Cours d’économie industrielle/1837/12

Texte établi par Adolphe-Gustave Blaise, Joseph GarnierJ. Angé (1837-1838p. 234-249).


DOUZIÈME LEÇON.


Séance du 12 janvier 1838.


COMPARAISON DES BANQUES DE DÉPÔT AVEC CELLES D’ESCOMPTE OU DE CIRCULATION. — CAISSE GÉNÉRALE DU COMMERCE ET DU L’INDUSTRIE.


Sommaire : Banques de dépôts. Ancienneté des banques de dépôts ; — (Note sur le crédit en Chine et en Turquie). — Leur création est provoquée par la diversité des monnaies. — Comment cette création a eu lieu. — Services rendus par ces banques. — Profits qu’elles font. — Confiance inspirée par la banque d’Amsterdam. — Comment elle la perdit. — Note sur les banques de Venise, de Gênes, d’Amsterdam et de Hambourg.
Comparaison des banques de dépôt avec celles de circulation. — Les banques de dépôt deviennent insuffisantes ; elles sont remplacées par celles de circulation. — Garanties de ces banques. — Elles sont plus exposées au sinistres. — Le crédit ne se soutient qu’avec des capitaux circulants. — Il ne faut pas non plus que les banques de circulation poussent trop loin la prudence. — C’est ce que fait la banque de France.
Caisse générale du commerce et de l’industrie. — Ses succès en quelques mois. — Chiffres officiels du 31 décembre 1837. — Elle n’a éprouvé aucune perte sur 11500 effets. — Petits billets de crédit. — Appréciations diverses.
Conclusion.


Messieurs,


Nous examinerons ce soir avec quelques détails les banques de dépôt, et nous verrons en quoi elles diffèrent des banques de circulation. Je profiterai de cette circonstance pour ajouter quelques détails sur la caisse générale du commerce et de l’industrie qui tend à occuper parmi les instruments du crédit public, une place assez important, pour exciter tout votre intérêt.


BANQUES DE DÉPÔT.


Les banques du dépôt sont les plus anciennes, et avant d’arriver au mécanisme des banques d’escompte ou de circulation on a fait plus d’un essai. Indiquons d’abord leur position topographique ; car elles n’étaient ni possibles, ni nécessaires partout, et aussi n’est-ce que dans les grands centres d’affaires commerciales que nous les trouvons à Amsterdam, par exemple, à Gênes, à Hambourg, à Venise toutes villes qui étaient en possession d’un très grand commerce avec l’étranger, et le rendez-vous des négociants de tous les pays[1]. C’est le propre d’un pays d’affaires de voir affluer sur la place, des monnaies de toute espèce et de toute valeur. Le même fait se reproduisait à l’époque de la création des banques de dépot, et il se glissait sans cesse dans la circulation des monnaies, qui n’avaient plus cours et dont la variété jetait le trouble et l’incertitude dans l’esprit des négociants.

Une vente était-elle faite, il fallait avoir grand soin de stipuler la monnaie qui devait être donnée en paiement, et faire, pour se rendre un compte exact de l’opération des calculs fastidieux, ou courir la chance d’être payé en pièces d’un titre défavorable. Avait-on seulement un sac d’écus, il fallait des triages à n’en plus finir pour en apprécier le contenu.

Toutes ces incertitudes tous ces calculs d'alliages, tous ces détails dont les achats et les ventes se trouvaient surchargés et qui entraînaient des discussions, des erreurs et des fraudes continuelles, firent rechercher un remède à une organisation aussi vicieuse des agents de la circulation.

