Cours d’agriculture (Rozier)/ABONDANCE

Hôtel Serpente (Tome premierp. 175-182).


ABONDANCE. Elle a été la ruine des cultivateurs, & elle l’est toujours des propriétaires des vignobles. Cette assertion paraît au premier coup d’œil être un paradoxe outré ; mais malheureusement elle n’est que trop vraie & trop démontrée dans la pratique. Les anciens représentoient l’abondance sous l’allégorie d’une femme couronnée d’une guirlande de fleurs, versant d’une corne, tenue de la main droite, toutes sortes de fruits, & répandant à terre, de la main gauche, des grains qui se détachoient d’un faisceau d’épis. Cet emblême étoit vrai du tems des romains ; & sous le bon & vertueux Trajan, une double corne fut ajoutée à la main droite de l’Abondance. Ne sommes-nous pas en droit d’espérer de voir, sous Louis XVI, reparoître ce double attribut ? L’abondance a dû toujours être le but des travaux du cultivateur, l’espoir consolant du fermier, & le terme des vœux du propriétaire : cependant la majeure partie des richesses réelles que la culture produit, étoit, il y a quelques années, une richesse fantastique ; le grain entassé vieillissoit, se gâtoit & se consumoit souvent en pure perte dans les greniers. Les défenses les plus rigoureuses en proscrivoient la sortie d’une province à l’autre, même dans l’intérieur du royaume ; & la Bourgogne, par exemple, regorgeoit de grains, tandis qu’on mouroit de faim dans le Beaujollois, la Provence & le Languedoc. À ces tems de calamités succédèrent des jours plus heureux, & la seule & la vraie richesse nationale augmenta d’un tiers. Il fut permis de faire circuler le produit des récoltes abondantes, non-seulement d’une province à une autre, mais encore de l’exporter chez l’étranger. On vit alors une émulation, jusqu’à ce jour inconnue en France, pour mieux cultiver, pour mettre en valeur des terres depuis long-tems abandonnées, & défricher des terrains qui furent étonnés de sentir leur surface chargée de sillons. Depuis cette époque heureuse, la misère a été bannie de la chaumière du cultivateur, & sa chaumière a été convertie en maison ; le fermier est devenu aisé, & le propriétaire a presque doublé le prix de ses anciens baux. Enfin, grâce à la bienfaisance d’un Ministre qui a sacrifié toute sa vie à secourir & protéger le pauvre cultivateur contre les vexations du riche, toutes les entraves, tous les droits quelconques qui, sous cent dénominations différentes, gênoient le commerce & la libre circulation du bled, ont été détruits & supprimés : en un mot, le bled est aujourd’hui la seule marchandise, la seule branche de commerce qui soit parfaitement libre dans l’intérieur du Royaume. Voilà déjà un grand pas fait vers la source & le principe de la véritable richesse. Il en reste encore un à faire, c’est celui qui procurera la liberté d’exporter chez l’étranger, & qui redonnera une liberté plénière : alors les récoltes les plus copieuses & les plus abondantes ne seront plus un fléau & une calamité publique, parce qu’il est impossible que le Royaume consomme chaque année plus de la moitié de ses produits en bleds. Si le grain ne se soutient pas à un certain prix, le propriétaire doit s’attendre à voir ses fermes diminuer, & revenir peu-à-peu aux taux anciens ; & celui qui aura, sans savoir pourquoi, sans avoir examiné la question, crié le plus fortement contre la libre exportation du bled, ouvrira alors les yeux, & comprendra enfin par sa propre expérience, que le rehaussement du prix de ses fermes dépendoit de cette liberté d’exportation. Ce point de fait est si vrai, & cette conséquence est si juste, qu’au commencement de 1780, les grands propriétaires du Bas-Languedoc & de plusieurs provinces voisines, dont l’époque des fermes étoit arrivée, aimèrent mieux reprendre la culture de leurs terres, & les faire valoir par eux-mêmes ou par des régisseurs, que de renouveler des baux à cause du bas prix où ces terres étoient tombées. Ils attendent avec empressement un moment plus favorable. L’abondance n’est donc pas richesse, & la vraie richesse en ce genre dépend donc de la liberté complette de vendre ses grains de la manière qu’on estime être la plus avantageuse.

