Coups de clairon/Corbeaux (Les)
LES CORBEAUX
Les corbeaux par mille et par mille
S’en viennent avec le couchant…
Et je les regarde, immobile,
Dévorer le blé de mon champ ;
De leurs croassements terribles
troublent la paix des coteaux :
Hoé ! Ho !
Allez-vous en, bêtes horribles,
Allez-vous en, maudits corbeaux !
Il en a coûté de la peine
Au charuyeux, puis au semeur,
Pour jeter aux sillons la graine
Dont vous mangez tout le meilleur !
Eh ! las ! dans les champs où vous êtes
Monteront-ils, nos blés nouveaux ?
Hoé ! Ho !
Allez-vous en, maudites bêtes,
Allez-vous en, maudits corbeaux
Que voulez-vous que l’on y fasse
Si votre ventre est toujours creux ?
Si nous étions seuls, encor, passe :
On pourrait être partageux…
Mais nous faut du pain pour nos femmes,
Pour nos vieux et pour nos petiots…
Hoé ! Ho !
Allez-vous en, bêtes infâmes,
Allez-vous en, maudits corbeaux !
Allons, taisez vos cris sinistres
Car voici vos termes échus :
Leveurs d’impôts, mauvais ministres,
Corbeaux aux becs et doigts crochus !
De tomber sur vous il nous tarde,
Gare aux triques ! gare aux sabots :
Hoé ! Ho !
Le Semeur est las ! prenez garde !
Prenez garde à vous, les corbeaux !!!