Cours d’agriculture (Rozier)/ACRETÉ, ACRIMONIE

Hôtel Serpente (Tome premierp. 243-244).


ACRETÉ, ACRIMONIE. Nom que l’on donne à l’état que les fluides du corps ont contracté par les abus dans la manière de se nourrir par l’excès du travail & par l’usage des remèdes trop actifs. Dans cet état, le malade éprouve des cuissons dans toutes les parties extérieures du corps, & une chaleur très-vive dans l’intérieur ; il est privé du sommeil & tourmenté par la soif. Il est facile de sentir que la privation des choses qui avoient conduit à cet état, est le premier moyen à employer : si le corps est vigoureux, on peut tirer quelques palettes de sang ; & s’en abstenir, si le malade est épuisé par le travail : il faut boire beaucoup d’humectans & d’adoucissans. (Voyez ces mots) M. B.


ACRIMONIE. Méd. vét. Les animaux sont, comme l’homme, sujets à l’acrimonie du sang ou des autres humeurs, & sur-tout à l’acrimonie alcalescente. La mauvaise nourriture y contribue singuliérement. Du fourrage mouillé pendant la récolte, & qui a long-tems traîné sur la terre, où il a successivement moisi & séché, séché & moisi, est pour eux une nourriture mal saine, parce que la moisissure est le premier degré de l’alcalescence. Si un fourrage quelconque est tenu dans un lieu humide, ou bien si les eaux pluviales l’imbibent, il sera bientôt dans le même cas que le premier. Les animaux tenus dans une écurie trop chaude, sur-tout pendant l’été, & où il est impossible d’établir un grand courant d’air, y sont perpétuellement dans une moiteur, dans une forte transpiration, & la partie fluide du sang & des humeurs est bientôt desséchée. Ne vaudroit-il pas mieux les laisser pendant la nuit exposés à l’air ou dans un champ, ou dans une cour, plutôt que dans ces écuries qui ont au moins trente degrés de chaleur ? Si l’éloignement des eaux bonnes & salubres les réduisent, pour étancher leur soif, à la dure extrémité de s’abreuver des eaux croupissantes d’une mare, & infectée par la dépouille & les excrémens d’une multitude inombrable d’animaux, craignez tout pour leur santé. Bientôt les maladies de la peau se déclarent, bientôt on verra paroître ces fièvres putrides inflammatoires qu’on n’apperçoit que lorsque l’animal succombe sous le poids accablant de la maladie, & lorsqu’il n’est plus tems de lui administrer des remèdes. Combien ces exemples ne sont-ils pas encore frappans pendant & après ces sécheresses dévorantes qui font tarir les sources & les ruisseaux ? Dans ce cas, on est forcé d’aller à plusieurs lieues chercher l’eau, & elle est dans ce moment d’autant plus précieuse que les besoins sont plus urgens. Cependant cette eau a été battue dans la route ; échauffée par le soleil, elle a perdu, comme l’eau qu’on met bouillir sur le feu, une partie de son air de combinaison : il faut donc laisser à découvert pendant toute la nuit le vaisseau qui la renferme ; & pendant ce tems, elle reprendra, de l’atmosphère, l’air qu’elle a perdu ; & le lendemain, elle sera plus salubre. À quelque prix que ce soit, on doit se procurer de l’eau, à moins qu’on ne préfère leur mort certaine, ou du moins de les voir attaqués des maladies les plus graves.

C’est ici le cas de ne pas épargner le vinaigre, d’aciduler légérement leur eau, quelquefois de la nitrer, de leur donner de l’eau blanche, de leur donner des décoctions de feuilles de mauve, d’althéa, de pariétaire, de matricaire, de laitue ; enfin, des décoctions des plantes émollientes & adoucissantes que l’on rencontre le plus facilement sous sa main. Un parti plus sage seroit de les conduire vers la rivière ou la fontaine, de les y laisser plusieurs jours sans travailler, & à l’abri des grandes fermes. Il vaudroit mieux les y faire camper, que charier de l’eau qu’on ne leur donne qu’avec la plus grande parcimonie. Si un propriétaire calculoit bien, il trouveroit surement ce dernier parti plus avantageux. Un point encore essentiel, si les circonstances le permettent, c’est de faire baigner l’animal pendant son campement.

Dans les cas dont on vient de parler, les urines des bestiaux sont rouges, couleur de brique, épaisses ; l’animal souffre en urinant ; les dyssenteries bilieuses surviennent, & sont presque toujours le prélude de maladies plus graves encore.

La pratique ordinaire conseille la saignée pour diminuer l’effervescence & l’acrimonie du sang : mais il est inutile, & même dangereux, de recourir à ce remède, si on ne peut lui associer les adoucissans & surtout les humectans.

Le trop de repos occasionne encore l’acrimonie. En général, les bestiaux ne sont pas dans ce cas : on doit craindre, au contraire, de les voir surmener. Il faut labourer, vous dit-on, & on n’a nul égard à la saison & à l’état où l’animal se trouve. Je dis à mon tour, il vaut mieux laisser l’animal oisif pendant plusieurs jours, que de le tuer.