Si on jette actuellement un coup d’œil sur les pays de vignobles, on verra la plus grande abondance traîner à sa suite la misère la plus affreuse, & le vigneron faire des vœux pour qu’une petite gelée, ou la coulaison, détruisent en une journée la moitié de la récolte dans tout le royaume. Le seul propriétaire de vignes situées aux portes des grandes villes, ne fait pas les mêmes vœux, parce que le débouché & la consommation de son vin sont assurés ; l’abondance est seulement avantageuse pour lui. Le terrain consacré à la vigne, est en général mauvais, pierreux ; les coteaux, les rochers même lui sont destinés : en un mot, elle exige un sol où le bled ne sauroit croître ; car si elle est plantée dans un terrain gras ou trop fertile, le vin qu’elle donnera sera toujours mauvais, ne pourra passer les mers, & ne se conservera pas pendant plusieurs années. Voilà donc une très-grande partie du royaume mise en valeur, & le propriétaire a été forcé de multiplier les avances, & de dépenser le quadruple de ce qu’il en coûte pour récolter du bled. La proportion de dépense est la même pour la culture, puisque tous les travaux de la vigne se font à bras d’homme, excepté dans le Bas-Dauphiné, la Basse-Provence, le Bas-Languedoc, & dans quelques cantons de la Guienne. La même proportion se trouve encore dans les frais de vendange & de pressées ; mais dans le cas d’une très-grande abondance, toute proportion disparoît, lorsqu’il faut acheter les vaisseaux vinaires, dont le prix double & triple toujours en raison de l’abondance de la récolte. Il n’importe pas, pour le moment, de savoir comment le vigneron a pu s’en procurer. Voilà les celliers remplis ; ils regorgent de vin : eh bien ! cette abondance n’est que le simulacre de la richesse. Les mois s’écoulent, il ne se présente point d’acheteurs ; le tonnelier, qui a fourni les tonneaux à crédit, demande son paiement ; le collecteur des tailles de la paroisse marche sur ses pas : tous deux menacent : les frais de justice suivent de près la menace ; ils persécutent le cultivateur, l’un pour ses avances, & l’autre pour l’impôt. Enfin, le cultivateur, pour se soustraire aux poursuites tyranniques de ces fléaux des campagnes, leur cède son vin, & les vaisseaux même, au bas prix qu’il leur plaît en donner. Combien de fois n’ai-je pas été témoin de ce spectacle horrible, si fréquent dans les pays d’élection ! Combien de fois n’ai-je pas eu la douleur de voir des récoltes vendues sur la place, & achetées par des hommes affidés & postés par les collecteurs ! heureux encore, si la récolte entière du malheureux pouvoit le soustraire à la voracité affreuse de ces monstres qui s’engraissent du sang le plus pur de leurs semblables ! Qu’il est cruel pour l’ame sensible, d’être témoin de ces extrémités, & de ne pouvoir soulager le malheureux, ni le soustraire à de pareilles horreurs commises sous le nom sacré des loix dont on abuse. Dans ces pays, il vaut mieux être simple journalier, que propriétaire. Cette assertion n’est pas un paradoxe.

L’abondance sert encore à ruiner le vigneron, d’une manière plus lente à la vérité, mais aussi sure, aussi complette, & presque aussi odieuse. Il est obligé de passer par les mains des commissionnaires en vins ; genre de sangsue heureusement inconnu dans les pays à bled. Un commissionnaire arrive dans un village, parcourt les celliers, goûte le vin, offre un prix beaucoup au-dessous de celui de sa valeur réelle ; il part & ne conclut aucun marché ; mais auparavant il a eu grand soin de déprécier la qualité du vin, de supposer au cultivateur ignorant, une excessive abondance dans toutes les provinces du royaume. Un second commissionnaire survient, il offre un prix plus bas que le premier, pratique le même manège ; puis un troisième ; & enfin il en paroît un dont l’extérieur & les propos sont plus accommodans. Un rayon d’espérance commence à briller aux yeux du vendeur. Je prendrai, lui dit-il, votre vin au prix courant. Les premiers commissionnaires reviennent sur leurs pas, tiennent le même langage, marquent les tonneaux ; le vin de tout un canton est ainsi arrhé, & le propriétaire n’a plus la liberté de le vendre à un autre acheteur qui lui en donneroit davantage.

