Coups d’ailes/Le vieux banc

Bibliothèque de l’Action française (p. 45-46).

Le vieux banc


C’était un vieux banc tout cassé par l’âge,
Posé par hasard au bord du chemin ;
Un de ces vieux bancs qu’a noirci l’usage,
Où le passé chante un très doux refrain.

Nul ne connaissait sa première histoire.
Oh ! s’il avait pu nous parler à nous,
Et scruter sans bruit sa vieille mémoire
Où dormaient son rêve et ses espoirs fous


Il était couvert de nos écritures
Et chacun pouvait, en cherchant un peu,
Y lire son nom parmi les ratures :
Derrière le nom se lisait l’aveu.

Car notre vieux banc servait de refuge
À ceux qui voulaient se parler d’amour.
Et j’en sais plus d’un qui le prit pour juge
Des serments et des promesses d’un jour.

Hélas ! comme ceux qui n’ont plus de maître,
Par un jour d’hiver il s’en est allé
Un ange du ciel l’avait pris peut-être,
Et peut-être aussi l’avait-on brûlé ?

Je n’ai plus revu cet ami d’enfance.
Mais je songe encore au vieux banc de bois
Dont le souvenir, comme une romance,
Joyeux vient bercer mon âme parfois.