Cours d’agriculture (Rozier)/BERLE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 222-223).
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BERLE, ou Ache d’eau. (Voyez Planche 6, pag. 197.) M. Tournefort la place dans la première section de la septième classe, qui comprend les herbes à fleurs en rose, soutenues par des rayons, & disposées en ombelle, dont le calice devient un fruit composé de deux semences cannelées. Il l’appelle, d’après Bauhin, sium sivè apium palustre foliis oblongis. M. von Linné la classe dans la pentandrie digynie, & la nomme sium angustifolium, ou sium berula. Govan.

Fleur, composée de cinq pétales égaux B ; la forme de chaque pétale C est oblongue ; & terminée en pointe. Les étamines, au nombre de cinq, sont placées sur le bord du calice, alternativement avec les pétales, & en opposition avec leurs divisions. Le pistil D se divise en deux, & est enveloppé par le calice qui fait corps avec lui.

Fruit. Les deux stigmates E subsistent jusqu’à la maturité du fruit ; alors le fruit F se sépare en deux graines G convexes, cannelées, brunes en dessus, aplaties & pâles en dessous.

Feuilles ; ailées, terminées par une impaire, dentelées en manière de scie, & à dentelures aiguës ; leur base est membraneuse, & cette membrane se partage en deux portions longues & aiguës.

Racine, très-fibreuse, A.

Port. Les tiges sont articulées, & prennent racine par-tout où elles touchent terre ; elles sont anguleuses, cannelées, rameuses, & les ombelles naissent des aisselles des feuilles. Les feuilles sont vertes en dessus, & blanchâtres en dessous.

Lieu. Les petits ruisseaux, & les terrains toujours humides. Elle fleurit communément en Juin & Juillet.

Propriétés. On la regarde comme apéritive, diurétique, tonique & anti-scorbutique.

Usage. Il est certain que la racine détermine une abondante secrétion & excrétion d’urine ; dès-lors elle peut entraîner les petits graviers contenus dans les reins & dans la vessie ; mais il n’est point démontré qu’elle convienne, ainsi que plusieurs l’avancent, dans le scorbut, pour provoquer le flux menstruel, suspendu par l’impression des corps froids. Elle est même dangereuse dans toutes les espèces de dyssenterie. Les racines sont beaucoup plus actives que les feuilles. Le suc exprimé des feuilles, se donne depuis une once jusqu’à cinq ; les feuilles récentes, depuis demi-once jusqu’à deux onces, en macération au bain-marie, dans six onces d’eau, & les semences concassées, également en macération dans la même quantité d’eau, depuis demi-drachme jusqu’à demi-once.

Quelques auteurs l’ont recommandée dans les différentes maladies du bétail. Je crois qu’il seroit plus prudent de ne pas s’en servir, ni pour les hommes, ni pour les animaux. Règle générale, toutes les plantes ombellifères qui croissent dans les terrains humides, dans les marais & autres lieux semblables, sont dangereuses, vénéneuses, &c. & au contraire, celles qui végétent naturellement sur les terrains secs, sont toutes cordiales, aromatiques, &c. L’expérience n’a encore fourni aucune exception à cette règle. Les Mémoires de l’Académie de Suède, pour l’année 1740, nous en fournissent la preuve, en parlant de la berle à larges feuilles, qui diffère de celle-ci par ses ombelles qui naissent au sommet des tiges, & par la plus grande étendue des feuilles. Il y est dit que les paysans de Husby faisoient manger à leurs bestiaux, pour les préserver d’une maladie contagieuse, la racine de la berle hachée très-menue. Tant qu’ils n’employèrent cette racine que tendre & cueillie avant le milieu de Juin, elle ne fit aucun mal ; mais un d’eux l’ayant donnée vers le milieu d’Août, à la dose d’une poignée, les bestiaux suèrent extraordinairement ; ils se jetoient par terre, étendoient leurs jambes, frappoient de la tête contre terre ; quelquefois l’accès se calmoit & revenoit peu de tems après ; enfin, plusieurs en moururent. Un enfant qui mangea de cette racine, eut des symptômes plus graves : cependant on le guérit en le faisant vomir, & lui donnant beaucoup de lait.