Quel sera ce prix courant ? à quel taux sera-t-il porté ? Laissez agir les commissionnaires, leur manège n’est pas encore à son terme. Un cultivateur est-il pressé par le tonnelier, ou par le collecteur des tailles, toujours les agens des commissionnaires, il est obligé d’accepter le prix qu’on lui offre, plutôt que de voir sa récolte saisie, & son produit dissipé par les frais de justice. Voilà le fameux prix courant établi par cette simple opération.

Si le commissionnaire n’a pas toujours recours à un stratagême aussi inique, il s’adresse d’autres fois au vigneron dont le vin a le plus de réputation dans le canton ; il le lui paie à sa juste valeur, & souvent au-dessus ; par-là il le force au secret, & achète le droit de dire publiquement qu’il ne l’a payé qu’à tel prix. Alors le vendeur dit qu’il a voulu se débarrasser de son vin, parce qu’il ne se conservera pas ; & l’autre, que, de toute nécessité, le prix baissera dans quelques mois, attendu que toutes les provinces du royaume regorgent de vin. Enfin, tout le canton est obligé d’accéder à ce traité simulé. Voilà comme l’abondance de vin n’est pas richesse, à cause des grosses avances qu’elle a exigée, & du bas prix, & très-bas prix dans la vente. Une récolte médiocre est plus avantageuse qu’une récolte abondante. Ce n’est point un paradoxe, & tout homme sensé se convaincra de cette vérité, pour peu qu’il examine de près & étudie la manière dont le commerce du vin est gouverné.

Si le paiement avoit lieu au moment où le vin est enlevé du cellier, il n’y auroit qu’un demi-mal ; le paysan toucheroit tout à la fois une certaine somme ; il auroit de quoi payer ses impositions, ses petites dettes, se procurer des engrais, acheter à un prix raisonnable les vaisseaux vinaires, &c. : mais il faudra attendre cet argent si desiré & si nécessaire, pendant une année entière, & souvent ne le toucher que par parcelles ; alors les besoins du moment le dissipent, & les anciennes dettes ne sont pas acquittées. Croiroit-on que ces malheureux, qui ne sortent pour ainsi dire pas de leurs vignes pendant toute l’année, sont réduits à ne boire que du petit vin, c’est-à-dire l’eau passée & fermentée sur la grappe, après que tout le vin en a été extrait par le pressoir. Tout au plus boivent-ils du vin le dimanche ; & c’est dans un cabaret. Quel tableau ! il n’est malheureusement que trop multiplié.

