Correspondances et nouvelles 2e trim. 1830/02

Anonyme
Correspondances et nouvelles 2e trim. 1830

PARIS.Nouveaux séminaristes Chinois. — Deux nouveaux jeunes Chinois sont attendus incessamment à la maison de Saint-Lazare, où ils viennent se joindre à leurs quatre compatriotes arrivés l’année dernière pour faire leurs études ecclésiastiques. Ils devaient partir avec M. l’abbé Baroudel, procureur-général des missions françaises à Macao, arrivé dernièrement aux missions étrangères. Les jeunes Chinois sont envoyés en France par M. Lamiot, lazariste, ancien missionnaire à Pékin, résidant actuellement à Macao, où il a formé une école de Chinois qu’il élève pour l’état ecclésiastique. Ce prêtre français réside après plus de quarante ans en Chine, et est très-versé dans les langues chinoise et tartare. Il s’est retiré à Macao, après que l’empereur de la Chine eut banni de Pékin les missionnaires qui y étaient établis depuis plus de cent ans.

N. B. Ces nouvelles concordent tout-à-fait avec celles que nous avions reçues par une autre voie. Au moment du départ des quatre jeunes Chinois qui sont arrivés à Paris l’année dernière, il y avait encore à Macao, dans le séminaire que dirige le P. Lamiot, onze de leurs compatriotes qui commençaient à apprendre le latin et se destinaient à la prêtrise. On annonçait que quelques-uns d’entre eux devaient suivre les premiers en Europe.

Le vénérable P. Lamiot, qui montre à la fois tant de zèle et de charité, réside à Macao depuis trente-six ans, et il y en a plus de vingt-cinq qu’il est supérieur du séminaire. Il est né à Calais ; le curé actuel de cette ville est son parent et son ami de collége. On n’apprendra pas sans un touchant intérêt que, lorsque les quatre séminaristes lui eurent témoigné le désir de venir en Europe, le bon prêtre les fit embarquer sans autre passeport qu’une lettre de lui pour le curé, son vieil ami. C’est avec cette simple recommandation que quatre pauvres jeunes gens abandonnèrent leur patrie pour aller chercher des terres lointaines et des peuples qui leur étaient inconnus. Ils quittèrent Macao le 26 novembre 1828. Arrivés à Londres, après une heureuse traversée, le 12 avril 1829, ils touchèrent enfin, dans les premiers jours de mai, les rivages hospitaliers de la France.

P. M… directeur.

LE HAVRE.Pêche de la baleine. — Il fut un temps où la marine française se livrait presque seule à la pêche de la baleine ; alors tous les autres gouvernemens étaient tributaires de notre commerce. Neuf ou dix mille marins, aux quatorzième et quinzième siècles, sortaient chaque année de nos ports et y ramenaient de riches chargemens. Aujourd’hui nous employons à peine quelques navires à l’exploitation de cette branche importante de l’industrie maritime ; encore un armateur étranger en possède-t-il le plus grand nombre.

La pêche de la baleine se trouve maintenant tout entière dans les mains de notre éternelle rivale, l’Angleterre. En quatorze ans, cette puissance a expédié 1,864 navires ; ils ont rapporté 178,503 tonneaux d’huile qui s’est vendue, terme moyen, 30 liv. sterl. par tonneau. Les valeurs créées chaque année par la pêche anglaise s’élèvent à plus de 30,000,000 de francs. La marine royale compte 32,000 marins ; la pêche de la baleine en entretient constamment plus de 7,000, tous endurcis aux plus rudes travaux, tous propres à monter immédiatement sur un vaisseau de l’état, etc. De là, par conséquent, ces efforts nombreux, de là cette active sollicitude que l’on remarque dans la législation de l’Angleterre pour conserver une supériorité qui lui a coûté deux siècles à acquérir.

Reconnaissons cependant que nos armateurs commencent à diriger de nouveau leurs regards vers les pêches lointaines. Le gouvernement fait lui-même de nombreux sacrifices pour les encourager. Déjà plusieurs équipages entièrement composés de matelots français ont pu affronter les dangers d’une navigation toujours orageuse, et les dernières ordonnances, en augmentant les primes, n’ont eu d’autre but que de nous affranchir de toute association étrangère.

Les dépenses sont moins considérables qu’on pourrait se l’imaginer. On organise en ce moment au Havre une opération où la totalité des dépenses n’est évaluée, pour un navire de 400 tonneaux qu’à 200,000 fr. ; et il faut considérer que cette somme est exagérée, parce que les directeurs de l’entreprise ont sagement pensé qu’il valait mieux prendre un chiffre plus élevé, afin d’éviter aux actionnaires un nouvel appel de fonds, quels que fussent les frais imprévus.

Armement d’un navire de 400 tonneaux pour la pêche de la baleine aux côtes de Patagonie.
fr.
Achat d’un navire neuf 
110,000
Installation baleinière 
10,000
Six pirogues 
2,558
Lignes de pêche 
4,000
Harpons, lances, pelles, chaudières 
4,000

Outils du tonnelier et du charpentier 
600
Avirons, manches de harpons 
600
Planches, clous, feuillards, rivets, robinets 
2,000
48,000 veltes de fûts neufs, à 60 c. la velte 
28,800
Vivres pour un an, pour trente-deux hommes d’équipage, à 1 fr. 50 c. 
17,520
Assurance et commission 
17,922
Frais de police, droits de bassin, etc. 
2,000
Total 
200,000 fr.

Il est évident qu’on fera sur le coût du navire, sur le prix des futailles et sur l’assurance, des économies qui réduiront à 185,000 ou 190,000 fr. cette somme de 200,000 fr. demandée.

Or, voici ce que l’expédition pourra produire, en n’admettant qu’un succès médiocre.

Un navire de 400 tonneaux doit rapporter, s’il est bien dirigé, de 3,000 à 3,500 barils d’huile : nous nous contenterons d’évaluations beaucoup moins élevées, et nous prendrons pour base de notre calcul un retour de 2,000 barils d’huile, avec une quantité proportionnelle de fanons.

Nous avons donc :

2,000 barils d’huile, au cours moyen de 80 fr. par baril 
160,000
7,000 kil. de fanons à 450 fr. 
31,500
Total 
191,500 fr.

Il faut soustraire de cette somme le tiers, qui est affecté à l’équipage, ce qui la réduit à

127,667 fr., ci. 
127,667
et en y ajoutant la prime de 36,000 fr., ci. 
36,000
on a un bénéfice net de 163,667 fr., ci. 
163,667 fr.

Les frais pour les opérations suivantes ne s’élèveraient pas à 60,000 fr. ; mais, quand bien même on les porterait à 80,000 fr., si l’on admet un succès moyen de 2,000 barils d’huile par expédition, on trouvera qu’après dix ans cette opération aura donné, non compris les intérêts à 5 p. 100, une somme de plus de 800,000 fr., et qu’il resterait encore le navire et ses apparaux, ce qui porte à près de 50 p. 100 par an le produit du capital employé.

De tels résultats semblent au premier abord exagérés ; cependant, si l’on vient à considérer que l’huile ne vaut en Angleterre que 600 fr. le tonneau et 900 fr. en France ; que le prix relatif des fanons est dans une proportion analogue ; que les Anglais n’ont plus aucun secours de l’état, tandis que nous obtenons une prime de 90 ou de 180 fr., par tonneau[1] ; en un mot que, de deux opérations pareilles, l’une donnera nécessairement en France 50 p. 100 de plus qu’en Angleterre, on est forcé d’admettre la vérité des calculs que nous venons de présenter. Mais, si l’on ne peut nier leur exactitude, comment comprendre que nous ayons huit navires baleiniers, tandis que la pêche anglaise emploie près de 200 voiles et plus de 60,000 tonneaux ?


ANGLETERRE.Affaiblissement de la religion anglicane. — On s’occupe actuellement au département de l’intérieur de dresser un tableau de toutes les dénominations chrétiennes en Angleterre. En attendant que nous puissions le faire connaître, nous choisissons, pour en donner une idée, le comté d’York, qui renferme près du dixième de la population de la Grande-Bretagne. Le Yorkshire comptait, en 1821, 1,173,000 habitans ; il doit en contenir actuellement 1,320,000. Il y a 1,748 congrégations, c’est-à-dire une sur chaque nombre de 750 individus, savoir : 809 de l’église établie et 939 de dissidens. Plusieurs églises de ces dernières sont petites ; mais, d’un autre côté, elles sont plus fréquentées que celles des anglicans. On calcule que les dissidens sont à ceux-ci dans le rapport de 7 à 6. L’Angleterre arrive par degrés à la condition de l’Irlande. Les membres des sociétés dissidentes y composent déjà la majorité de la population. Chaque jour verra accroître leur nombre, et sous peu l’établissement anglican n’offrira plus qu’un assemblage de sinécures.