Ce fut dans ce but qu’on songea à adopter une monnaie légale ou pour mieux dire officielle et que l’on fut conduit à traduire la valeur de toutes les autres en cette monnaie d’adoption, qui porta bientôt le nom de monnaie de banque. On organisa dans les villes centrales des magasins, des banques dans lesquelles furent déposés les lingots et les monnaies d’or et d’argent de tous titres et de tous poids. Après avoir pesé et essayé chaque dépôt, on donnait au propriétaire un certificat constatant qu’il avait remis une somme déterminée de florins, en espèces reconnues bonnes ; et on lui ouvrait en même temps un compte au crédit duquel on portait la valeur des lingots ou des monnaies déposées. Maintenant, cet individu avait-il à payer une certaine somme à un autre négociant, il donnait à celui-ci une délégation sur la banque qui lui transférait une partie de la créance du premier dépositaire. Supposons que ce dernier avait remis à la banque pour 100,000 florins, et qu’il en avait passé 10,000 au nouveau porteur, et qu’il faisait avec neuf autres de ses créanciers la même opération ; vous voyez qu’il disparaissait complètement des registres de la banque, que les nouveaux propriétaires lui étaient substitués et de plus que les divers paiements étaient effectués sans le concours apparent des espèces et des monnaies dont le maniement avait, vous venez de le voir, tant d’inconvénients.

C’est ainsi qu’on parvint à n’avoir plus besoin d’espèces que pour faire les appoints ou solder de petites sommes sans importance. Le commerce trouva dans cette Institution d’immenses avantages consistant : dans une sécurité complète à l’égard de la valeur réelle des monnaies, les plus mauvaises devenant entre les mains de la banque un lingot sans reproche ; dans l’économie du temps perdu autrefois pour peser et éprouver les pièces et faire les paiements ; dans la suppression du transport et de la conservation d’une espèce de marchandise fort lourde, incommode ou convoitée par les voleurs.

Mais où donc était le profit de la banque ?… Chaque transfert était soumis à un droit à peine sensible pour celui qui le payait ; et comme ce transfert se répétait plusieurs centaines de fois par jour, il finissait par donner un important revenu. En outre, la banque avait eu l’heureuse idée de taxer la curiosité et la peur des créanciers, et ceux d’entr’eux qui voulaient voir ou retirer leurs dépôts payaient des droits bien plus considérables que ceux d’un simple transfert. Aussi ne faisait-on que bien rarement une demande onéreuse.

Peu à peu, la banque (je parle plus spécialement de celle d’Amsterdam) devint un magasin général pour les monnaies de toute espèce. La régularité avec laquelle elle remplissait ses fonctions et les avantages qu’elle procurait au commerce, furent si généralement sentis, que tout le monde voulut être en relation avec elle et c’est ainsi que l’agio entre les papiers de banque et les espèces était de 3 à 4 pour cent en faveur du papier ; et que le change fut long-temps favorable à la place d’Amsterdam.

Cependant que faisait la banque de dépôt ? elle créait en papier une valeur égale à celle des lingots qu’on déposait chez elle ; et les avantages qu’elle offrait se réduisaient en définitive à ceux d’une nouvelle monnaie.

Plus tard on comprit tout le parti qu’il y avait à tirer de cette confiance générale. Car, supposez, Messieurs, qu’une banque qui avait 100 millions en caisse eût émis au lieu de 100 millions de billets 150 millions ; que serait-il arrivé ?… peut-être rien ; puisque personne, au milieu de cette tranquillité générale, ne songeait à se faire rembourser. Dans cette supposition, une banque de dépôt aurait fait ce que firent plus tard les banques de circulation. Cependant elle serait sortie par le fait de ses véritables attributions et l’expérience a prouvé qu’il fallait établir entre ces deux systèmes une ligne de démarcation que les faits que je vais citer, vous mettront à même de bien définir.

