Costal l’Indien (Gabriel Ferry)/I/VIII

Costal l’Indien ou le Dragon de la reine
Librairie Hachette et Cie (p. 128-138).

CHAPITRE VIII

FAIS CE QUE DOIS, ADVIENNE QUE POURRA.


Don Mariano, l’officier des dragons de la reine et les deux sœurs se précipitèrent hors du salon, poussés par un noir pressentiment.

De la cour de l’hacienda, où se groupaient déjà les gens de la maison, la vue arrivait sans obstacle au sommet des collines, et un douloureux spectacle frappa les yeux de tous.

À l’extrémité supérieure du sentier qui conduisait de l’hacienda de las Palmas à celle del Valle, un cheval et son cavalier, tous deux en apparence mortellement blessés, étaient étendus à côté l’un de l’autre, l’homme cherchant à se relever sans pouvoir y parvenir, le cheval dans l’immobilité la plus complète.

« Vite ! s’écria don Mariano, qu’on aille chercher ce malheureux dans une litière, pour l’amener ici.

— Je voudrais être, dupe de mes yeux, dit l’officier, dont le visage pâle dénotait une profonde inquiétude, et ne pas croire que ce pauvre homme est le vieux Rodriguez, le plus ancien des serviteurs de mon père. »

La tête du blessé était couverte, en effet, de cheveux gris.

« Ce nom d’Antonio Valdès, continua don Rafael, me rappelle je ne sais quelle histoire, vieille déjà, d’une punition infligée à cet homme, et un affreux pressentiment naît pour moi de ce souvenir confus. On se rappelle tant de choses en guerre civile ! Ah ! seigneur don Mariano, ajouta-t-il en lui tendant la main, faudrait-il que tant de bonheur… »

Rafael n’osa pas achever ; puis, dévoré par cette impatience qui fait toujours courir au-devant du malheur, l’officier, sans pouvoir se maîtriser, s’élança vers la poterne qui s’ouvrait sur le chemin des montagnes, et précéda sur le sentier les gens de l’hacienda, qui s’étaient mis en route avec une litière.

Depuis quelques instants déjà, don Rafael ne doutait plus que ce ne fût l’homme qu’il appelait Rodriguez, et, quand il arriva près du blessé, il en acquit la certitude ; mais, quoique son cœur bondît d’impatience, il lui fallut bien réprimer un moment son ardente curiosité.

Épuisé par la perte de son sang et par les efforts qu’il avait faits pour se relever, le vieux Rodriguez venait de perdre momentanément connaissance.

« Attendez, dit l’officier aux hommes qui s’apprêtaient à le placer dans la litière, ce pauvre diable ne pourrait supporter la fatigue de la route ; tout son sang s’écoule par cette blessure. »

Couché sur le côté, l’homme laissait voir, dans la veste qui le couvrait, une déchirure souillée de sang, ouverte par une balle entre les deux épaules.

Don Rafael avait gagné ses deux éperons dans les guerres sanglantes avec les Indiens sauvages du nord et de l’ouest. Il avait vu la mort du soldat sous toutes ses faces et les blessures les plus hideuses. Son expérience le mit à même de prodiguer les premiers soins au moribond.

Il tamponna fortement, avec son mouchoir, l’orifice de la blessure, et le sang cessa de couler, quand elle fut bandée à l’aide de sa ceinture de crêpe de Chine ; mais il est presque évident que, malgré ses soins, si le blessé recouvrait un instant de connaissance, son sort n’en était pas moins fatalement décidé. C’est pourquoi, avant de risquer le trajet jusqu’à l’hacienda, pendant lequel le mourant pouvait expirer, don Rafael voulait essayer de le ranimer.

Cet homme portait un message sans doute, et, quel qu’il fût, il était de la dernière importance que l’officier en eût connaissance.

Un assez long espace de temps s’écoula sans que le malheureux rouvrît les yeux. Enfin, un des gens de l’hacienda, qui se trouva muni d’une gourde remplie d’eau-de-vie de canne, lui en frotta légèrement les tempes et lui en introduisit quelques gouttes dans la bouche. Le mourant reprit alors connaissance pour quelques instants.