Le Yorkshire compte 809 bénéfices ecclésiastiques, dont 113 sont à la disposition du gouvernement, 350 à celle du clergé ; 32 appartiennent aux universités, 13 à des corps publics, 299 à la noblesse et aux riches, et 2 aux habitans. Il y a un diocésain et 69 dignitaires attachés à des cathédrales. Les autres dénominations religieuses sont les catholiques, qui possèdent 46 églises ou chapelles, les presbytériens 13, les quakers 64, les baptistes particuliers 51, les baptises généraux 9, les méthodistes wesleyens 552, les méthodistes calvinistes 1, les autres méthodistes 147, les indépendans 154, les missionnaires et autres 2.

B…

PAYS-BAS.Caverne de Chokier. — Cette caverne qu’on vient de découvrir est située près de Chokier, en Belgique. Elle est élevée au-dessus de la Meuse de 70 aunes environ ; sa longueur est d’environ 20 aunes ; sa largeur varie de 8 à 1 aune ; sa hauteur, qui est d’abord de 5 aunes, diminue progressivement.

Cette cavité était presque entièrement remplie par une brèche très-solide, par un limon argileux et par des couches de stalagmites. La voûte est tapissée de stalactites dont la longueur excède rarement trois palmes.

La brèche qui remplissait en grande partie la caverne est composée de fragmens de calcaire tout-à-fait semblables au calcaire environnant, et de quelques cailloux quartzeux et d’ossemens pour la plupart brisés ; le tout réuni par un ciment calcaire.

Les os et les dents sont disséminés indistinctement dans toute l’étendue de cette couche de brèche et de limon, dont l’épaisseur moyenne est de plus d’une aune. Ainsi on y trouve une dent de cheval à côté d’une mâchoire d’ours, une défense d’éléphant à côté d’une mâchoire de renard ou d’une dent de rhinocéros ; des ossemens de bœuf, de cerf, dans le voisinage immédiat d’une mâchoire d’hyène.

Tous les os qui ont été trouvés, à quelques exceptions près, conservent en grande partie leur gélatine. Aucun d’eux n’a offert de traces d’avoir été rongé.

Ces restes fossiles appartiennent au moins à quinze espèces différentes, parmi lesquelles figurent surtout les ours des cavernes, le cheval et les hyènes. Les parties qui sont dans le meilleur état de conservation sont les phalanges des doigts, les os du tarse et du carpe, et les dents, qui n’ont rien perdu de leur émail. Quant aux crânes, aux côtes et aux omoplates, on n’en a trouvé jusqu’à présent que des fragmens, et encore en très-petit nombre. Voici l’énumération des espèces qui ont été déterminées et dont on a découvert les os, qui ont été placés au cabinet de l’université de Liège.

Parmi les carnassiers, l’ours des cavernes, l’hyène fossile, le loup, le renard, la taupe. Parmi les rongeurs, le lièvre et le lapin, le rat d’eau, le campagnol, le rat commun. Parmi les ruminans, le cerf et le bœuf. Parmi les solipèdes, le cheval. Parmi les pachidermes, le rhinocéros unicorne, l’éléphant des Indes. On a de plus trouvé des os des extrémités de quatre espèces indéterminées d’oiseaux, et des coquilles d’escargot commun.

Ces animaux sont les mêmes que ceux qui ont été trouvés dans d’autres cavernes, les mêmes que ceux de la caverne de Kirckdale en Angleterre.

Après l’existence d’un si grand nombre de restes organiques, appartenant à des espèces si diverses, réunis dans un petit espace et dans un état si parfait de conservation, le fait le plus intéressant que présente la caverne de Chokier paraît être l’existence de trois couches distinctes de stalagmites, au-dessous de chacune desquelles on trouve des ossemens. On ne cite, dit-on, aucun cas semblable dans l’histoire des cavernes.


PRUSSE RHENANE.Maison de détention de Brauweiler. « — De nombreux débris des institutions plus ou moins modifiées de l’empire français attestent encore, chez les peuples du continent, le pouvoir et l’influence que la France exerça pendant le cours de ses prospérités. La maison de détention de Brauweiler est au nombre de ces souvenirs qui consacrent des créations anéanties. Elle fit partie d’abord de ces dépôts de mendicité qu’un décret de 1808 organisa dans tous les départemens de l’empire, et où tous les mendians valides devaient être enfermés au moins pendant un an, pour y apprendre un métier qui les mît à même, par la suite, de gagner leur vie. Par un autre décret particulier de 1809, les bâtimens de l’ancienne abbaye de Brauweiler furent affectés au dépôt de mendicité du département de la Roër. Ce ne fut que deux ans après, cependant, que cette disposition reçut son exécution, et que le dépôt renferma 640 détenus. Mais en 1814, l’invasion étrangère dut nécessairement influer sur l’organisation de la maison qui, sous la surveillance des autorités prussiennes, prit le nom de Maison de travail, et subit des changemens importans dans ses réglemens intérieurs. Elle contient aujourd’hui environ 800 individus des deux sexes, mendians, vagabonds, ou condamnés à la réclusion, et spécialement des condamnés au-dessous de 16 ans. Elle reçoit aussi des enfans abandonnés, des épileptiques et des fous. Ces détenus proviennent des régences de Cologne, Dusseldorf, Aix-la-Chapelle et Coblentz.

Tous les détenus y sont occupés à un travail quelconque, et ceux qui ne savent aucun métier sont forcés d’en apprendre un. Une portion du prix de leur travail est retenue, pour être remise à leur sortie aux autorités du lieu où ils vont résider. La partie qui leur est abandonnée comme salaire journalier est payée en une monnaie de convention qui n’a cours que dans la maison, où toute autre monnaie est sévèrement interdite.

Les jeunes prisonniers sont entièrement séparés des autres. On prend un soin paternel de leur éducation, et on leur enseigne l’écriture, le calcul, l’histoire, la grammaire, le dessin et le chant. Organisés en compagnie, on les exerce en outre aux manœuvres de l’infanterie, sous le commandement d’un ancien sergent et de sous-officiers pris parmi eux. Cette organisation, offrant les plus heureux résultats, donne des habitudes d’ordre et de discipline que des réglemens civils chercheraient vainement à faire naître au même degré. On a observé qu’il est à peu près sans exemple que des détenus aient été repris de justice après leur sortie de cet établissement ; ils se font au contraire remarquer par la régularité de leur conduite et par toutes les qualités qui constituent le bon citoyen.

Il est aisé de voir, d’après le léger aperçu que nous venons de tracer, que la maison de détention de Brauweiler peut être présentée comme un excellent modèle, pour l’administration de tous les établissemens publics de répression et de bienfaisance.

L…

SAVOIE.Baromètre naturel. — Les habitans du village de Thairi, en Savoie, creusèrent un puits en 1825 ; ils ne purent rencontrer une source assez considérable pour approvisionner le village, et le puits fut abandonné. Cependant il n’est pas pour eux sans utilité ; car il est devenu un baromètre ou plutôt un indicateur naturel fort exact et très-remarquable. Dès que le temps est à la pluie ou à la grêle, un vent violent s’échappe du fond du puits, en faisant entendre un fracas semblable à celui d’un torrent, et dure d’autant plus long-temps, que le météore qui doit suivre sera plus fort. Si le vent sort tout à coup du puits et comme par secousse, on peut compter sur un ouragan. Dès que le temps se met au beau et que le vent souffle du nord, le puits est tranquille. Plusieurs naturalistes de Turin, de Chambéry et de Grenoble, ont constaté ces phénomènes.


ITALIE.Nouvelle éruption de l’Etna. — Ce volcan, qui paraissait plus tranquille depuis quelque temps, vient d’effrayer encore la Sicile. L’éruption qui a eu lieu cette fois, le 19 mai, par sept bouches différentes, a détruit huit villages voisins de la montagne, et sur lesquels ne s’étaient jamais étendus jusqu’à ce jour les laves ni les feux du volcan. Toutes les habitations ont disparu sous des monceaux de pierres calcinées, de cendres rougeâtres que jetaient au loin dans les campagnes les nouvelles ouvertures de l’Etna. Le 24 mai, les édifices consumés fumaient encore, et ce malheureux pays était inaccessible par la chaleur que répandaient les cendres, les pierres et les laves dont il était jonché. Ce n’est qu’après le huitième jour qui a suivi ce désastre qu’on a pu s’approcher pour porter quelques secours aux incendiés. Mais les recherches qu’on a faites ont été inutiles.

