Cours d’agriculture (Rozier)/ARSENIC

Hôtel Serpente (Tome secondp. 12-13).
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ARSENIC. Substance demi-métallique, pesante, volatile, qui se dissipe dans le feu sous la forme d’une fumée qui répand une odeur semblable à celle de l’ail.

On distingue trois sortes d’arsenic, le blanc ou cristallin, le jaune & le rouge. La loi & toutes les ordonnances de police, défendent de vendre de l’arsenic aux particuliers, à moins qu’ils ne soient connus, & elle a même porté la précaution jusqu’à prescrire aux vendeurs d’inscrire sur un registre le nom de l’acheteur. La loi est sage, & son exécution est presque nulle. J’ai vu dans la boutique d’un épicier d’une petite ville, la boîte à arsenic placée à côté de celles des girofles & de la muscade ; enfin, à la portée de la main, comme si une pareille substance ne devoit pas être tenue sous la clef. On veut vendre, & peu importe à qui, parce que pesonne n’a l’œil ouvert sur la vente.

Sous prétexte de détruire les rats & les souris, on achète une composition connue sous le nom de mort aux rats, & qui plus d’une fois a causé la mort des hommes. Il y a tant de moyens de détruire ces animaux, qu’il est absurde de recourir à un piège si dangereux, & dont la couleur & la texture ressemblent si bien à celle de la farine.

L’usage de l’arsenic devroit être proscrit de la médecine ; même à petite dose, soit intérieurement, soit extérieurement, il est dangereux. C’est un caustique & un corrosif au suprême degré, dont le vrai correctif n’est point encore connu. L’idée seule de ses ravages sur l’économie animale fait frémir : pris intérieurement, il occasionne une chaleur brûlante, & les douleurs les plus atroces dans l’estomac & dans les intestins ; une soif dévorante qu’aucune boisson ne sauroit éteindre, suivie de fortes envies de vomir, de syncopes, de hoquets, de sueurs froides, de vomissemens de matières noires, de selles fétides. Le ventre s’aplatit, le pouls se resserre, se concentre ; la gangrène dévore l’estomac, les intestins ; enfin le malheureux meurt dans des douleurs inouïes, & au milieu des plus horribles convulsions.

Les secours ne sauroient être assez prompts ; le lait, l’huile d’olive, (sans rancidité) ou du beurre frais que l’on fait fondre dans l’eau tiède, doivent être donnés à grandes doses, tant que subsiste l’envie de vomir, & ne pas discontinuer tant qu’on suppose le moindre atôme d’arsenic dans l’estomac, & provoquer le vomissement en chatouillant l’intérieur du gosier avec la barbe d’une plume. Il ne faut pas craindre de fatiguer le malade par le vomissement ; au contraire, on doit le provoquer le plus qu’il est possible, jusqu’à ce qu’on ait appelé un médecin ou un chirurgien. Le moindre retard suffiroit pour établir l’inflammation dans l’estomac, dans les intestins, ainsi que la gangrène.

Si enfin ces substances n’émoussent pas la causticité de ce poison, on recourra à l’ipécacuanha en poudre, délayé dans un verre d’eau, sur laquelle on jettera quelques cuillerées d’oxymel scilitique ; si ce remède n’est pas assez actif, on recourra au vitriol blanc ou couperose blanche, à la dose de trente-six grains dissous dans l’eau, ou à l’émétique, à une dose un peu forte ; ce qui n’est pas sans danger.

La lessive de cendres vaudroit mieux ; par exemple, de sept à huit poignées sur une pinte d’eau : après l’avoir bien agitée avec l’eau, la laisser reposer, tirer à clair, & faire boire cette eau au malade. On peut encore employer le savon dissous dans l’eau chaude. Cette première lessive alcaline, la plus douce de toutes, seroit admirable pour neutraliser l’acide de l’arsenic, si les alcalis n’étoient pas caustiques. Il est à craindre que trouvant la membrane veloutée de l’estomac dans la plus grande irritation, ils ne l’augmentent encore ; mais aux grands maux les grands remèdes, sur-tout lorsqu’on ne trouve aucune ressource dans les autres.

Lorsque l’inflammation est à un certain degré, le vitriol blanc, l’émétique sont eux-mêmes un poison. L’eau de poulet, le petit lait, la décoction de mauve, de graine de lin, & de toutes les herbes émollientes, deviennent nécessaires, ainsi que les lavemens composés de ces mêmes substances, les fomentations sur la région de l’estomac & sur le ventre.

On a supposé, dès le commencement de cet article, que les personnes qui environnent le malade ont eu soin d’envoyer appeler le médecin ou le chirurgien, afin qu’avec des yeux accoutumés à observer, ils puissent juger sainement des symptômes, des progrès du mal, & y apporter les soulagemens convenables. Ces personnes de l’art connoîtront sans doute l’ouvrage de M. Navier, intitulé : Contre-poisons de l’arsenic, du sublimé-corrosif, du verd-de-gris & du plomb, dans lequel il donne la manière de composer un hépar, & la dose convenable au malade.