Cours d’agriculture (Rozier)/ALLAITEMENT


ALLAITEMENT, (Économie rurale et vétérinaire.) L’allaitement est le temps qui s’écoule depuis la naissance jusqu’au sevrage, pendant lequel la mère abandonne son mamelon à sa production, qui la tette et se nourrit de son lait.

Il se rencontre des obstacles à l’allaitement, soit de la part de la mère, soit de la part du jeune sujet.

Un accident fréquent dans les jeunes mères, même bonnes laitières d’ailleurs, c’est la dureté du pis ou des mamelles, et la tuméfaction du trayon : il faut alors suspendre l’allaitement jusqu’à ce que l’un et l’autre soient dissipés ; on y parvient promptement en trayant la mère, en faisant des onctions d’onguent populéum, et des lotions émollientes sur les mamelles ; (Voy. Émollient) en donnant des lavemens aussi émolliens, et en exerçant la bête au pas. Au bout de deux ou trois fois vingt-quatre heures, ces remèdes suffisent pour procurer au jeune sujet la facilité de téter.

Il y a des mères qui n’ont point de lait, ou qui n’en ont que très-peu ; d’autres en donnent assez abondamment les premiers quinze jours, et deviennent sèches après ce temps. Il faut être attentif à ce défaut qui pourroit faire périr les productions par disette. Cet accident est assez fréquent dans les brebis qui font leurs agneau avant le moment où l’herbe pousse, et il peut quelquefois périr des agneaux, en assez grand nombre, par cette cause. Les moyens d’éviter ces effets fâcheux, sont de soutenir les mères et les petits à la bergerie, en les affourant avec de très-bon regain de luzerne, des cosses remplis de leurs pois, ainsi que du son et un peu d’avoine.

Les obstacles à l’allaitement, du côté de la production, pourroient être des vices de conformation, tels que le défaut de séparation des lèvres, l’absence de la langue, l’absence des os du nez et des cavités nasales ; mais ces cas sont très-rares ; la Grenouillette (Voyez ce mot) pourroit encore en être la cause.

Il vient à la bouche, sur-tout des agneaux, des aphthes qui les empêchent de téter, qui les font dépérir, et même dont quelques uns meurent. Ou en arrête très-rapidement les progrès, en les touchant très-légèrement avec l’acide sulfurique que l’on porte directement sur l’ulcère, par le moyen d’un petit bâton garni d’un chiffon qui y est fixé par un fil.

Les veaux, les poulains, et même les agneaux, éprouvent souvent des diarrhées pendant l’allaitement, parce qu’ils ne digèrent pas bien le lait à cause du travail de la dentition ; ils dépérissent, et finiroient par succomber si l’on n’y remédioit. Pour cela, on leur fait avaler des œufs avec leurs coques, des écailles d’huîtres ou de limaçons calcinées, réduites en poudre et délayées dans des infusions de plantes amères ou aromatiques, telles que d’absinthe, la sauge, les baies de genièvre.

S’il survenoit des épreintes, on leur donneroit des lavemens adoucissans, tels que l’eau dans laquelle on auroit fait bouillir du son, et à laquelle on ajouteroit un peu de beurre ou d’huile douce.

Il est encore des mères qu’il faut accoutumer à faire téter leurs petits, comme il est des petits qu’il faut habituer à téter leur mère, ce qui est plus fréquent dans les brebis ; on assujettit la mère dans les premiers jours ; on la tient avec l’agneau dans des clayons séparés ; on peut encore frotter l’agneau substitué avec le délivre de la mère qui doit l’adopter. Il est quelques agneaux qu’il faut conduire à leur mère, parce qu’ils ne se connoissent pas, ce qui est rare. Cependant, des attentions analogues conviennent aux veaux et aux poulains. Les chèvres étant l’espèce d’animaux qui accepte le plus facilement des nourrissons étrangers, il est très-avantageux d’en avoir quelques unes qui aient du lait à la portée d’un troupeau de bêtes mérinos. On leur donne un des jumeaux qui viennent quelquefois, ou un agneau dont la mère seroit mauvaise nourrice. On n’a pas de peine à accoutumer les chèvres à l’adoption de nourrissons.

Les poulains de races fines s’accoutument facilement à boire du lait de vache autre que celui de leur mère, et il est avantageux de leur en donner quand celui de la mère n’est pas en quantité suffisante ; on le continue, on le prodigue même après le sevrage aux poulains destinés à la course.

On fait boire le lait aux veaux que l’on sépare de la mère peu de temps après la naissance, en plongeant la main dans le seau, et en leur donnant un doigt qu’ils saisissent entre leurs lèvres ; d’autres personnes attachent au fond du vase un chiffon de toile, qu’ils appellent poupée ; cette méthode artificielle fait exécuter aux poulains la succion à peu près comme avec le trayon ; peu à peu ils s’accoutument à boire seuls. (Ch. et Fr.)