N. B. Des lettres postérieures que nous avons reçues de plusieurs points de l’Italie annoncent en effet que l’éruption a dû être terrible.

À Naples, le 17 mai, un brouillard épais obscurcit le ciel toute la journée, et bientôt on vit sur les terrasses des maisons et sur les feuilles des arbres une poussière roussâtre qui paraît y avoir été transportée par les vents du midi. Le Vésuve était tranquille ; rien n’annonçait encore une irruption volcanique aux environs de Naples ; cette poussière, ou, pour mieux dire, ces cendres ferrugineuses étaient évidemment apportées de plus loin.

Cette poussière est aussi tombée à Lucques, dans la nuit du 16 au 17 mai, et les trois jours suivans ont été obscurcis par un épais brouillard. Comme à Naples, c’est une terre argileuse calcaire, rendue jaunâtre par l’oxide de fer qui s’y trouve mêlé. Il en est tombé une si grande quantité dans les campagnes, que les feuilles de mûrier qui en étaient imprégnées ont dû être lavées avant de servir à la nourriture des vers à soie.

Le même jour, 17 mai, ce phénomène a été remarqué dans Rome ; l’air a été obscurci par des cendres qui tombaient du ciel. La Romagne et les légations donnent la même nouvelle, sans qu’on puisse deviner la véritable cause qui a produit ces cendres, qui ressemblent assez au lapillo sous lequel fut ensevelie la ville de Pompeï.

Enfin, dans la même matinée du 17 mai dernier, on a été témoin à Turin d’un singulier phénomène. Les feuilles des arbres, celles des vignes, l’herbe des prairies, et tous les végétaux étaient couverts de taches couleur nankin incarnat ; on aurait dit qu’ils avaient été arrosés d’une eau fangeuse, ou d’une terre rougeâtre détrempée. Les postillons qui avaient conduit des voyageurs sur cette route la nuit précédente, et les voitures de ces étrangers, avaient été salis par une pluie fangeuse. On s’est demandé si ce limon s’était formé dans l’atmosphère, ou si, transporté de loin dans l’air par les vents qui avaient soufflé quelques jours auparavant, il était tombé avec la pluie de la nuit précédente. La première hypothèse paraît la plus probable : car, deux jours avant, il avait plu par torrens, et les eaux lavèrent les feuilles des arbres sans laisser aucune tache semblable.

L’explication de ce fait étrange paraît devoir être attribuée jusqu’à présent à l’éruption récente de l’Etna.

RUSSIE.Réforme du calendrier grec. — Le calendrier grec qui était, comme on sait, en arrière de douze jours sur le calendrier grégorien, vient d’être aboli. Le saint synode a enfin donné son consentement à cette réforme très-importante, qui n’avait pu être opérée sous l’empereur Alexandre.


ISLANDE. Voyage scientifique dans les mers d’Islande. — Une expédition sous les ordres du capitaine Litke, composée de deux frégates et d’une corvette, doit se rendre cette année dans la partie septentrionale de l’océan Atlantique. L’Islande sera l’objet des savantes investigations de cette expédition, et M. Litke se propose d’y faire une série d’observations sur la déclinaison de l’aiguille aimantée et sur le pendule. L’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg a adjoint un de ses membres, M. Mertens, naturaliste, à cette expédition. Il est principalement chargé de faire des recherches sur les différentes races d’acalèphes et de mollusques nageant dans la mer.

ASIE.

ANATOLIE.Désintéressement du gouverneur de Magnésie. — « On ne saurait donner trop d’éloges au trait suivant, qui honore le caractère généreux du nouveau pacha de Magnésie, Cara Osman Oglou.

» . . . . . Dans les comptes rendus par le précédent gouverneur et la ville, Cara Osman Oglou vit, avec une extrême surprise, figurer un énorme impôt indépendant des droits royaux, qui pesait sur le peuple et se divisait entre le juge, le gouverneur et les autres autorités du pays. Reconnaissant toute l’injustice de cette charge oppressive, et voulant, d’un autre côté, ménager l’amour-propre de ces autorités, il les assembla, leur parla avec émotion des malheurs qui avaient pesé sur les habitans, et termina par ces belles paroles : « Messieurs, je vous ai fait connaître les souffrances du peuple, et pour y porter remède, j’abandonne, quant à moi, en sa faveur, la portion qui me revient sur l’impôt extraordinaire. Vous sentez-vous la résolution d’en faire autant ? » Alors toutes les autorités, cédant à l’invitation du vénérable vieillard, se conformèrent à ses désirs ; et c’est ainsi que les habitans de ce pachalik viennent d’être soulagés d’une charge qui les accablait depuis longues années.,

Magnésie, 25 mars 1830. »
C…

SMYRNE.Voyage scientifique de M. Virlet. — M. Virlet, membre de la commission scientifique de Morée, vient d’arriver ici, après avoir visité Constantinople et ses environs, la Troade et les îles de Thrace. Parmi les nombreuses observations scientifiques qu’il a été à même de faire dans le cours de ce voyage, il cite surtout les îles de Tasso, Tassopoulo et les deux îles Fanox, comme lui ayant offert la solution d’un problème intéressant pour la géologie ; il paraîtrait aussi que la Troade renferme des richesses minérales jusqu’à ce jour peu connues. Mais c’est surtout d’une question qui intéresse à la fois l’histoire ancienne, la géographie physique, la topographie et la géologie de ces contrées, qu’il paraît s’être le plus occupé : suivant M. Virlet, l’opinion des anciens et des modernes sur l’origine et la formation du Bosphore de Thrace et du détroit des Dardanelles est tout à fait gratuite.

Partout, sur les côtes de la mer Noire, du Bosphore, de la Bithynie, de la mer de Marmara et des Dardanelles, ce jeune voyageur a reconnu qu’aucune catastrophe de la nature de celle qui aurait permis aux flots long-temps resserrés du Pont-Euxin de s’ouvrir un passage par le détroit des Cyanées, d’envahir la plaine qui forma ensuite la Propontide et de se précipiter de là dans la mer Blanche ou Égée, en s’ouvrant un passage à travers l’Hellespont, n’avait pu avoir lieu qu’antérieurement à la dernière révolution ou cataclysme qui a bouleversé notre globe, et en admettant toutefois que ces détroits aient eu un tel événement pour origine, ce qui, selon lui, n’est nullement probable.

Ainsi l’ancienne tradition dont parlent Strabon, Diodore de Sicile et quelques autres historiens de l’antiquité, conservée dans l’île de Samothrace, du prétendu malheur dont ses habitans avaient été menacés, par suite de la submersion d’une partie de leur île, lors de l’irruption de la mer du Pont, doit être rangée parmi les nombreuses fables que l’antiquité nous a transmises.

M. Virlet, en visitant l’isthme d’Examilia, qui réunit la Chersonèse de Thrace au continent et par où le débordement aurait dû naturellement avoir son cours, s’est assuré que rien n’y démontre que cela ait pu avoir lieu. Cependant une telle irruption ne se serait certainement pas faite sans y laisser des traces irréfragables. Il s’est également assuré que l’île de Samothrace n’offrait pas plus d’apparence de cet événement. Nous ne le suivrons pas dans les autres preuves qu’il tire soit de l’observation des lieux, soit de l’histoire ancienne, en faveur de son opinion, quoiqu’elles ne nous aient pas paru moins bien fondées ; il nous suffit d’ajouter quelques mots relatifs à l’opinion des modernes.