Vous venez de voir quel degré de confiance les administrateurs de la banque d’Amsterdam étaient parvenus à inspirer au commerce. Cette confiance s’accrut encore lorsqu’en 1672, cinquante neuf ans après sa fondation, à la nouvelle de la marche des armées de Louis XIV, se dirigeant sur la ville, on rendit à leurs propriétaires, les fonds déposés dans les caves de la banque. Les dépôts avaient été si bien disposés, et si intégralement respectés, que lorsqu’on voulut extraire le numéraire, on trouva tous les coffres intacts, et les pièces de monnaies encore toutes noircies par un incendie qui avait eut lieu quelques années auparavant. Une fois les affaires publiques arrangées tant bien que mal, les dépôts se reformèrent ; la banque reprit ses fonctions ; et chose assez remarquable, elle eut à subir de nouveau la même épreuve, qu’elle vit d’ailleurs tourner à son désavantage. Lorsqu’en 1794, l’armée républicaine prit la ville d’Amsterdam, les dépositaires trouvèrent de moins dans les coffres dix millions six cents mille florins (20 à 25 millions de francs), que la banque avait prêtés à la ville d’Amsterdam et à la compagnie des Indes. Sans doute ces florins n’étaient pas perdus ; mais comme ces deux débitrices ne purent pas rembourser de suite, et comme la banque avait d’ailleurs violé le dépôt et ses engagements, son crédit s’évanouit et depuis lors il ne lui a plus été permis de se reconstituer[2]. Ainsi la banque aurait perdu sa réputation à l’époque de la première invasion, et elle l’aurait conservée, si à l’époque de la seconde, elle eût été banque de circulation, c’est-à-dire, si elle eut augmenté l’émission de ses billets, en exigeant toutefois en échange des valeurs solides et susceptibles de rentrer à de petits intervalles[3].
comparaison des banques de dépôts et des banques de circulation.

Malgré leurs inconvénients, les banques de dépôt ont rendu de grands services pendant plus de cent ans, mais vers la fin du dernier siècle elles étaient devenues insuffisantes ; et le besoin amena les banques de circulation, différant d’une manière générale des banques de dépôt, en ce que celles-ci n’émettent des billets qu’au prorata du numéraire qu’elles ont en caisse, tandis que les autres peuvent émettre plus de billets qu’elles ne reçoivent de dépôts, en augmentant le numéraire sans l’employer et en corrigeant les inconvénients que son emploi direct présente.

Les banques de circulation ont en réserve et comme garantie de leurs billets une certaine réserve en numéraire ou en lingots, plus en portefeuille, les effets qu’elles escomptent.

On croit, d’abord, qu’il y a dans ce système, surabondance de garantie ; puisqu’on sait qu’avec un capital de 100 millions, une banque peut émettre pour plus de 100 millions de billets. Cela est vrai quand la banque ne dépasse pas de sages limites ; mais cette faculté de battre monnaie a séduit beaucoup de gouvernements, et il en est résulté de grands inconvénients pour l’industrie et le crédit public. MM. de Sismondi et Thomas Tooke ont signalé tous les sinistres de ce genre qui ont éclaté depuis l’établissement des banques. Trois fois celle de Londres, dirigée par les hommes les plus habiles, et les plus circonspects, a été obligée de recourir à l’appui du gouvernement pour ne pas faire banqueroute ; la banque d’Écosse a manqué ; un grand nombre de banques américaines ont manqué. Or toutes ces faillites ont été le résultat d’une trop grande émission de papier ; et d’une émission sans garantie ; partout où les banques n’ont pas gardé une sage mesure, il leur a été impossible d’éviter le danger.

Le crédit est un bon instrument ; mais il ne faut pas perdre de vue qu’il doit représenter une valeur réelle. Lorsque deux hommes dépourvus de tout tirent l’un sur l’autre, il y a abus et non crédit. Il y a encore abus lorsqu’un filleul tire sur son compère. Mais il y a crédit lorsque deux négociants tirent l’un sur l’autre, et lorsque tous deux offrent des garanties. Il ne faut pas perdre de vue non plus que le crédit ne peut fonctionner, que lorsqu’il a à sa disposition, une certaine masse de capitaux circulants ; c’est là ce que n’ont pas su les fondateurs de la caisse hypothécaire, et ceux qui ont cherché à organiser, il y a deux ans des banques agricoles.

Si la prudence doit être recommandée aux banques, il ne faut pas cependant qu’elles la poussent jusqu’à la peur ; sans quoi elles manquent à leur mission et ne rendent plus les services qu’on est en droit d’en attendre. La banque de France n’a jamais pu faire prospérer ses succursales dans les départements : quelques-unes sont mortes, d’autres languissent. N’allez pas croire que le commerce ne les demande pas, ou quelles aient compromis leurs capitaux. Non, cela tient à ce qu’elle a fait des conditions inacceptables au commerce, en lui demandant du papier à trois signatures et qui ne dépasse pas 90 jours.

