Cours d’agriculture (Rozier)/ÉVANOUISSEMENT

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 407-408).


ÉVANOUISSEMENT. C’est une foiblesse qui suspend tous les mouvemens dans l’animal, & lui dérobe la vue des objets, sensibles.

Il a plusieurs degrés : le premier est celui où le malade entend & sent sans pouvoir proférer une seule parole ; c’est le plus léger, il s’appelle foiblesse, défaillance.

Le second degré de l’évanouissement, & qu’on connoît sous le nom de syncope, est celui où le malade perd entièrement l’usage de ses sens, avec un affoiblissement du pouls ; & si la syncope est telle que le pouls soit entièrement éteint, la respiration insensible, le corps froid, le visage d’un pâle livide, ce dernier degré s’appelle asphyxie.

L’évanouissement dépend d’une infinité de causes différentes ; parmi le nombre on compte l’exposition à un air froid, & une suppression de transpiration ; les grandes évacuations de sang, les différens épanchemens qui peuvent se former dans les cavités du corps.

Il peut être encore l’effet des poisons pris intérieurement, des odeurs fortes, de la saignée ; il est très-souvent causé par l’embarras de l’estomac, par la présence des vers dans le viscère, par quelque douleur très-aiguë, par l’abus des purgatifs dans le traitement des maladies, par le défaut de nourriture, par des exercices violens, par les fortes passions de l’ame, par une contention d’esprit. On ne doit point oublier la suppression des évacuations naturelles, celles des hémorroïdes chez les hommes ; la répulsion de quelque humeur qui avoit pris son cours par un émonctoire artificiel, &c.

D’après l’énumération de toutes ces cause&, il n’est pas possible de donner un traitement général qui puisse leur convenir ; il doit donc varier selon celles qui produiront l’évanouissement.

Dans un évanouissement quelconque commençant, on jette sur le visage du malade, quelques gouttes d’eau froide ; ou bien on lui fait respirer du vinaigre, ou quelque eau de senteur ; il revient bientôt de cet état ; mais il ne reste pas longtemps sans faire un rechute, si on ne détruit point en lui la cause qui l’entretient & qui le produit. Dans le second degré, c’est-à-dire, dans la syncope, on emploie avec succès les vellications, les excitations ; les vapeurs du vinaigre sont meilleures que celles de remèdes plus forts, à moins que la syncope ne soit très-violente, & alors on pourroit se servir de la vapeur du sel ammoniac fait avec la chaux. On appliquera aux parties naturelles, aux bourses, à la vulve, une dissolution d’alkermès dans le vin ; l’aspersion d’eau froide, dont nous avons déjà recommandé l’emploi, seroit dangereuse dans le cas où la syncope seroit causée par l’exposition à un air froid, & à une suppression de transpiration ; mais ce secours est un véritable spécifique dans l’évanouissement qui survient dans les grandes chaleurs de l’été. Turton, Médecin de Montpellier, a guéri, en le couvrant de glace, un Officier qui étoit tombé en syncope en descendant de cheval, après avoir couru plusieurs postes, & qui resta long-temps dans un état d’inaction, pour ainsi dire sans vie.

Les remèdes chauds, volatils, huileux seroient dangereux, pour peu que la syncope fût profonde ; ils produiroient une chaleur brûlante & l’intérieur, & augmenteroient le refroidissement externe, quoiqu’ils parussent soulager pendant un instant.

Dans l’évanouissement des femmes hystériques, accompagné de convulsions, les plus sûrs remèdes sont les frictions aux extrémités, & les bains d’eau tiède continués fort long-tems ; il seroit souvent dangereux de mettre, comme on le fait ordinairement, dans le nez du coton imbibé d’esprit volatil : l’assa-fœtida & autres gommes prises intérieurement & même en lavement, sont les vrais remèdes quand les femmes sont vaporeuses.

On opposera à l’évanouissement qui a pour cause une abondance de sang, la saignée ; à celui qui dépend d’un défaut d’alimens, une bonne nourriture ; à celui qui sera causé par les vers, par l’embarras d’estomac, par les poisons, &c. les vermifuges, les purgatifs & les émétiques, le lait, l’huile & autres boissons mucilagineuses & adoucissantes.

On rétablira les cautères à ceux qui les auront fermés, on combattra la suppression des mois, par les saignées aux pieds, & celle des hémorroïdes, en appliquant des sangsues à l’anus, &c.

C’est ainsi qu’en adoptant à chaque cause, qui produit l’évanouissement, un traitement particulier ; on parviendra à guérir cette maladie, & à en prévenir les rechutes. M. AM.