Rodriguez ouvrit les yeux, qu’il referma tout aussitôt, les ouvrit de nouveau, et son premier regard tomba sur son jeune maître.

« Rodriguez, dit l’officier à son oreille, parlez, si vous en avez la force. Qu’y a-t-il ?

— Béni soit Dieu qui vous envoie sur ma route ! répondit le blessé quand il fut bien sûr qu’il parlait au fils de don Luis Tres-Villas ; l’hacienda del Valle…

— Est-brûlée ? »

Le blessé fit un signe négatif.

« Elle est assiégée ?

— Oui, dit Rodriguez.

— Et mon père ? demanda l’officier avec un affreux serrement de cœur.

— Il vit. C’est lui… qui m’envoyait là… chez don Mariano… demander du secours… quand, poursuivi moi-même par les… insurgés… une balle… Courez… s’il arrive un malheur… c’est Antonio Valdès… Entendez-vous ? Antonio Valdès, qui se venge !… Adieu !… vous demanderez des prières pour le pauvre vieux Rodriguez, qui vous a vu… tout enfant… »

Le vieux messager se tut et retomba évanoui pour ne plus reprendre connaissance. On ne retira de la litière, en arrivant à l’hacienda, qu’un cadavre déjà presque froid.

« Ah ! si Costal était là ! s’écria don Mariano, quand don Rafael, tout en donnant l’ordre qu’on sellât promptement son cheval, lui eut communiqué le triste message. Mais, ce matin, il est venu avec Clara, un nègre que je ne regrette guère, prendre congé de moi, en se démettant de ses fonctions de tigrero, et m’annoncer qu’ils partaient tous deux pour aller offrir leurs services à Hidalgo, en qualité de batteurs d’estrade. Holà, continua l’hacendero, qu’on mande le mayordomo. »

Le majordome arriva peu d’instants après.

On se tromperait étrangement en supposant à ce mayordomo une cravate blanche, une perruque poudrée et une baguette à la main. L’homme chargé de la surveillance générale d’une hacienda, qui quelquefois a autant d’étendue qu’un de nos départements, doit être un cavalier infatigable, toujours en selle ou prêt à y sauter.

Le mayordomo descendait de cheval à l’instant où don Mariano le fit mander. C’était un grand gaillard, à la figure bronzée, botté et éperonné, et forcé, par l’énorme largeur des mollettes de ses éperons, de marcher sur l’extrême pointe du pied. Sa chevelure en désordre descendait en longues mèches noires sur son cou, pareille à la crinière des chevaux à moitié sauvages, sur lesquels il montait tout le jour.

« Donnez l’ordre à deux de mes vaqueros, Bocardo et Arroyo, de seller tout de suite leurs chevaux pour accompagner le seigneur don Rafael.

— Il y a huit jours que je n’ai vu ni Arroyo ni Bocardo, reprit le majordome.

— Vous leur infligerez quatre heures de cepo[1] à chacun, à leur retour.

— Je doute qu’ils reviennent, seigneur don Mariano,

— Ont-ils donc été joindre Valdès ?

— Je soupçonne, reprit le majordome, que ces deux garnements, que vous ne devez pas regretter, ont été faire pour leur compte la guerilla, ou plutôt la maraude, et qu’ils ne reviendront jamais. Quant à Sanchez, Votre Seigneurie sait qu’il est au lit, encore à moitié brisé par le poids du cheval sauvage qui s’est renversé sur lui, la première fois qu’il l’a monté.

— De façon, dit l’hacendero de mauvaise humeur, que, sur six serviteurs que j’avais hier, je ne puis mettre à votre disposition que le majordome ; car je ne parle pas de ces brutes de peons indiens.

— Qu’il reste, dit l’officier. Aussi bien, j’aime mieux courir seul au secours de mon père. Il doit y avoir assez de combattants ; mais peut-être leur manque-t-il un chef. »

Le majordome fut congédié sur cette réponse.

