Cours d’agriculture (Rozier)/ARRÊTE-BŒUF

Hôtel Serpente (Tome premierp. 703-704).


ARRÊTE-BŒUF, ou Bugrande, ou Bugrane. M. Tournefort place cette plante dans la section seconde de la dixième classe, qui comprend les herbes à fleur de plusieurs pièces, dont la forme irrégulière est appelée papilionnacée, à cause de sa ressemblance avec un papillon, dont le pistil devient une gousse large & à une seule loge, & il la désigne par cette phrase : Anonis spinosa flore purpureo ; & M. Von Linné la classe dans la diadelphie décandrie, & la nomme ononis spinosa. Les grecs l’avoient appelée onos, qui veut dire âne, parce que cet animal la broute avec plaisir. Les françois l’ont appelée arrête-bœuf, à cause de la force & de la longueur de ses racines qui résistent aux efforts de la charrue. Les botanistes comptent seize espèces d’ononis ; nous ne parlerons que de deux par rapport à l’utilité ; la première pour la médecine, & la seconde pour la décoration des jardins. (Voyez Pl. 20, pag. 652.)

La fleur de l’arrête-bœuf est papilionnacée. L’étendard B est en forme de cœur, aplati par les côtés ; les ailes C ovales, plus courtes de moitié que l’étendard ; la carenne D pointue, un peu plus longue que les ailes ; le calice E, presqu’aussi long que la corolle, divisé en cinq découpures linéaires, pointues, légérement arquées en dessus. La fleur est de couleur pourpre clair ; le pistil F sort du fond du calice, enveloppé par dix étamines G, dont neuf sont rassemblées par leur base, & une seule en est séparée.

Fruit. Le pistil se change en un légume H renflé, velu, à une seule loge K, renfermant des graines I en forme de rein.

Feuilles. Trois à trois, ovales, entières, gluantes, portées sur un même pétiole.

Racine A, longue, rampante, brune en dehors, blanche en dedans, fibreuse, traçante.

Port. La tige de cette espèce de sous-arbrisseau a un pied & plus de hauteur ; elle est velue, rameuse, & les rameaux épineux : les feuilles sont alternes ; les fleurs naissent ordinairement le long des branches, quelquefois rangées en grappes, quelquefois opposées deux à deux, & adhérentes à la tige ; enfin, les épines sont opposées deux à deux, ou opposées aux rameaux.

Lieu. Les terrains incultes, sablonneux ; les champs ; elle fleurit en Mai, Juin & Juillet.

Propriétés. La racine a une saveur désagréable ; elle est regardée comme apéritive & diurétique, & est mise au nombre des cinq petites racines apéritives ou mineures, & les quatre autres sont celles du chardon-roland, de la garance, du câprier & du chiendent.

Usages. Dioscoride & Mathiole vantent beaucoup l’usage de la racine pour guérir de la pierre & pousser les sables par les urines, & sur-tout lorsque les uns ou les autres occasionnent des coliques néphrétiques. Il seroit à desirer que cette racine jouît d’un tel avantage ; &, sans erreur, on peut révoquer en doute cette vertu. On se sert plus efficacement de la décoction des feuilles, en gargarisme, pour les maux de gorge & l’enflure des gencives par le scorbut. La dose des feuilles sèches est depuis demi-drachme jusqu’à demi-once en infusion dans six onces d’eau, & la racine depuis demi-once jusqu’à une once en infusion dans la même quantité d’eau, dans les tisanes apéritives. Pour les animaux, la dose est d’une à deux onces sur une livre d’eau.

L’Ononis pour la décoration des jardins est appelé ononis fruticosa par le chevalier Von Linné. Cet arbrisseau croît naturellement dans les montagnes du Dauphiné. Ses fleurs sont disposées en panicule ; les péduncules portent trois fleurs ; les stipules sont en manière de gaine ; les feuilles arrangées trois à trois sur le même pétiole, en forme de lance, découpées sur leurs bords en figure de scie. Il n’est point épineux, & ses fleurs sont de couleur rose tirant un peu sur le rouge. Les siliques sont mûres au mois de Septembre, & c’est le tems de les cueillir pour les semer en Mars dans de petites caisses.

Garnissez le fond de ces caisses d’une couche de gravois ; jettez-y ensuite un mêlange, par parties égales, de terre de haie ou de prairie défrichée, mêlée de terreau consommé, & d’un peu de moellon de brique, afin que ce mélange ne s’affaisse pas trop, & remplissez la caisse jusqu’à ce que le tout déborde de cinq lignes. Telle est la proportion de la caisse entiérement garnie ; mais avant de la combler, enterrez les graines à un demi-pouce de profondeur, & recouvrez comme il a été dit. Les caisses seront enterrées dans une couche tempérée, & il ne faut pas trop les ombrager ni les arroser. La seconde année on mettra les petits arbustes un à un dans des pots, & au bout de deux ans on les tirera avec la motte pour les planter à demeure. C’est ainsi que M. le Baron de Tschoudi est parvenu à les élever. On peut encore multiplier cet arbuste par le secours des marcottes, en les faisant au mois de Juin.

Fin du Tome Premier.