C’est ainsi que la banque de France n’est souvent qu’une banque de dépôt, au détriment des intérêts de ses actionnaires, dont les capitaux ne produisent point tout ce qu’on pourrait en retirer, puisqu’elle refuse de faire un grand nombre d’escomptes. Trop n’est pas toujours bien, et je suis sûr que lorsque le privilège de la banque sera expiré dans 4 ou 5 ans, il se présentera pour la remplacer des compagnies de capitalistes, qui offriront une subvention suffisante pour l’indemniser de la perte qu’il vient d’éprouver par la fermeture des maisons de jeu, et qu’elles trouveront encore moyen de donner de beaux dividendes à leurs associés.

caisse générale du commerce et de l’industrie.

Le besoin d’un établissement qui dispensât le crédit d’une manière plus large et plus hardie, sans témérité cependant, s’est fait sentir surtout pendant les dernières années durant lesquelles l’industrie et le commerce ont fait de remarquables progrès. C’est pour satisfaire le désir du commerce et de l’industrie qu’un homme qui fait depuis long-temps autorité en affaires de finances, et que le pays compte au nombre de ses plus anciens et de ses plus fidèles défenseurs, a eu l’idée heureuse et bientôt féconde de fonder une vaste maison de banque, ou si vous voulez d’escompte.

Depuis trois mois que la caisse générale du commerce et de l’industrie a commencé ses opérations, ses espérances ont été réalisées et tout fait espérer qu’elles seront bientôt dépassées. Les faits vont parler plus éloquemment que je ne pourrais le faire. Voici les chiffres officiels des opérations au 31 décembre dernier, tels qu’ils ont été reconnus et arrêtés par conseil de quinze délégués des actionnaires.

escomptes
En octobre 2,870,000
En novembre 6,510,000
En décembre 8,220,000
Ensemble 17,600,000
Plus 5,150,000 en remises des départements.
Total 22,750,000 en trois mois.
mouvements de fonds
pour l’entrée pour la sortie
Ils ont été en octobre 9,016,100 3,780,000

en novembre. 5,646,000 10,180,000
en décembre. 10,542,000 10,420,000
Totaux. 25,204,000 24,380,000
Solde en caisse. » 824,000
Balance 25,204,000 25,204,000


PORTEFEUILLE.
La caisse a escompté
En octobre. 2,200 effets ;
En novembre. 6,700 dito ;
En décembre. 10,000 dito, et plus.
Ensemble. 18,900 effets ;


BILLETS DE CRÉDIT.
Il en a été émis :
À trois jours de vue et à 3 0/0 d’intérêts, pour 1,000,000
À trois jours de vue sans intérêts pour 700,000
À plus longues échéances, pour 400,000
Ensemble. 1,800,000


Sur les 18,900 effets admis à l’escompte par la caisse, 11,500 sont arrivés à échéance et n'ont pas donné lieu à un seul protêt. Si donc la banque les avait acceptés, pensez-vous qu’elle y aurait perdu quelque chose ? Ainsi, messieurs, il reste bien démontré par l’expérience, qu’en dehors du monopole, il y a encore à faire. À quoi cela tient-il donc ? sans doute le comité d’escompte de la caisse a fait un choix intelligent ; il n’a pris que le véritable papier ; et s’il y a des personnes qui n’ont pas trouvé à écouler leurs effets, c’est que probablement elles présentaient du papier de véritable filleul à compère, ou de compère à filleul.