Ce système, appuyé en partie sur les traditions anciennes et confirmé ensuite par Tournefort, ne peut pas plus soutenir l’épreuve d’un examen impartial. Comment admettre en effet que l’ouverture de ces détroits soit due, comme le pense Tournefort, à une dénudation successive du sol ? que cette dénudation, pour une aussi grande étendue, n’aurait eu lieu que dans un espace aussi resserré et à travers des terrains d’une consistance telle que celle du calcaire de transition, qui, avec des schistes argileux, constituent une partie des rives du Bosphore ? Quelques connaissances géologiques et un examen plus attentif des lieux eussent évité à cet auteur d’émettre son opinion, basée sur de simples conjectures. Quant à celle qui l’attribue à une irruption ou à un enfoncement subit de volcan, elle se détruira facilement d’elle-même lorsqu’on saura qu’à peine un tiers des rives du Bosphore, vers son embouchure dans la mer Noire, est formé de roches volcaniques ; que ces rochers appartiennent à des volcans anciens, et bien évidemment d’une formation antérieure à celle des vallées, et par conséquent aussi antérieure au dernier cataclysme.

Outre les collections de roches que M. Virlet a faites dans le cours de son voyage, il a rapporté une collection assez nombreuse des poissons du Bosphore, il a également récolté toutes les plantes qu’il a rencontrées dans ses courses, et enfin il y a joint une réunion de divers genres de poteries destinées à la manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Il se rend d’ici directement en Morée pour y achever sa mission, qu’il compte terminer et compléter en visitant les Cyclades et les Sporades.

Smyrne, 25 avril 1830.
C…

TÉHÉRAN.Punition des assassins de l’ambassadeur russe. — L’affaire de l’assassinat de l’ambassadeur russe est enfin terminée. Le Chah a fait ce que les Russes ont exigé pour obtenir une satisfaction complète. Le grand-prêtre, ayant été le principal instigateur du tumulte, vient d’être banni du royaume : le chef de la police a été mis en prison et condamné à une forte amende ; environ 1,500 hommes ont reçu la bastonnade ou ont été mutilés ; on a coupé le nez, les oreilles et la langue à chacun, selon le délit dont il s’est rendu coupable. Plusieurs centaines de Persans ont quitté leur patrie pour se soustraire à des vengeances dont le Chah ne paraît avoir été que l’instrument aveugle et soumis.


INDES ANGLAISES.Souscription pour les Hindous-Bretons. — On parle beaucoup dans ce moment de l’établissement d’une société à Bombay et à Madras, dont le but serait d’améliorer la condition d’une classe nombreuse d’individus issus de l’alliance du sang européen et du sang hindou, connus sous le nom de Half-cast ou Hindous-Bretons : ils se trouvent réduits à un tel degré d’asservissement, qu’on peut considérer leur situation comme un véritable ilotisme. À Bombay, la souscription montait déjà, il y a quelques mois, à 20,000 liv. sterl. (504,000 fr.)[2].


MIRZAPOURE.Veuve indienne échappée au bûcher funéraire. — « . . . . Quand nous fûmes parvenus à l’endroit qu’on nous avait indiqué, nous trouvâmes une grande foule rassemblée. Elle attendait avec une vive impatience la décision des magistrats qui devait permettre le sacrifice de la veuve indienne. Un long intervalle s’écoula avant que les officiers de police, porteurs de l’autorisation nécessaire pour procéder suivant l’usage, fussent arrivés.

« Pendant ce délai, tous les efforts possibles furent tentés pour décider cette malheureuse victime de l’erreur et du fanatisme à abandonner son affreuse résolution. Elle était jeune ; des secours, un appui furent promis à elle et à sa famille, si elle voulait renoncer à monter sur le fatal bûcher. Elle repoussa toutes ces propositions avec dédain, mais en même temps avec douceur, et montra la ferme résolution d’accomplir son projet.

» Elle manifesta une vive satisfaction quand la permission fut arrivée. D’un pas ferme et d’un air assuré elle s’avança sur le bord du Gange où le bûcher funéraire était préparé. Une foule de dévots la suivaient et témoignaient à contempler cet effrayant spectacle autant d’empressement qu’on en met en Angleterre à voir un combat de boxeurs.

» Parvenue au rivage, la jeune veuve accomplit la cérémonie de se baigner avec le cadavre de son époux ; elle quitta ses vêtemens, distribua quelques ornemens à ses amies, et les bramines qui l’entouraient lui donnèrent en échange des guirlandes de fleurs et des parfums dont elle se frotta les membres. Après cette purification, elle s’assit à terre près du bûcher, environnée d’une multitude de vieilles femmes et de bramines, dont les traits expressifs et fortement tendus révélaient tout le plaisir que leur causait le courage et la résolution de leur victime.

« Il survint tout à coup un retard inattendu. Il n’y avait point assez de bois, et pendant que quelques personnes couraient en chercher, de nouvelles tentatives furent réitérées pour détourner cette femme de son cruel dessein : mais elle garda sa fermeté, sourit et se mit à chanter tandis que les vieilles femmes frappaient dans leurs mains et criaient à l’unisson. Le bûcher fut bientôt complété et entouré de fagots pour que ses souffrances fussent aussi courtes que possible.

« Le moment fatal approchait. La jeune veuve se leva, l’air calme et déterminé. Avant de monter sur le bûcher, elle en fit plusieurs fois le tour en jetant des fleurs à la multitude avide de recevoir quelque chose d’elle. Tout en accomplissant ces rites, elle chantait, accompagnée par les cris du peuple et les sons discordans des tambours et des flûtes indiennes.

» Arrivée au sommet du bûcher, elle s’assit au centre, et le cadavre de son mari, déjà tout enflé par la putréfaction, fut placé avec soin sur ses genoux. Un morceau de fiente de vache, enveloppé dans de la paille, fut donné à son beau-père qui s’élança autour du bûcher, en criant et en agitant cette paille enflammée, pendant que la victime continuait à joindre les mains, et à se réjouir, en apparence, du destin qui l’attendait.

« Les fagots, bientôt allumés en différens endroits, ne tardèrent pas à produire une flamme qu’un vent violent rendit terrible et majestueuse. Pendant qu’elle s’élevait jusqu’à la victime, je l’aperçus faire un mouvement comme pour se coucher, afin que le supplice fût plus promptement terminé. Mais quelle fut ma surprise et ma joie, quand je la vis s’élancer du bûcher, et rejeter loin d’elle le corps de son époux dans une sorte de mouvement convulsif ! À peine eut-elle touché la terre, qu’un bramine la saisit ; telle était sa faiblesse qu’elle tomba, et, sans notre prompte intervention, elle eût été aussitôt repoussée au milieu de l’incendie.

« Comme on peut aisément le supposer, une scène de confusion fut la suite de cet incident. Nous nous ouvrîmes rapidement un passage au travers de la foule, et nous eûmes la satisfaction de ramener cette pauvre victime de la superstition des bramines dans le village où elle demeure maintenant, contente, je le crois, d’avoir pu ainsi échapper à la mort[3]. Son dos et ses bras furent brûlés d’une manière horrible, et si l’on y ajoute la faiblesse produite par la faim, la fatigue et les angoisses des trois jours qui précédèrent la cérémonie, on regardera son rétablissement presque comme un miracle.

» Autant que j’en ai pu juger, aucune drogue enivrante ne lui fut administrée pour l’étourdir sur le sort qui l’attendait ; son courage héroïque et déterminé depuis le commencement de la cérémonie jusqu’au moment de l’épreuve était digne d’une meilleure cause.

Mirzapoure, 20 décembre 1828. »
A…


CALCUTTA.Ordonnance abolissant les sutties (sacrifices des veuves) dans la présidence du fort William. — Voici le texte de l’ordonnance rendue par le gouverneur général de l’Inde pour l’abolition des sutties. Depuis long-temps le gouvernement anglais songeait à prendre cette mesure ; mais les préjugés des nationaux s’y étaient jusqu’à ce moment trop fortement opposés pour qu’il eût été prudent d’essayer de la mettre à exécution.


Ordonnance publiée par le gouverneur en son conseil, déclarant illégal et justiciable des cours criminelles l’usage des sutties, ou la coutume de brûler ou d’enterrer vivantes les femmes des Indous décédés.

