins, à l’entretien, à la culture des forêts, voyez les mots Forêt, Taillis.