L’heureuse idée d’émettre des billets de crédit à trois jours de vue a été comprise par le commerce, et n’a pas tardé à porter ses fruits. Ces billets n’ont aucun des inconvénients matériels des espèces, et produisent en outre un intérêt. De quelle facilité ne vont-ils pas être pour les petits envois de fonds, pour ceux par exemple que les soldats font à leurs familles, ou mieux encore pour ceux qu’une bonne mère envoie à son fils en garnison. Il n’y a que deux mois que ces billets sont connus et vous voyez que déjà l’émission s’est élevée à 1 million 800 mille francs. Ainsi la caisse générale a trouvé le secret de faire apprécier ses billets comme ceux de la banque de France, et désormais toutes les maisons pourront imiter la banque Laffitte ; et personne ne songera plus à voiturer des écus, ce qui est absurde pour un pays civilisé.

Cette concurrence intelligente et redoutable a fait capituler la banque de France. Elle se montre plus gracieuse, et la voilà qui donne des billets sur la province et qui agrandit le cercle de ses escomptes.

Près de deux millions de francs sont donc entrés dans la circulation depuis quelques mois. Il y en aura 14 ou 15 millions dans un an ; et ce n’est pas trop dire, puisque la caisse a 15 millions plus une réserve de 45 millions de francs, garantie par les actionnaires.

Ce ne sont pas seulement les escomptes qui marchent, mais les avances sur consignations qui tendent à mobiliser les marchandises ; les avances sur les valeurs à échéance fixes, tels que inscriptions de rentes, pensions, intérêts d’actions dans les entreprises publiques, les canaux, etc.

Des comptes courants y ont déjà été ouverts au nombre de plus de 1,000 ; et pour apprécier l’importance de ce chiffre, il suffit de savoir que la banque de France n’en a que 2,000 ou 2,500.

Tous ces détails vous prouveront que dans un court espace de temps, et sans dépasser les limites de la prudence, on peut augmenter sa fortune en travaillant à accroître la prospérité publique : c’est ce qui m’a engagé à sortir de mes habitudes de réserve, pour vous entretenir d’une entreprise particulière. Il m’a semblé que l’avenir du crédit en France et les intérêts généraux dépendaient trop d’elle, et étaient trop liés aux siens, pour que je pusse me dispenser de vous en parler, surtout lorsque je passais en revue tout ce qui se rapporte aux moyens employés pour multiplier les capitaux, et seconder les travaux du commerce et de l’industrie. Son exemple est d’ailleurs, je le répète, trop bon à suivre pour que je ne lui donne pas toute la publicité possible, afin d’engager nos départements à l’imiter ; et pour que le petit commerce cherche à sortir des griffes de l’usure. Il y a encore beaucoup de places pour plusieurs autres banques de la même nature à Bordeaux, à Marseille, à Nantes, etc., qui en ce moment ne peuvent point donner un essor convenable à leurs affaires.

conclusion.

Je finirai cette leçon par quelques considérations générales, qui seront comme le résumé de ce que j’ai eu l’honneur de vous dire.

La monnaie métallique est une marchandise comme tout autre, qui a l’avantage d’être très divisible, inaltérable à l’air, à l’humidité et au feu. Sauf les usages domestiques ou d’art, l’or et l’argent valent moins que le fer et la houille. Toutefois, si on peut les suppléer par du papier, il est impossible de s’en passer pour les appoints.

La monnaie de papier ne doit point être employée pour de trop petites sommes, et la division ne peut pas dépasser sans inconvénient un certain niveau. Bien qu’il n’y ait rien d’absolu dans cette question, on peut aujourd’hui admettre des billets de 100 francs ; mais je crois qu’il y aurait du danger à descendre plus bas, surtout s’ils arrivaient à représenter le salaire des ouvriers. La monnaie de papier est destinée à servir et à faciliter le commerce ; elle doit donc rester dans les mains des hommes d’affaires, et ne jamais intervenir dans les rapports du marchand avec le consommateur. Cependant il faut avouer que cette règle n’est plus aussi générale ; le nombre des petits particuliers est très considérable, et on a été conduit, dans l’intérêt des petits effets ou broches, à frapper des timbres spéciaux et d’un prix moindre (25 centimes au lieu de 50 centimes que payaient les effets de 500 francs et 1000 francs.) Mais je le répète, dans l’état actuel des besoins de la circulation, il ne faut guères dépasser la limite posée par la banque de Londres et qui est de 5 livres sterling ou 125 francs.