« L’usage des sutties ou de brûler ou enterrer vivantes les veuves indoues est révoltant pour l’humanité : la religion n’en a jamais fait un devoir rigoureux ; au contraire, elle recommande plus particulièrement aux veuves de mener une vie pure et retirée ; et, dans la plupart des provinces de l’Inde, cet usage ou est resté inconnu ou a été aboli ; et, dans ceux même où il a été le plus fréquemment suivi, il est notoire qu’il s’est commis dans ces occasions des actes de barbarie qui ont révolté les Indous eux-mêmes, aux yeux desquels ils ont passé pour illégaux et horribles. Les mesures adoptées jusqu’à présent pour empêcher ces sacrifices ont été sans succès ; et le gouverneur général, ainsi que son conseil, sont convaincus qu’on ne peut mettre fin aux abus en question sans en abolir entièrement l’usage. Guidé par ces motifs, le gouverneur, en son conseil, sans pour cela vouloir s’écarter d’un des principes les plus importans du système du gouvernement britannique dans l’Inde, qui veut que toutes les classes du peuple soient libres et en pleine sécurité dans l’exercice de leurs coutumes religieuses, tant que ce système peut être suivi sans violer les lois de la justice et de l’humanité, a jugé convenable d’établir les dispositions suivantes, lesquelles seront en vigueur du moment de leur promulgation dans tous les territoires dépendant immédiatement de la présidence du fort William.

« 1o L’usage des sutties, ou de brûler ou enterrer vivantes les veuves des Indous, est par les présentes déclaré illégal et justiciable des cours criminelles.

» Premièrement tous les zémindars, talookdars, ou autres propriétaires de terres, soit malzugarce ou lakeraj ; tous les fermiers et régisseurs de terres de toutes classes ; tous les talookdars dépendans ; tous les naibs et autres agens locaux ; tous les officiers naturels employés à la perception du revenu et des rentes des terres pour le gouvernement ou la cour des pupilles ; et tous les munduls ou tous autres chefs de village, sont, par les présentes, déclarés spécialement obligés de donner immédiatement connaissance aux officiers de police de tout projet de sacrifice de la nature de ceux indiqués dans l’article précédent ; et tout zémindar, ou toute autre personne énoncée ci-dessus et aussi chargée de ladite surveillance, qui sera convaincu d’avoir volontairement négligé de donner ou d’avoir donné tardivement les renseignemens ci-dessus exigés, sera passible d’une amende imposée par le magistrat ou son suppléant, laquelle amende ne pourra excéder 200 roupies, et à défaut de paiement il sera condamné à un emprisonnement qui n’excédera pas la durée de six mois.

» 2o Immédiatement après avoir été informé que le sacrifice déclaré illégal par les présentes dispositions doit avoir lieu, le darogah de la police se rendra en personne sur le lieu ou députera son mohurhir ou jémadar accompagné par un ou plusieurs burkendazes de la religion indoue, et le devoir des officiers de police sera d’annoncer aux personnes assemblées pour la cérémonie qu’elle est illégale, et de tâcher de les disperser par la douceur, en leur faisant savoir que, dans le cas où elles persisteraient, elles se rendraient coupables d’un crime, et s’exposeraient à être punies par les cours criminelles. Si les personnes ainsi rassemblées, nonobstant ces observations, procédaient à la consommation de la cérémonie, les officiers de police emploieraient tous les moyens en leur pouvoir pour empêcher le sacrifice d’avoir lieu. S’il était hors du pouvoir de la police d’appréhender les délinquans, elle ferait tout son possible pour s’assurer de leurs noms et de leurs domiciles, et communiquerait de suite ces renseignemens au magistrat ou à son suppléant, pour en recevoir des ordres.

» 3o Si un de ces sacrifices déclarés illégaux par les présentes avait lieu avant que la police n’en fût informée, ou si, en étant informée, le sacrifice avait été consommé avant son intervention, les officiers de police commenceraient néanmoins une enquête concernant les circonstances du fait, de la même manière que cela se pratique dans toutes les occasions de mort violente, et en feraient un rapport au magistrat ou à son suppléant.

» 4o À la réception des rapports faits par les dagorahs de la police, en conformité à la section précédente, le magistrat ou son adjoint, de la juridiction dans laquelle le sacrifice aura eu lieu, fera une enquête sur les circonstances du fait, et prendra les mesures nécessaires pour amener les parties impliquées dans cette affaire devant la cour du circuit, pour y subir leur jugement.

» Il est déclaré par les présentes dispositions qu’après leur promulgation toute personne convaincue d’avoir aidé ou encouragé le sacrifice d’une veuve indoue, soit en la brûlant ou en l’enterrant vivante, que celui-ci soit volontaire de la part de cette dernière ou non, sera regardée comme coupable d’homicide volontaire, et encourra la peine de l’amende ou de l’emprisonnement, ou de l’une et de l’autre, comme l’ordonnera la cour du circuit, selon la nature et les circonstances du fait et le degré de culpabilité établi contre le prévenu : l’allégation d’avoir été prié par la victime du sacrifice de l’aider à lui donner la mort ne sera point admise comme justification.

» Les personnes citées devant la cour du circuit pour y subir leur jugement, en conséquence du délit ci-dessus mentionné, seront admises à donner caution ou non, selon que le jugera convenable le magistrat ou son adjoint, d’après les lois générales en vigueur relativement à l’admission de la caution.

» 5o De plus, on déclarera que rien de ce que renferment les présentes dispositions ne peut être interprété comme s’opposant à ce que la cour du nizamut-adawlut prononce la peine de mort contre les personnes convaincues d’avoir employé la violence ou la force, ou d’avoir prêté leur assistance pour brûler ou enterrer vivante une veuve indoue, pendant qu’elle se trouvait dans un état d’ivresse ou d’insensibilité, ou dans tout autre état la privant du libre usage de sa volonté, lorsque, d’après les circonstances aggravantes du délit, dont le prévenu aura été convaincu, lia cour jugera que rien ne peut la porter à user d’indulgence en sa faveur.

» Calcutta, 4 décembre 1829. »

N. B. Quand cette ordonnance nous est parvenue, nous avons applaudi avec empressement à la résolution énergique du gouvernement anglais. Nous nous sommes en même temps rappelé que les sutties avaient déjà été abolies depuis plusieurs années dans l’Inde française, grâce à l’influence de M. le vicomte Desbassins de Richemont, alors gouverneur général des établissemens français, et à l’active surveillance du procureur général, M. Moiroud ; nous venons même de citer une circonstance qui honore extrêmement le caractère de ce dernier. Toutefois, les personnes qui ont résidé long-temps au milieu des races hindoues paraissent douter de l’efficacité de ces mesures, et le trait même que nous avons cité vient à l’appui de cette opinion. On ne pourra obtenir, par la force, l’abolition d’un usage qui, dans le système religieux de l’Hindou, est une œuvre honorable et méritoire aux yeux de la divinité. Il faut ensuite remarquer que les sutties ne sont abrogées que dans la présidence du fort William. On annonce enfin qu’un grand nombre d’Indiens s’opposent à l’exécution du décret, et qu’ils ont même ouvert des souscriptions pour venir au secours de ceux de leurs compatriotes qui enfreindraient les ordres du gouverneur.

P. M. Directeur.

RÉCLAMATION

À M. le directeur de la Revue des deux Mondes.
Monsieur,

La note insérée dans la Revue des deux Mondes, page 446 de la livraison de mai et juin 1830, contient une grave erreur que je vous demande la permission de rectifier.

À propos des sutties ou sacrifices des veuves aux Indes Orientales, vous citez une tentative de ce genre qui aurait eu lieu dernièrement sur le territoire français de l’Inde, et vous m’attribuez l’honneur d’en avoir prévenu les funestes résultats.

Il est vrai que le 29 octobre 1828, une jeune bramine de l’Aldée de Tirnoular, chef lieu de l’un des maganoms ou districts du territoire de Karikal, résolut de se brûler sur le bûcher de son mari ; il est vrai aussi que le zèle et le dévouement d’un fonctionnaire français l’arrachèrent à cette terrible résolution ; mais ce n’est point à moi, Monsieur, c’est à mon ami M. Ducler, commissaire de marine et administrateur de Karikal, qu’appartient l’honneur d’une entreprise que le succès a couronnée : c’est lui qui, après une journée entière de la lutte la plus opiniâtre, parvint à ébranler la détermination de la bramine, et à rattacher à la vie une malheureuse qui allait périr victime du plus affreux préfugé ; j’étais alors à Pondichéry, et je n’ai pu participer en rien à ses généreux efforts.

Peu de temps après, je me rendis à Karikal à l’occasion de quelques troubles qui nécessitaient une procédure criminelle : ce fut alors seulement que j’appris ce qui s’était passé à Tirnoular. J’y allai voir la jeune bramine, et je la remerciai de nouveau d’avoir renoncé à son funeste dessein ; elle me répéta avec chaleur « qu’elle avait fait le plus grand des sacrifices à la sollicitation de M. l’administrateur ; qu’elle avait échangé une éternité de gloire et de bonheur contre quelques années d’une vie misérable et flétrie, mais qu’en retour, et pour prix de son obéissance, elle se regardait désormais comme la fille adoptive du gouvernement français, etc. » Je crus pouvoir l’assurer de sa protection, et je lui promis qu’à tout événement M. Ducler et moi ne l’abandonnerions jamais.