Pendant qu’on sellait en toute hâte le cheval bai-brun du capitaine des dragons de la reine, les deux sœurs, Gertrudis et Marianita, s’étaient retirées dans la chambre où nous les avons trouvées pour la première fois.

Frappée du rapport qu’elle crut apercevoir entre le malheur qu’on venait d’annoncer à don Rafael et la transaction de conscience qu’elle avait faite pour lui plaire en reculant le moment de livrer sa chevelure au tranchant du ciseau, la jeune créole venait d’accomplir elle-même ce pieux et douloureux sacrifice.

La tête couverte de son écharpe de soie, son doux et pâle visage se montrait encore surmonté de l’arc des deux noirs bandeaux qui lui restaient seuls de sa splendide chevelure. Elle consolait Marianita, dont les yeux étaient baignés de larmes, tandis que les siens brillaient d’une mélancolique satisfaction.

« Ne pleure pas, ma pauvre Marianita ; disait-elle ; si je n’avais eu la coupable faiblesse de consentir à différer l’accomplissement de mon vœu, peut-être ce malheur ne lui serait-il pas arrivé. À présent, je suis tranquille sur son sort. Quelque danger qu’il puisse courir, Dieu me rendra mon Rafael sain et sauf. Va lui annoncer que je l’attends ici pour lui dire adieu ; amène-le-moi, puis reste avec nous. Tu resteras avec nous, entends-tu ? car je me défie de ma faiblesse… je ne le laisserais plus partir ! Va, essuie tes yeux, continua-t-elle en l’embrassant, et reviens vite. »

Marianita essaya de sourire en rendant à sa sœur caresse pour caresse ; elle passa son mouchoir sur ses yeux humides, et sortit.

Gertrudis, restée seule, jeta un regard douloureux sur les deux longues tresses déposées sur la table, qui ne devaient plus enlacer de leurs noirs anneaux le cou de son amant ; elles l’avaient étreint une fois du moins ; les lèvres de don Rafael les avaient caressées, et, à ce souvenir peut-être, Gertrudis baisa tendrement ces deux reliques d’amour ; puis elle s’agenouilla pour retrouver dans la prière ses forces prêtes à défaillir.

La jeune fille priait encore, lorsque, précédé de Marianita, don Rafael entra dans le sanctuaire des deux jeunes sœurs, où, à l’exception de leur père, aucun homme n’avait encore pénétré.

Un rapide coup d’œil indiqua à don Rafael que le douloureux sacrifice était accompli. Le dragon était si pâle, qu’il ne pouvait plus pâlir.

Gertrudis se releva, s’assit sur un des fauteuils ; Marianita prit place sur un autre dans un coin de la chambre don Rafael restait seul debout.

« Venez ici, près de moi, don Rafael, dit Gertrudis ; mettez-vous à genoux devant moi… Non… sur un seul… On ne se met à deux genoux que devant Dieu. Bien, ainsi… vos mains dans mes mains… vos yeux dans mes yeux ! »

Don Rafael obéissait passivement à ces douces injonctions. Qu’eût-il demandé de plus que de s’incliner devant celle qu’il aimait ; de presser ses mains délicates et blanches dans ses mains nerveuses ; de boire à longs traits l’amour dans les yeux humides de la jeune fille ?

« Vous rappelez-vous ce que vous me disiez tout à l’heure, Rafael ? « Oh ! Gertrudis, il n’est pas d’amour qui payerait un tel sacrifice, et, quelque belle qu’elle fût, cette jeune fille est aujourd’hui plus belle qu’un archange aux yeux de son amant. » Pensez-vous toujours… ? Bien, dit-elle avec un adorable sourire et en mettant la main sur les lèvres de don Rafael. Chut ! laissez-moi continuer. Vos yeux… que vous avez de beaux yeux ! mon Rafael… me disent assez que vous le pensez toujours, sans que votre bouche me l’affirme. »

Ces. naïfs et tendres hommages rendus à la beauté d’un amant paraîtront sans doute bien osés aux femmes qui tiennent à faire croire qu’elles ne s’éprennent que des charmes de l’esprit ou des qualités du cœur. Nous ne discuterons pas ce point. En narrateur fidèle, nous devons dépeindre, dans toute son exaltation, l’amour d’une jeune créole avec ses ardeurs ingénues et ses flammes allumées au soleil des tropiques.

