Cours d’agriculture (Rozier)/ÉPINARD

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 259-261).


ÉPINARD. M. Tournefort le place dans la sixième section de la cinquième classe, qui comprend les herbes à fleurs sans pétales, sur des pieds différens que ceux des fleurs femelles ; il l’appelle spinacia vulgaris, capsula seminis aculeatâ. M. VOn Linné le nomme spinacia oleracea, & le classe dans la diœcie pentandrie.

I. Description. Fleur. Les fleurs mâles & femelles ne sont pas sur le même pied.

Les mâles sont composées de cinq étamines ; leur calice tient lieu de corolle, & est divisé en cinq découpures concaves, Oblongues &c obtuses.

Les femelles ont quatre pistils, leur calice est d’une seule pièce, divisé en quatre découpures, dont deux grandes & deux petites.

Fruit. Le calice des fleurs femelles se durcit & renferme une semence obronde : la forme du fruit varie beaucoup ; elle est quelquefois anguleuse.

Feuilles, portées par des pétioles qui partent des racines souvent entières, quelquefois découpées des deux côtes, terminées en pointes aiguës, quelquefois en fer de flèche ; la culture les fait beaucoup varier ; celles qui naissent au sommet des tiges ont seulement deux prolongemens à leur base.

Racine ; blanche, menue, fibreuse.

Port. Les tiges s’élèvent d’un à deux pieds & plus ; elles sont creuses, cylindriques, cannelées, rameuses ; les fleurs mâles sont disposées en grappes depuis le milieu jusqu’au sommet les fleurs femelles naissent des aisselles des feuilles & sont rassemblées. Les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu. On ignore son pays natal. La plante est annuelle, on la cultive dans nos potagers.

II. Des espèces. La plante à fleur mâle & la plante à fleur femelle ne constituent pas deux espèces ; c’est exactement la même. Les cultivateurs en distinguent deux espèces jardinières ; l’une vulgairement nommée de hollande, dont les feuilles ont beaucoup d’étendue, l’autre est appelée de pays ; ses feuilles sont plus petites, celle-ci résiste mieux aux intempéries de l’hiver que celle-là.

III. Culture. La terre destinée à recevoir la semence, doit être meuble & fumée.

Dans nos provinces du nord on peut semer depuis la fin de février jusqu’à la fin d’octobre, & par ce moyen, on mange des épinards pendant toute l’année. Cette ressource est interdite aux provinces du midi. On y sème dans les mois d’août, de septembre & d’octobre ; cependant, si l’année est favorable, on ne risque rien de semer à la fin de janvier, afin d’avoir une seule coupe au mois d’avril. Cette époque passée, les chaleurs hâtent l’élancement de la tige, la fleur paroît, la graine se forme, & dès que la tige monte, la feuille ne sauroit être employée dans les cuisines.

On sème ou à la volée ou par sillons ; cette dernière méthode est préférable ; elle facilite le sarclage si nécessaire aux épinards qui doivent passer l’hiver en pleine terre. On peut en outre les pioche ter ; il est essentiel, à la fin de l’hiver, de leur donner ce petit labour, & supprimer les feuilles flétries par l’hiver, ou endommagées d’une manière quelconque. Après ce petit travail, la touffe prend plus de force, & se charge de feuilles nouvelles & tendres.

Tant que la touffe n’est pas disposée à pousser sa tige, il est inutile de la couper par le pied c’est une perte réelle, puisqu’en coupant simplement les feuilles, il en repoussera d’autres. On est cependant quelquefois obligé de les couper ainsi, lorsque dans la même planche, & afin de faire profiter le terrein, on a semé ou planté d’autres herbages, dont le moment de la récolte est plus retardé que celle des épinards.

Cette plante aime beaucoup l’eau ; il faut donc ne pas l’épargner si la saison la refuse ; les feuilles en sont plus tendres & cuisent mieux.

Les tiges des fleurs mâles & des fleurs femelles offrent des caractères capables de les faire distinguer ainsi qu’il a déjà été dit. Si on arrachoit rigoureusement toutes les tiges mâles avant leur épanouissement, les fleurs femelles ne feroient pas fécondées, & leurs graines seroient privées du germe, de manière qu’en les semant ensuite elles ne lèveroient pas. Laissez donc de distance en distance des tiges mâles au milieu des tiges femelles, & soutenez-les par de petits piquets, afin que les vents ou même la pesanteur du sommet des tiges ne les fasse pas plier, couder, &c. Dès que ces tiges commencent à jaunir, c’est le cas de les couper, de les étendre sur des toiles au gros soleil qui achève la maturité de ces graines ; ces graines sont bonnes pendant trois ans. Telle est la méthode générale des jardiniers ; mais est-ce celle de la nature Les semences seroient bien mieux conditionnées, si elles avoient achevé leur maturité sur le pied même. La meilleure graine est celle que l’on cueille sur les épinards qui ont passé l’hiver, & même, dès cette époque, on ne devroit point couper les feuilles afin de ne pas diminuer la force de la plante. De cet état de vigueur dépend beaucoup le succès & la beauté des épinards qui pousseront pendant l’année suivante.

IV. Propriétés. Les feuilles sont inodores, aqueuses, d’une saveur très-légérement amère. L’herbe est émolliente, détersive, elle tient le ventre libre, nourrit peu, se digère facilement ; c’est pourquoi on l’a appelée le balai de l’estomac ; elle tempère souvent la chaleur de la poitrine, de l’estomac, des intestins & des voies urinaires. Avant de l’employer comme aliment, il est essentiel de la laisser bien égoutter après l’avoir fait cuire dans l’eau, de la presser, afin de lui faire perdre une partie de cette eau. L’épinard cuit est très-utile sous forme de cataplasme pour diminuer la dureté & la douleur des tumeurs phlegmoneuses, dont il favorise souvent la résolution. La décoction est employée dans les lavemens purgatifs des hommes & des animaux.