Je voudrais en vain rendre l’impression profonde qui m’est restée de cette visite : en quittant la bramine, il me semblait la voir s’avancer vers le fatal bûcher ; j’étais fier d’avoir pour ami le digne magistrat dont la courageuse insistance avait triomphé d’une croyance barbare, et je sentais au fond du cœur que j’aurais voulu échanger le reste de ma vie contre une si belle journée.

Je me propose de rendre compte des détails de cet événement si honorable pour un de nos compatriotes ; j’aurai l’honneur de vous en communiquer la relation, et je pense qu’elle ne sera pas sans intérêt pour vos lecteurs.

Veuillez agréer, etc.

Moiroud,
Ancien procureur général à Pondichéry.
Paris… août 1830.

NÉPAL.Découverte de la licorne. — L’existence de cet animal, que l’on regardait depuis long-temps comme fabuleuse, ne saurait plus être révoquée en doute. La dépouille d’une licorne vient d’être envoyée à la société asiatique de Calcutta, par les soins de M. Hodgson, résident de la compagnie des Indes dans le Népal.

La Bible parle de la licorne ; Aristote décrit l’oryx (âne indien), qui selon lui n’avait qu’une corne ; Pline indique la fera monoceros (bête fauve à une corne) ; les historiens chinois citent le kiotouan (animal à corne droite), comme habitant la Tartarie. Toutes ces notions devaient faire conjecturer qu’on serait amené un jour à découvrir la licorne. Cette espérance vient enfin d’être réalisée par M. Hodgson. La peau et la corne qu’il a envoyées à Calcutta appartenaient à une licorne morte dans la ménagerie du radjah de Népal. Elle avait été présentée à ce prince par le lama de Digourtchi qui l’aimait beaucoup. Les gens qui l’amenèrent au Népal apprirent à M. Hodgson que cette espèce d’animal, à qui on donne dans le Thibet méridional le nom de tchirou, se plaisait principalement dans la belle vallée de Tingri, située dans la province thibetaine de Dzang. Elle est remplie de couches de sel autour desquelles les tchirous se rassemblent par troupes. La forme du tchirou est en général gracieuse comme celle de toutes les autres antilopes ; il a aussi les yeux incomparables de cette espèce. Sa couleur est rougeâtre, comme celle du faon, à la partie supérieure du corps, et blanche à l’inférieure. Ses caractères distinctifs sont : d’abord une corne noire, longue et pointue, ayant trois légères courbures, avec des anneaux circulaires vers la base ; ces anneaux sont plus saillans sur le devant que sur le derrière de la corne ; puis deux touffes de crin qui sortent du côté extérieur de chaque narine ; beaucoup de soies entourent le nez et la bouche, et donnent à la tête de l’animal une apparence lourde. Le poil du tchirou est dur et paraît creux comme celui de tous les animaux qui habitent au nord de l’Himâlaya, et que M. Hodgson a eu l’occasion d’examiner. Ce poil a environ 5 centimètres de longueur ; il est si touffu, qu’il présente au toucher comme une masse solide. Au-dessous du poil, le corps du tchirou est couvert d’un duvet très-fin et doux, comme presque tous les quadrupèdes qui habitent les hautes régions des monts Himâlaya, et spécialement comme les chèvres dites de Kachmir.

Le docteur Abel, de Calcutta, a proposé de donner au tchirou le nom systématique d’antilope Hodgsonii, d’après celui qui a mis son existence hors de doute.

M


ÎLE DE JAVA.Délivrance de M. Siebold. — Le docteur Siebold, heureusement délivré de sa captivité au Japon, est arrivé le 25 janvier dernier à Batavia. Il comptait en partir incessamment pour l’Europe. Il emporte toutes les collections qu’il a faites à ses frais au Japon. La plupart de ses travaux littéraires ont été également embarqués.

N. B. L’Europe savante attend avec impatience qu’on lui fasse connaître les résultats d’un voyage qui présentait tant d’obstacles à surmonter. On sait que le docteur Siebold est parvenu jusqu’à Jedo. Il sera curieux de rapprocher ses observations de celles du brave gouverneur général des îles Philippines, que nous avons publiées successivement dans la Revue des deux Mondes.

P. M.


COCHINCHINE.Progrès des missions françaises. — Les missionnaires français ont converti beaucoup d’habitans de la Cochinchine ; jusqu’à présent heureusement les chrétiens n’ont pas été persécutés.

Le ministre chinois a dissuadé le jeune roi de permettre tout trafic direct avec les Européens. Il n’y a maintenant que quelques Portugais dans le pays : ils dirigent la construction des vaisseaux de commerce qui vont à Sincapore, à Pinang et à Batavia, pour y vendre le sucre du roi.

AFRIQUE.

ALEXANDRIE. Navigation à la vapeur entre l’Europe et l’Inde. — Le premier bateau à vapeur parti de Bombay pour essayer de remplacer et d’abréger la navigation ordinaire entre l’Europe et l’Inde, en suivant de nouveau la route connue dans le moyen âge, vient d’arriver en 21 jours à Suez, port de la mer Rouge, et a porté des dépêches au consul anglais, qui les a fait partir pour Londres par d’autres bateaux à vapeur expédiés successivement de Malte et de Gibraltar. L’envoi régulier de ces paquebots donne lieu de compter qu’à l’avenir le trajet des Indes en Angleterre, qui demandait six mois environ, se fera en 40 jours. Un paquebot partira de Bombay, et arrivera toutes les semaines à Suez ; l’agent britannique, à la réception des dépêches, les expédiera par un dromadaire à Alexandrie, où elles arriveront en 30 heures ; 18 jours de navigation suffiront pour les trois traversées d’Alexandrie à Malte, de Malte à Gibraltar, et de Gibraltar à l’embouchure de la Tamise.


LE CAIRE.Musée d’antiquités. — Le pacha d’Égypte vient d’ordonner l’établissement d’un musée dans cette ville. Pour atteindre ce but, il a défendu toute espèce de recherche d’antiquités, dont le motif serait l’exportation d’objets de sculpture pour l’Europe. Cependant le consul général anglais, M. Barker, a obtenu la permission d’embarquer à Alexandrie des sphynx, qu’on attend sous peu en Angleterre.

SIERRA-LEONE.Progrès des nègres affranchis. — Dans une des séances du mois de mai dernier, la chambre des communes d’Angleterre a demandé un rapport sur la colonie de Sierra-Léone. Elle voulait en connaître les dépenses ; mais elle désirait surtout des renseignemens sur la situation des nègres et les progrès de la civilisation parmi eux. Un grand nombre de documens officiels, composés des rapports des gouverneurs de la colonie et des principaux employés, ont été récemment fournis à la chambre. Tous s’accordent à représenter sa situation comme très-florissante ; sa population nègre répond parfaitement au but des fondateurs, et ses progrès intellectuels ont été en général fort satisfaisans.

À partir du 1er janvier 1827, le gouvernement anglais s’est exclusivement chargé de tout ce qui concerne la surveillance et l’éducation des nègres affranchis. On n’a rien reçu de la société des missions, dont les membres ne s’occupent plus aujourd’hui que de la direction spirituelle et morale de la population. En 1827, le colonel Denham, si connu par son voyage dans l’intérieur de l’Afrique, fut chargé par le gouverneur de visiter tous les villages de la colonie, et d’y observer avec le plus grand soin l’esprit et la situation des habitans. Il fut en général frappé des progrès que les nègres faisaient chaque jour et de tout le parti qu’ils savaient tirer des faibles ressources qu’ils possédaient. « Ce qui surtout, dit-il, manque aux nègres affranchis, c’est l’instruction et l’exemple. Ils sont en général très-aptes à la culture ; et s’il était possible d’avoir dans chaque village une sorte de ferme-modèle dirigée par un nègre natif des Indes occidentales, je ne doute point qu’en peu de temps ils n’eussent infiniment amélioré leur sol, qui est d’une grande fertilité. » Partout le colonel a trouvé les nègres appliqués, laborieux et paisibles. On doit surtout attribuer ces heureux résultats au système d’éducation adopté depuis assez long-temps, et auquel le révérend M. Davy a récemment encore apporté de grandes améliorations. Le nombre des enfans qui reçoivent une instruction régulière et des leçons tous les jours ne monte pas à moins de 503 dans quatre villages seulement, et les parens montrent en général le plus vif désir de voir instruire leurs enfans ; aussi le nombre des élèves augmente constamment depuis quelques années. Un fait remarquable, c’est l’immense supériorité d’intelligence qu’ont les enfans nés de nègres affranchis dans la colonie, sur ceux des nègres encore esclaves. Cependant les parens habitent le même pays, sont nés dans la même contrée ; mais les uns ont continué leur vie sauvage, tandis que les autres ont reçu un commencement d’éducation morale et religieuse.