Ainsi rassurée sur la crainte de paraître moins belle aux yeux de celui qu’elle aimait, la jeune fille continua :

« Ne me dites pas que vous m’aimez davantage, Rafael ; il m’est trop doux de croire que votre amour ne saurait augmenter… Cependant… ici la voix de Gertrudis trembla, ses yeux se mouillèrent… Cependant nous allons nous séparer… Je ne sais… quand on aime, on craint toujours… Emportez une de ces tresses, que j’aurais eu tant de bonheur à parer de fleurs pour vous ! elle vous rappellera… quoi qu’il arrive que vous ne devez jamais cesser d’aimer une pauvre fille dont la tendresse n’a pu rien trouver de plus précieux à offrir à Dieu en échange de votre vie… Je vous ai dit pourquoi je n’ai pas offert la mienne. Je garde l’autre tresse comme un talisman… Oh ! c’est affreux ce que je vais vous dire !… Si un jour vous cessiez de m’aimer… si je le savais à n’en pas douter, jurez-moi sur votre honneur que, en quelque endroit que vous soyez, en quelque position que vous vous trouviez, si je voulais vous voir une fois encore, vous obéirez au message mystérieux que vous portera cette tresse, quand je vous la ferai parvenir. Ce message voudra dire : « La femme qui vous envoie ce gage n’ignore pas que vous ne partagez plus son amour ; mais, elle n’a pu, malgré tous ses efforts, chasser le sien de son cœur, et elle désire vous voir encore une fois à ses genoux comme aujourd’hui. »

— Je le jure s’écria don Rafael, et, dussé-je avoir le poignard levé sur mon plus mortel ennemi, ma main restera suspendue sans frapper, pour suivre votre messager.

— Votre serment est enregistré dans le ciel ! s’écria Gertrudis. Maintenant, le temps presse. Emportez aussi cette écharpe de soleil, que j’ai brodée pour vous. Chaque brin de soie qui en compose la broderie vous rappellera une pensée, une prière ou un soupir dont vous avez été l’objet. Adieu, mon Rafael bien-aimé ; partez, les heures de votre père sont peut-être comptées ! Qu’est-ce qu’une amante auprès de son père ?

— Oui, c’est vrai, je dois partir, » répliqua l’officier.

Et cependant il restait toujours aux genoux de Gertrudis. Le temps s’écoulait, et, comme dans l’Océan la vague succède éternellement à la vague, ainsi les adieux suivaient les adieux, et don Rafael ne partait pas.

« Mais dis-lui donc qu’il s’en aille, Marianita ! s’écria Gertrudis d’une voix languissante ; ne vois-tu pas que je n’ai plus la force de le lui dire ? »

Don Rafael se leva enfin après un dernier adieu.

« Que vos lèvres pressent les lèvres de vôtre fiancée, dit la jeune fille en inclinant la tête vers don Rafael, et que ce soit le gage… »

Sous l’ardente pression des lèvres du jeune officier, sa voix mourut, et, à bout de forces, elle laissa retomber sa tête en arrière sur le dossier de son siège, prête à défaillir à la fois de douleur et de bonheur.

Quand elle revint à elle, don Rafael était parti.

Le dernier rayon du soleil dorait la cime des collines, lorsqu’il les franchit. Pour réparer le temps perdu, il poussa impétueusement son cheval, qui en descendit le versant opposé presque au galop, avec ce hennissement rauque devenu particulier chez lui, depuis l’opération que le muletier lui avait fait subir.

Arrivé au niveau de la plaine, don Rafael prêta l’oreille. Il espérait entendre les cris des combattants, le tumulte d’un siège ; mais le plus profond, le plus morne silence régnait dans la vallée.

Le front sombre et le cœur palpitant, l’officier continua sa course, son mousqueton à la main. Toujours même silence : pas un cri dans la solitude, pas la lueur d’un fusil dans l’ombre crépusculaire.

Tout semblait dormir du sommeil de la mort.