Il faut reconnaitre encore que le crédit ne peut s’appliquer qu’à des opérations réelles, dont les valeurs sont promptement realisables et que dans l’état actuel il est difficile de le faire servir à l’agriculture et aux grandes entreprises de travaux publics.

Les banques de dépôt ont fait leur temps. Les banques de circulation ou d’escompte, doivent entrer dans le domaine public et cesser d’être officielles ou de monopole, en évitant les abus d’émission qui ont causé tant de désastres dans d’autres pays.

Ces émissions doivent être réglées par la confiance publique et dans tous les cas, ne jamais dépasser le triple du fonds social.

Jph. G.

  1. La création des banques est de beaucoup postérieure à l’invention du papier-monnaie, qui a dû contribuer à en faire naître la première idée. M. Storch (économ. polit. IV.) dit que la papier-monnaie a été introduit en Chine vers la fin du treizième siècle, et qu’un voyageur russe lui a rapporté un assignat de ce pays. Il ajoute qu’en Turquie les collecteurs de certaines impositions délivrent des quittances aux contribuables qui les ont acquittés, et que ces papiers ont cours comme numéraire.
    (Note du R.)
  2. L’argent de Banque qui avait porté on agio de 5%, perdit aussitôt plus de 15% sur la monnaie courante. (Note de R.)
  3. notes sur les banques de dépôt.

    La première banque qui ait existé est celle de Venise ou de St.-Marc. Elle fut fondée en 1171 par le gouvernement pour subvenir aux frais des guerres d’Orient, au moyen d’un emprunt forcé, sur les plus opulents auxquels on garantit une rente perpétuelle de 4%. Les prêteurs créèrent une chambre chargée de recevoir et de distribuer les intérêts et qui forma par la suite la banque de Venise. Elle a cessé d’exister depuis 1797 époque de l’invasion des Français. En 1423 ses revenus s’élevaient a prés de 5 millions de francs. Elle exportait la plus grande partie de son numéraire.

    La Banque de Gènes date de 1407 ; elle fut établie sur le plan de celle de Venise, par suite des guerres qui forcèrent cette république à recourir à des emprunts à rente constituée. Le paiement de ces rentes fut assigné sur des propriétés domaniales, qui furent administrées par huit prêteurs choisis, dont la réunion a donné naissance à la Banque de St.-Georges. Plus tard le conseil de régence se composa de 100 actionnaires. La nature de cette banque ne lui a pas permis de rendre des services bien signalés au commerce ; mais le gouvernement de la république s’en servit pour régulariser ses finances.

    La Banque d’Amsterdam est la plus renommée de toutes ces banques. Sa fondation remonte a l’année 1609. Elle était obligée d’avoir toujours en numéraire une somme égale au montant des billets qu’elle donnait aux dépositaires. Contrairement à la banque de Gènes, elle fut surtout instituée dans l’intérêt spécial du commerce. Cette banque de dépôt ne doit point être confondue avec la banque des Pays Bas, fondée en 1814 sur les mêmes bases que celle d’Angleterre, avec un capital de 5 millions de florins, doublé en 1819, et, avec la permission d’émettre des billets au porteur pendant 25 ans.
      La Banque de Hambourg fut fondée en 1619 sur le plan de celle d’Amsterdam. La ville est responsable des dépôts confiés à la banque et la plus grande publicité préside à ses opérations. En 1813, le maréchal Davout, chargé de la défense de la ville assiégée, s’empare des fonds de la banque qui s’élevaient à la somme de 7,489,343 marcs banco ; (14 millions environ) ; mais la France a remboursé cette somme à l’occasion de la liquidation des créances étrangères.
      La Banque d’Angleterre est à la fois une banque de dépôt, d’escompte et de circulation. Voyez pour cette banque et les autres banques d’Angleterre, les banques d’Irlande, d’Écosse, des États-Unis et de France, la troisième et quatrième leçon du cours de 1836-1837. (Note du R.)