Un des plus grands obstacles qui s’opposaient aux progrès des nègres était l’immense éloignement et surtout le complet isolement des villages qu’ils avaient formés ; aussi le gouvernement de la colonie s’est-il constamment appliqué à rendre les communications plus nombreuses et plus faciles ; des routes, des ponts ont été construits de toutes parts. Ils sont l’ouvrage des nègres, qui se sont très-volontiers soumis à un décret qui exigeait d’eux, pour ce travail, un certain nombre de jours par mois, et pour lesquels ils n’étaient point payés. C’est une preuve de leur soumission aux réglemens de la colonie.

Dans les villages assez populeux pour être la résidence des ministres du culte, l’influence du christianisme s’est fait sentir rapidement, et l’on ne saurait trop faire l’éloge du zèle des missionnaires.

Les dépenses de la colonie ont aussi beaucoup diminué depuis quelques années, et l’on ne peut attribuer ce résultat qu’aux efforts des nègres eux-mêmes, et aux progrès de leur activité et de leur industrie. De 1812 à 1823, les dépenses ont été, année commune, de 1,425,000 fr. ; mais elles décroissent chaque année fort rapidement : en 1824, elles étaient encore de 780,000 fr. ; en 1827, elles n’étaient plus que de 275,000 fr. Le nombre des nègres affranchis est aujourd’hui de plus de 20,000, et il est probable qu’il s’accroîtra bientôt dans une très-forte proportion. Les affranchissemens se multiplient de jour en jour : du 11 novembre 1828 au 10 février 1829, on en a compté plus de 1200.

A…
AMÉRIQUE.

ÉTATS-UNIS.Principaux Canaux. — Depuis moins d’un demi siècle le sol de l’Amérique du nord est sillonné par une foule de routes et de canaux qui répandent l’industrie et le commerce dans cette immense contrée. Voici la liste des entreprises les plus importantes qui ont été exécutées d’après un système général de canalisation. Quelques-unes sont gigantesques.

1. Canal de Middlesex : ouvert depuis plusieurs années. Il a 29 milles et demi de long, 136 pieds d’écluses, et va du port de Boston à Chelmsfort, dans le Massachusetts.

2. Canal de Blackstone : ouvert depuis un ou deux ans. Il a 45 milles de long ; commence à Worcester, dans le Massachusetts, et aboutit à Providence, dans le Rhode-Island.

3. Canal de Farmington : n’est pas encore achevé. Il aura 37 milles de longueur, et s’étendra de Northampton, dans le Massachussetts, à New-Haven, dans le Connecticut.

4. Canal d’Hudson et Erie : ouvert. Longueur, 360 milles. Il va d’Albany à Buffalo, dans l’état de New-York.

5. Canal de Champlain : achevé. Longueur, 63 milles ; va d’Albany à White-Hall, dans l’état de New-York.

6. Canal d’Oswego : achevé. Longueur, 38 milles ; s’étend de Salina à Oswego, et réunit le canal d’Hudson et Erie au lac Ontario.

7. Canal de Seneca : achevé. Longueur, 20 milles ; établit une communication entre les lacs Seneca et Cayuga, et le canal d’Hudson et Erie.

8. Canal de Delaware et Hudson. Longueur, 65 milles ; il commence à Delaware, dans le comté d’Orange, et finit à l’Hudson, près de Kingston.

9. Canal de Morris : en construction. Longueur, 86 milles ; va d’Easton à Newark, dans le New-Jersey.

10. Canal de Chesapeake et Delaware : achevé. Longueur, 14 milles ; réunit le fleuve de Delaware à la baie de Chesapeake.

11. Canal de Port-Deposite : achevé. Longueur, 10 milles ; va de Port-Deposite, sur la Susquehannah, à la frontière du Maryland.

12. Canal de Chesapeake et Ohio. Commencé le 4 juillet 1828. Il aura 360 milles de longueur, et s’étendra de Georgetown, dans le district de Colombia, à Pittsbourg, dans la Pensylvanie.

13. Canal de l’état d’Ohio : en construction. Longueur, 306 milles. Il ira de Cleveland, sur le lac Erie, à l’Ohio, près du confluent de la Sciota.

14. Canal de Miami : en construction. Longueur, 265 milles ; il s’étendra de Cincinnati à la Maumée, près du lac Erie.

15. Canal de Lehigh : en construction. Longueur, 46 milles ; ira de Stoddartsville, sur le Lehigh, à Easton, sur la Delaware.

16. Canal du Petit Schuylkill. Longueur, 25 milles ; va de l’embouchure du Petit Schuylkill aux mines de houille des environs.

17. Canal de Conestogo. Longueur, 18 milles ; va de Lancaster au confluent du Conestogo.

18. Canal de Schuylkill : achevé. Longueur, 108 milles ; s’étend de Philadelphie à Mount-Carbon.

19. Canal de l’Union : achevé. Longueur, 79 milles ; va de Reading à Middletown.

20. Canal de Pensylvanie : en construction. Longueur, 296 milles ; ira de Middletown à Pittsbourg.

(Ces trois derniers canaux établissent une communication entre Philadelphie et Pittsbourg, sur l’Ohio, et peuvent être considérés comme faisant partie de la même grande entreprise.)

21. Canal d’Ohio et Erie. Longueur, 213 milles ; de Pittsbourg à Erie, sur le lac Erie.

22. Canal de Delaware : commencé. Il ira de Philadelphie au canal de Delaware et Hudson.

W…

WASHINGTON. Magnifique présent du sultan de Oude. — La bibliothèque du département de l’état à Washington renferme un grand ouvrage oriental aussi intéressant que précieux. C’est un dictionnaire et une grammaire de la langue persane, en 7 vol. in-fol., publiés par le sultan de Oude, dans Lucknow, sa capitale, l’année de l’hégire 1236 (1822). Cet ouvrage est intitulé Heft Kolzoum ou les Sept Mers, et le Mécénas oriental se nomme Duboulms-Affet Mœzeddin-Schalri-Zeman-Ghiateddin-Haider Padischah c’est-à-dire « le père des braves, le soutien de la foi, le prince du siècle, le fort dans la foi, le lion, le padischah. » Le Lexicon, imprimé en caractères niskhi, forme 6 vol., et la grammaire le 7e. Les armes du padischah, empreintes au haut de chaque page, représentent deux lions tenant chacun un étendard, deux poissons, un trône, une couronne, une étoile et les flots de la mer.

Cet ouvrage est remarquable par son exécution typographique et annonce de grands progrès dans la civilisation.

Le livre des Sept Mers a été présenté, il y a quelques années, au département de l’état, par le consul américain à Canton. Le sultan de Oude en envoya, en 1825, un certain nombre d’exemplaires à la compagnie des Indes orientales pour être distribués en Europe[4]. C’est le lexique le plus complet qui existe. Le royaume de Oude, jadis presque inconnu, a commencé à fixer l’attention sous l’administration du marquis de Hastings.

Le nombre d’ouvrages publiés en Orient sur la critique et la philologie est vraiment surprenant. Dans les mémoires orientaux d’Ousely, dont la bibliothèque du congrès possède un exemplaire, se trouve une notice sur le Ferhenk Gehanguiri, dictionnaire de la langue persane, compilé de 48 autres lexiques, et dans lequel les différentes acceptions des mots sont données dans des citations extraites des meilleurs poètes. Il y a aussi à Washington un dictionnaire arabe, intitulé Camous ou Bahrmohyth (la mer environnante), apporté dernièrement, avec d’autres manuscrits curieux, par un voyageur qui a récemment visité les états barbaresques. Il forme 2 vol in-fol. d’une belle écriture, et a été compilé d’un lexique arabe en 65 vol.