Don Rafael n’était jamais venu au manoir paternel. Il espéra un instant s’être trompé de route, bien que l’aspect des lieux fût tel qu’on le lui avait décrit : une allée bordée de frênes et de suchilès, puis l’hacienda del Valle à l’extrémité.

Son cheval franchit comme un trait toute la longueur de l’avenue.

Un vaste bâtiment s’élevait devant lui, désert et silencieux comme un tombeau ; la porte était moitié close.

Tout à coup le cheval fit un écart violent. Dans l’obscurité, ou plutôt dans le trouble de ses idées, don Rafael, n’avait pas vu l’objet dont s’effrayait l’animal : c’était un cadavre.

La tête manquait à son corps inanimé.

À cet horrible spectacle, l’officier poussa un cri auquel l’écho seul répondit. Il arrivait trop tard ; tout était consommé. La rage, le désespoir, toutes les passions furieuses qui déchirent le cœur de l’homme avaient passé dans ce cri terrible.

La tête du cadavre était suspendue par les cheveux à l’un des ventaux entr’ouverts de la porte, et ses traits n’étaient pas si défigurés que don Rafael ne pût reconnaître ceux de son père : il força son cheval d’approcher malgré sa répugnance.

Les veines du front gonflées, les yeux ternes, il regarda de nouveau.

C’était bien l’affreuse vérité. L’Espagnol, avait été victime des insurgés, qui n’avaient pas eu de respect pour son inoffensive vieillesse. Les auteurs mêmes du crime s’en vantaient. Au-dessous étaient écrits deux noms à la craie :

Arroyo, Antonio Valdès, lut l’officier d’une voix rauque.

Et sa tête tomba pensivement sur sa poitrine pendant un instant ; puis, en réponse à sa pensée secrète, il reprit tout haut, d’une voix qu’étranglait de poignantes émotions :

« Mais où les trouver, comment les avoir, ces deux têtes qu’il me faut clouer à la place de celle-ci ?

— En prenant fait et cause pour l’Espagne, répondit cette seconde voix intérieure que l’homme entend si souvent dialoguer avec la première.

— Vive donc l’Espagne ! s’écria le dragon d’une voix retentissante. Un fils pourrait-il combattre sous la même bannière que les assassins de son père ? »

Le dragon descendit de cheval, et s’agenouillant pieusement :

« Tête vénérable et chère, dit-il, je jure sur vos cheveux blancs, souillés de sang, de faire tous mes efforts pour étouffer au berceau, à l’aide du fer et de la flamme, cette insurrection maudite, dont un des premiers actes vous a coûté la vie. Dieu me soit en aide ! »

Puis, à la voix intérieure de l’amour qui lui répétait tout bas ces paroles de sa belle maîtresse :

« Que tous ceux qui lèveront le bras en faveur de l’Espagne soient notés de honte et d’infamie ; qu’ils ne trouvent ni un toit qui les accueille ni une femme qui leur sourie ! Que le mépris de celles qu’ils aiment soit le partage des traîtres à leur pays ! »

Une autre voix, celle du devoir, répondit :

« Fais ce que dois, advienne que pourra ! »

Près du cadavre mutilé de son père, le fils n’écouta que la dernière.........................

La lune était levée depuis longtemps lorsque don Rafael acheva la pénible tâche de creuser une fosse. Il y étendit respectueusement le corps et la tête rapprochés l’un de l’autre.

Ensuite, tirant de son sein la longue tresse des cheveux de Gertrudis, et enlevant de ses épaules l’écharpe blanche brodée par ses mains, il déposa non moins pieusement ces deux gages d’amour à côté des restes vénérés de son père.

Alors, de ses mains convulsives, il rejeta sur la fosse la terre amoncelée autour de lui. Il venait d’ensevelir dans la même tombe ses plus chères espérances.

Ce ne fut pas sans peine qu’il s’arracha de ce lieu doublement consacré par la piété filiale et par l’amour. Enfin, se jetant brusquement en selle, le cœur brisé par la douleur, il s’élança au galop dans la direction d’Oajaca.


  1. Cep.