Coups d’ailes/En relisant l’histoire

Bibliothèque de l’Action française (p. 129-132).

En relisant l’histoire


J’ai relu, ce matin, une page d’histoire,
— La plus belle qui se soit écrite chez nous —
Et près du livre ouvert tout parfumé de gloire,
Comme au pied d’un autel, je me mis à genoux.

J’étais triste, isolé, tout près de cette page
Où se lisait le nom d’un martyr d’autrefois,
D’un vaillant qui jadis mourut en son jeune âge,
Pour défendre son nom, son épée et sa croix !


Le passé n’avait plus, à cette heure, de voiles :
Je voyais le Long-Sault, je voyais le fortin,
Et sous le ciel immense où veillaient les étoiles,
Le corps ensanglanté du jeune paladin.

Et je le vis monter, Là-Haut, avec les braves
Qui tous avaient juré de « tenir » près de lui.
Les anges leur jouaient des musiques suaves ;
Loin du fort renversé, le barbare avait fui.

Lorsque j’eus achevé la douce rêverie,
Je baisai cette page où la postérité
Avait, en lettres d’or, gravé le mot : Patrie !
Et refermai le livre avec plus de fierté.

Les mots s’étaient changés en rayons d’espérance ;
Je suivais le chemin qu’un autre avait tracé,
Et je reprenais foi, reprenant ma vaillance
Au sublime contact d’un héros du passé.

Une voix m’a parlé, semblable à ma jeunesse,
Et m’a jeté de loin ce cri fier et perçant :
« Jusqu’au bout dans la lutte, et jamais de faiblesse ! »
Puis la voix s’est perdue en un long flot de sang…

Oh ! non je n’étais pas isolé dans la masse.
J’avais derrière moi le plus beau souvenir.
Pour m’aider au combat j’avais toute ma race,
Et pour vaincre demain j’avais tout l’avenir !