Cours d’agriculture (Rozier)/ARMOISE

Hôtel Serpente (Tome premierp. 673-674).


ARMOISE, ou Herbe de Saint-Jean. M. Tournefort la place dans la troisième section de la douzième classe qui comprend les herbes à fleur à fleurons, ou fleur flosculeuse, qui laisse après elle des semences sans aigrettes ; & il l’appelle artemisia vulgaris major. M. Von Linné la classe dans la singénésie polygamie superflue, & l’appelle artemisia vulgaris. (Voy. Pl. 20, p. 652.)

Armoise
Armoise

Fleur, composée de fleurons : les fleurons hermaphrodites dans le disque B, & les fleurons femelles à la circonférence C, au nombre de cinq ; les uns & les autres ont la forme d’un tube évasé à l’extrémité, & sont découpés en cinq dents égales. Les fleurs femelles n’ont que le pistil D ; & dans les fleurs mâles, le pistil est accompagné de cinq étamines attachées au tube de la corolle. Les fleurs sont ramassées dans des enveloppes, ou calices écailleux E ; le réceptacle qui les porte est nu, conique, environné de plusieurs écailles linéaires.

Fruit. Chaque fleuron contient une petite semence F, oblongue & sans aigrette.

Feuilles, ailées, planes, découpées, velues, vertes en dessus & blanches à leur surface inférieure.

Racine A, rampante, fibreuse.

Port. Les tiges sont herbacées, hautes environ de trois pieds, droites, dures, cannelées, cylindriques, un peu velues, rougeâtres, moelleuses ; les fleurs naissent au sommet, disposées en grappes, de couleur d’herbe ; les feuilles sont alternativement placées sur la tige, & de l’aisselle des feuilles naissent les petits rameaux.

Lieu. Les terrains incultes. La plante fleurit en Août & Septembre ; elle est vivace par ses racines : les tiges se dessèchent chaque année.

Propriétés. La racine est douce, aromatique ; la plante a un goût amer. Elle est apéritive, stimulante, emménagogue, antihystérique : extérieurement, elle est vulnéraire & détersive. Les feuilles échauffent sans fatiguer l’estomac, ni causer beaucoup de soif. Cette plante est fort recommandée par quelques auteurs ; & malgré leur sentiment, il n’est pas encore prouvé qu’elle guérisse l’épilepsie occasionnée par des évacuations naturelles supprimées, excepté celle qui seroit produite par la suppression des règles, ou par des lochies, ou des pertes blanches ; 2o. dans la fièvre-tierce ; 3o. dans la jaunisse par obstruction des vaisseaux biliaires ; 4o. dans la passion hystérique & affection hypocondriaque.

Usage. On distille l’herbe, & l’eau qu’on en retire ne jouit seulement pas des mêmes vertus que celle de la plus légère infusion des feuilles. Elle ne sert qu’à augmenter le nombre inutile des vases ou des bouteilles qui meublent la boutique d’un apothicaire. Les feuilles récentes sont prescrites depuis deux drachmes jusqu’à deux onces en infusion dans cinq onces d’eau dessechées, depuis demi-drachme jusqu’à demi-once dans la même quantité d’eau. Le sirop fait avec les feuilles d’armoise, doit être transparent, de couleur jaunâtre, tirant sur le brun, d’une odeur médiocrement aromatique, d’une saveur douce, un peu amère, & légèrement âcre : sa dose est depuis demi-once jusqu’à deux onces, seul ou en solution dans quatre onces de véhicule aqueux. Le duvet des feuilles, appliqué sur une partie quelconque du corps, mais enflammée, passe pour être le cautère le plus doux. Le moxa des chinois est fait du duvet cotonneux d’une armoise, dont les tiges & le dessous des feuilles en sont abondamment garnies. On donne aux animaux la plante réduite en poudre, à la dose d’une once ; & fraîche, à la dose de deux poignées en infusion dans une livre d’eau.

On prétend que c’est Arthémise, reine de Carie, qui a fait connoître les propriétés de l’armoise ; & par reconnoissance, on lui a conservé le nom d’arthémise, qui, par corruption, a été défiguré en celui d’armoise.