B…

CHARLESTOWN.Navigation terrestre. — Un voyage que l’on peut appeler maritime vient d’être exécuté sur le chemin de fer établi près de cette ville.

Une voile a été d’abord élevée et s’est déployée sur le char destiné à parcourir le chemin. Un immense concours de spectateurs se pressait autour du lieu où se faisaient ces préparatifs, et quinze passagers se sont embarqués dans cette voiture ou ce canot, comme on voudra l’appeler, qui a bientôt filé de 12 à 15 milles à l’heure. Mais le gréement et la voiture ayant été installés trop promptement pour qu’ils dussent être très-solides, on a vu tout cet appareil tomber sous l’effort d’une grande brise de nord-est. Plusieurs hommes de l’équipage, entraînés dans cette chute, s’en sont heureusement retirés aux cris de joie de tous les assistans. L’avarie que venait d’éprouver le terrestre navire a été réparée avec promptitude par quelques matelots, qui, présens au désastre, ont généralement prêté leur secours à leurs confrères, un peu désappointés. Alors on a vu le bâtiment, réparé, reprendre sa route au moyen d’un mât de fortune ; et ce qu’il y avait de plus divertissant, c’était de voir, pendant ce rapide trajet, le capitaine faire orienter les voiles selon la brise qui variait, ou selon le changement de direction que les sinuosités de la route imprimaient au navire.

N. B. L’honneur de cette invention remarquable vient d’être réclamé par un journal belge pour le célèbre Simon Stevin, de Bruges. Cet honneur lui appartient en effet, et on ne lira pas sans intérêt quelques détails sur une expérience du char à voiles faite en Belgique, il y a plus de deux siècles, et avec plus de succès que de nos jours.

Simon Stevin, né à Bruges, précepteur du prince Maurice d’Orange-Nassau, stathouder de la république batave, était en même temps quartier-maître-général des armées. Une des inventions les plus remarquables de ce savant mathématicien est celle d’un char garni de voiles et muni d’un gouvernail. Peu de jours après la victoire de Nieuport, le prince Maurice invita plusieurs personnes de distinction qui se trouvaient alors à La Haye à faire avec lui, le long de la plage de Scheveningen, une promenade en voiture sans chevaux. Les personnes invitées étaient au nombre de vingt-huit, parmi lesquelles se trouvaient le frère du roi de Danemarck, l’ambassadeur de France à La Haye, et l’amiral d’Arragon de Mendoza, général en chef des armées d’Espagne, fait prisonnier à la bataille de Nieuport.

Grande fut la surprise des assistans à la vue de ce singulier équipage, mais plus grande encore au moment où il s’éloigna tout à coup de Scheveningen avec une vitesse extraordinaire. Le prince Maurice se plaça au gouvernail et prit de l’autre main la corde qui assujétissait la voile. Un vent sud-est s’éleva, et, en moins de deux heures, le char à voiles avait transporté ses passagers au village de Petten, dans la Nord-Hollande, à quatorze lieues de Scheveningen. Au moment où on s’y attendait le moins, le prince, feignant de ne plus pouvoir maîtriser le mouvement trop rapide de son embarcation, laissa le char s’avancer vers la mer ; une frayeur subite s’empara de l’équipage qui montait ce vaisseau d’un nouveau genre ; mais le prince, revirant de bord par un coup de gouvernail, prouva qu’il était aussi adroit pilote que général expérimenté.

Grotius, quoique jeune encore, était au nombre des voyageurs, et il a laissé une description de cette singulière traversée renouvelée dernièrement en Angleterre. Le burin de Jacques de Geyn a reproduit dans une gravure ce grand char à voiles, ainsi qu’un plus petit, conservés long-temps à Scheveningen l’un et l’autre, dont le dernier existait encore en 1802.

M…

CHARLESTOWN. Serpent de mer. — Le capitaine Delano, commandant la goëlette Lagle, arrivé à Charlestown, venant de Turtle-River, affirme que son équipage et lui ont vu le serpent de mer à un mille environ de la barre Seamans. Le capitaine lui a tiré un coup de fusil à balle, et la blessure qu’il lui a faite a excité la fureur du serpent à un tel point qu’il a frappé la goëlette avec une violence extrême. M. Delano décrit le serpent comme ayant 70 pieds de long et une épaisseur égale à une barrique de 60 gallons, 240 litres. Sa couleur est grise ; sa forme comme celle d’une anguille ; il est sans nageoires et couvert d’écailles. La tête et la gueule ont de l’analogie avec celles du crocodile. La tête a près de dix pieds de longueur, et la largeur d’un boucaut.


RÉPUBLIQUE DE LA PLATA.Continuation de la guerre civile. — On écrit de Buénos-Ayres : « La tranquillité publique dont on nous faisait espérer tous les jours le rétablissement vient d’être troublée de nouveau. Ce malheureux pays paraît être destiné à une éternelle agitation. Le général Quiroga, que notre gouverneur Rosas avait envoyé contre les troupes de Cordova, a été battu par Paz, le 25 février. D’après le rapport officiel que ce dernier a envoyé ici, Quiroga a perdu 1,200 prisonniers, parmi lesquels se trouvent un général et quatre officiers supérieurs ; 50 officiers ont été tués ; on ignore le nombre des soldats qui sont tombés sur le champ de bataille. Paz a pris 8 pièces de canon et 700 armures complètes, un grand nombre de sabres et beaucoup de munitions, 96 chariots, 2,000 bœufs, 3, 000 mules, beaucoup de chevaux et de bagages.

Le général Quiroga s’est présenté aux portes de cette ville, après sa défaite. Elle n’a point diminué l’ardeur de ses partisans. Le gouverneur Rosas est allé à sa rencontre, à San-José de Flores, suivi d’un peuple nombreux. Les deux chefs se sont embrassés et ont été ramenés en carosse au milieu des acclamations de la multitude. Le soir, on a tapissé et illuminé les fenêtres, et célébré de toutes les manières l’arrivée du général pour qui la défaite s’est ainsi convertie en triomphe. L’enthousiasme était porté à un tel degré, que quelques-uns de ses partisans ont jeté des pierres aux balcons et cassé les vitres de quelques maisons des citoyens de l’opinion contraire.

Des plénipotentiaires du général Paz étaient attendus à Buenos-Ayres, porteurs de propositions de paix. »

Buénos-Ayres, 28 mars 1830.
D…


  1. Suivant la latitude à laquelle on fait la pêche.
  2. On a peine à croire qu’il existe une classe d’hommes issue des maîtres de l’Inde, et qui est peut-être plus malheureuse que les dernières castes des Hindous. D’après une de leurs pétitions, ils n’auraient point d’état civil, ils seraient exclus de tout emploi dans l’administration publique, ils ne pourraient servir dans l’armée que comme tambours ou musiciens, etc., etc. Nous consacrerons bientôt un article à un sujet si digne de fixer l’attention publique, non-seulement dans l’Inde, mais encore en Europe.
  3. Cela est douteux. Les autres femmes indiennes n’ont plus certainement que du mépris pour cette pauvre veuve : elle même doit gémir tous les jours de sa faiblesse, tant à cet égard il y a de fanatisme dans les croyances religieuses de l’Inde ! Peut-être serons nous assez heureux pour fournir un jour une preuve tout-à-fait nouvelle de ce que nous avançons ici, en faisant connaître la relation d’un événement dramatique qui s’est passé dans nos établissemens français de l’Inde, il y a quelque temps. La veuve d’un bramine devait se brûler. Le procureur général, M. Moiroud, mit tout en œuvre pour empêcher le sacrifice. Il fit distribuer à la bramine et aux brames les fragmens des anciens livres sacrés, où le suicide des femmes se trouve expressément défendu. Il obtint même de ces derniers la promesse qu’une modique pension serait accordée à la veuve pour subvenir à ses besoins. Enfin, après un jour entier de résistance, après avoir lutté avec le procureur général pendant plusieurs heures d’une conversation où elle déploya une énergie et une force de raisonnement incroyables, la bramine céda : mais elle déclara en même temps qu’elle était loin d’être convaincue, qu’elle avait perdu pour jamais le bonheur et le repos, qu’elle se regardait comme déshonorée à ses propres yeux et à ceux de sa famille, et qu’elle rendait le gouvernement responsable de son avenir : « Car, ajouta-t-elle, je reste inébranlable dans ma foi, mais j’ai voulu obéir au roi de France. »

    P. M. directeur.
  4. Nous en possédons en France quatre exemplaires.