On demandera avec surprise, comment il est possible que le vigneron soit obligé de passer par les mains des commissionnaires ? Je demande à mon tour : Sans eux, sans ces sangsues, que deviendroit le paysan ? Il ne sait comment se procurer des débouchés : semblable à l’huître attachée à son rocher, il saisit, pour subvenir à ses besoins, le premier objet qui se présente. Les commissionnaires se sont appropriés cette branche de commerce, soumise à toutes les entraves imaginables, hors des pays d’état. Tant que le commerce du vin ne sera pas libre comme celui du bled ; tant que le paysan grossier & ignorant craindra à chaque instant d’être pris en contravention contre la loi qu’il ignore, il gémira sous la dure nécessité de passer par des mains étrangères, & l’abondance le ruinera. Il faut être riche pour avoir des vignes. Cette expression a passé en proverbe, & tout proverbe en ce genre est essentiellement vrai, puisqu’il est fondé sur l’expérience. Les vignes ruinent toujours leurs maîtres, si leur fortune ne leur permet pas de garder leurs récoltes pendant deux ou trois années avant de les vendre, parce que lorsque l’année est abondante, le vin n’a point de prix, point de valeur, & les frais absorbent le produit. Cela est si vrai, que dans plusieurs cantons de Provence & de Languedoc, on laissa en 1779, la moitié de la vendange sur le cep, & que le muid de Languedoc, qui tient 675 pintes, mesure de Paris, n’a pu être vendu que 15, 18 ou 20 livres au plus, suivant la qualité, & encore n’a-t-on pas trouvé des acquéreurs. Les vaisseaux vinaires, de la contenance d’un muid, coûtoient de 27 à 30 livres. Que faire donc de ces récoltes abondantes ? La dernière ressource est de les convertir en eau-de-vie ; mais la main-d’œuvre, mais le bois sont si coûteux dans ces provinces, qu’il n’y a presqu’aucun bénéfice, puisque les eaux-de-vie y sont au vil prix de 12 livres le quintal. L’énormité des droits que les eaux-de-vie & les vins ont à payer, lors de leur circulation dans le royaume, ou lorsqu’on les exporte chez l’étranger, sont cause de la stagnation & de l’engorgement. Les seuls droits d’entrée d’un muid de vin à Paris, sur le pied de trois cents pintes, coûte plus que l’achat de treize muids de vin en Provence ou Languedoc, en les supposant de même contenance.

De tous les cantons du royaume, il n’en est point qui soient plus chargés d’impositions, que les pays de vignobles, parce que lors de l’établissement & de la progression des impôts, les vins seuls avoient quelque valeur en France, & la culture du bled étoit négligée à cause des prohibitions. Aujourd’hui les propriétaires de terres labourables se sont enrichis, & les habitans des vignobles ont été appauvris. Le prix du vin, loin de suivre celui du bled, loin d’augmenter comme lui, a diminué, attendu que l’étranger est rebuté par les droits excessifs qui l’éloignent du royaume ; & les artisans & les maîtres de maisons, ne donnent plus de vin à leurs ouvriers ou à leurs domestiques : la consommation est donc moindre qu’elle ne l’étoit autrefois. On diroit que les impôts multipliés & appésantis sur les pays de vignobles, ressemblent ou équivalent à l’ordre donné par Domitien, d’arracher les vignes dans les Gaules, & il sembleroit qu’on veut punir ces industrieux habitans, pour avoir mis en culture & rendu fertile le sol le plus ingrat d’un quart du royaume. L’Espérance, fille du Ciel, & la consolatrice du genre humain, n’est pas détruite ; c’est le seul bien qui resta à l’homme après l’ouverture fatale de la boîte de Pandore ; c’est elle qui soutient le malheureux vigneron, & lui fait attendre le retour de la paix, qui mettra le directeur général des finances actuel dans le cas de jeter un coup d’œil favorable sur les pays de vignobles & sur leur produit. Il permet d’espérer que les gênes multipliées, les embarras en tous genres, les droits exhorbitans, qui surpassent la valeur de la denrée, seront supprimés, ou du moins considérablement modérés ; enfin, que le vin, ainsi que le bled, auront une libre circulation dans tout le royaume, sans craindre la dangereuse & inquiéte vigilance de cette formidable armée de gardes. Fasse le ciel, pour le bonheur de la France, & pour la gloire de son auteur, qu’un si beau projet soit bientôt exécuté. Alors l’abondance ne sera plus un fardeau, ni le germe de la pauvreté. Tout impôt établi sur le produit des terres & sur sa circulation, tombe bien plus directement sur le cultivateur que sur le consommateur. La majeure partie de l’impôt rejaillit toujours sur le prix de la première vente ; & même la partie de l’impôt que paient les acheteurs de la première, seconde & troisième main, ne diminue pas la première. Le cultivateur est donc le porte-faix de l’impôt, puisque l’acheteur ne lui paie pas le même prix qu’il auroit payé s’il n’avoit pas encore eu d’autres droits à acquitter. Abandonnons ces idées affligeantes, pour considérer l’abondance sous un point de vue plus flatteur ; & examinons les avantages que le cultivateur prudent & aisé doit en retirer.

