Cours d’agriculture (Rozier)/BATTEUR

Hôtel Serpente (Tome secondp. 176-177).


BATTEUR. Valet ou manouvrier qui bat le blé exposé à l’air ou en grange, en été ou en hiver. Dans la majeure partie du royaume, ce sont les habitans de la montagne qui viennent lever la récolte dans la plaine. Si c’est en été, ils ont le tems de couper, battre, nettoyer le grain, le porter au grenier avant que leur récolte soit mûre. À quel prix & avec quelle peine ces pauvres malheureux n’achètent-ils pas le salaire qu’on leur donne ! S’ils prennent à prix fait, soit en argent, soit en grain, ils reçoivent peu, & souvent ils trouvent à peine leur nourriture ; si on les nourrit, on réserve pour cette époque, tout ce qu’il y a de plus mauvais. Propriétaires, soyez humains ; venez à votre aire, voyez par vous-mêmes leurs travaux, & jugez de leurs peines. Levés avec le soleil, exposés à son ardeur pendant les deux mois les plus chauds de l’année, ils ne quittent le travail que lorsque la nuit les force de l’abandonner, & c’est le moment de toute la journée où leur chemise va commencer à sécher. Donnez-leur du vin, ils en supporteront mieux la fatigue ; & si le vin est trop cher, ne leur refusez pas au moins du vinaigre pour corriger l’eau qu’ils boivent, tempérer la soif qui les dévore, & les rafraîchir. Je ne connois qu’une seule province ou le batteur ne soit pas vexé par le propriétaire ; il lui fait la loi ; c’est dans le Bas-Languedoc. S’il vous en coûtoit une pistole ou deux de plus, vous ne seriez pas appauvri, ces malheureux vous béniroient, & ce petit sacrifice augmenteroit singuliérement leur bien-être. Il faut si peu pour contenter celui qui n’a rien, & il en coûte si peu pour se l’attacher !