Ce n’est pas assez d’avoir le juste nécessaire, dit Balthazar Gracien ; il faut tenir en réserve le double de ce que l’on prévoit devoir consommer ; & dans les années favorables, mettre de côté pour subvenir aux années de disette.

Si les prairies donnent une ample récolte de fourrage, & une quantité plus que suffisante pour nourrir les bestiaux de vos fermes, ne vendez point de fourrage, mais augmentez le nombre de vos chevaux, de vos bêtes à cornes, de vos troupeaux, & faites-le consommer dans vos granges. La vente des bestiaux, le bénéfice des engrais vous assureront un profit plus réel que n’aura été celui de la vente de l’herbe en nature. Le printems qui succédera peut être sec, ou des gelées tardives gâteront les prés : ayez donc toujours quelques meules en réserve ; & si cette seconde année la récolte est aussi avantageuse que la précédente, augmentez encore le nombre de vos bœufs, de vos chevaux, &c. Vos terres seront mieux travaillées, mieux engraissées, & par conséquent, pendant plusieurs saisons de suite, les grains seront plus multipliés. Avec des engrais, on est en droit d’attendre des prodiges, même des terres médiocres en valeur.

Le bled bien soigné dans les greniers, & souvent remué pour lui faire prendre l’air, ne s’y détériore pas comme le foin : ainsi conservez donc celui qui sera nécessaire pour votre provision de deux années & pour vos semences ; gardez le plus beau & le meilleur pour vous, vous en consommerez moins, & vos ouvriers mieux nourris, travailleront davantage. Propriétaires, ne perdez jamais de vue que l’année suivante sera peut-être une année de disette ; qu’une seule gelée venue à contre-tems, des pluies trop abondantes pendant la fleuraison du grain, un orage, une grêle détruiront dans un jour le fruit de vos pénibles & laborieux travaux. Quelle leçon utile ne donne pas cette alarmante perplexité !

On perd beaucoup lorsqu’on se hâte ou lorsqu’on est obligé de vendre son vin peu après la récolte dans les années d’abondance. Il gagne à vieillir dans les caves, son prix augmente en raison de son âge ; & comme, de toutes les récoltes, celle du vin est la plus casuelle, la plus susceptible de variation pour le prix, on est presqu’assuré, dans l’espace de cinq à six ans, de le voir doubler de valeur. Le seul propriétaire aisé peut faire ces réserves & ces spéculations. Elles supposent des caves immenses, & non des celliers, une abondante provision de vaisseaux vinaires, ou de foudres : enfin, une activité & une vigilance singulière dans le propriétaire. S’il ne voit & n’examine tout par lui-même ; s’il s’en rapporte à des sous-œuvres, à coup sûr il sera trompé. Le vin aigrira, poussera, & les sous-œuvres en rejetteront la faute sur la qualité du vin, & cependant elle ne doit être imputée qu’à leur seule négligence ou à leur maladresse. Il n’est pour voir que l’œil du maître, dit La Fontaine, & je répéterai souvent cet axiome dans le cours de cet ouvrage.

L’abondance est faite pour augmenter les richesses de l’homme déjà riche, & les malheureux sont toujours malheureux. Que l’homme riche profite donc du produit de ces jours heureux pour réparer ses bâtimens, renouveler les instrumens destinés à la culture ; qu’il échange ses animaux hors d’âge, contre d’autres plus forts, plus jeunes & plus vigoureux ; en un mot, qu’il soit en avance sur tous les objets quelconques. Du surplus, il peut augmenter un peu son bien-être ; mais qu’il se défende de ces superfluités enfantées par le luxe & par la mollesse. Ces superfluités créent des besoins imaginaires, & il est impossible de fixer le terme jusqu’où elles étendront par la suite leur multiplicité & leur tyrannique empire.