Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/15/1787/Avril

Texte établi par Maurice Tourneux, Garnier frères (Volume 15p. 31-50).
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AVRIL.

« J’étais à Berlin depuis près d’une année, et je comptais y passer plusieurs mois encore, lorsque j’ai appris la convocation des notables. Aussitôt je me suis dit : Dans cette occasion solennelle, tu payeras le tribut de ton faible talent à ton pays, à ton roi… » C’est ainsi que s’exprime M. le comte de Mirabeau dans l’avertissement qu’il a mis à la tête d’une nouvelle brochure intitulée Dénonciation de l’agiotage au roi et à l’assemblée des notables, par le comte de Mirabeau, avec ces deux vers de Voltaire pour épigraphe :


Pensais-tu qu’un instant ma vertu démentie
Mettrait dans la balance un homme et ma patrie ?


Il pourra paraître assez gai, du moins à quelques personnes, de voir le patriotisme de M. de Mirabeau faire hommage de son retour en France à un événement qui nous promet une des plus heureuses et des plus importantes révolutions qu’ait encore éprouvées le régime intérieur de la monarchie. Ne voudrait-il pas nous faire compter au nombre des biens attachés à cette grande époque le bonheur de revoir au sein de la patrie l’illustre auteur de tant de beaux pamphlets contre la Compagnie des Eaux, la Banque de Saint-Charles, la Caisse d’Escompte, etc. ? Cette prétention, si digne de la modestie du vainqueur de Beaumarchais, prouve au moins que les grands effets ne sont pas toujours produits par les plus petites causes.

Nous nous garderons bien d’entreprendre une analyse suivie de la nouvelle diatribe de M. de Mirabeau ; nous nous trouverions forcés de répéter ce que nous avons déjà eu l’honneur de vous dire à l’occasion de ses derniers écrits. L’énergie avec laquelle il attaque encore dans celui-ci la fureur de ce jeu, dont les suites pernicieuses déshonorent et ruinent le commerce, mérite des éloges ; mais le ton continuellement déclamatoire de son style fatigue, et s’oppose par là même souvent à l’effet qu’il voudrait produire. Ce qui peut rendre encore son zèle assez suspect, c’est l’adresse avec laquelle il ne fait tomber les foudres de son éloquence que sur les joueurs à la hausse, quelque évident qu’il soit qu’il n’y aurait point de joueurs à la hausse s’il n’y avait point de joueurs à la baisse. Une partialité si prononcée n’a pas manqué de faire soupçonner les chefs de ce dernier parti, les Clavière, les Panchaud[1] et autres, d’avoir encore sollicité cette dernière production au même prix auquel ils avaient obtenu les précédentes.

Un reproche que l’on a bien plus de raison de faire à M. de Mirabeau, et qui porte sur l’objet même de son livre, c’est qu’il se borne uniquement à déclamer contre l’agiotage, sans proposer au gouvernement ou à MM. les notables, pour lesquels il semble surtout avoir voulu écrire, une seule vue, un seul moyen propre à arrêter la frénésie de ce jeu, qu’il condamne avec autant de justice que de violence et d’emportement. Pour prétendre à la reconnaissance due à l’écrivain qui cherche à éclairer son pays, suffirait-il donc de savoir exciter la curiosité maligne du public par les personnalités les plus odieuses, par les invectives les plus dures, par tous les artifices qui appartiennent au génie du libelle ? Et pour avoir ensuite l’audace de signer un pareil pamphlet, se croirait-on fort au-dessus de ceux qui, écrivant dans le même genre, se trouveraient encore ou trop de crainte ou trop de pudeur pour afficher un si triste métier avec le même courage ?

Parmi les noms que M. de Mirabeau s’est cru obligé de dévouer cette fois-ci au mépris et à l’indignation publique, c’est celui de l’abbé d’Espagnac qui lui a paru mériter la préférence. On sait que ce jeune ecclésiastique, qui avait annoncé d’abord quelques talents littéraires[2], jeté dans l’agiotage, s’y est acquis véritablement la plus grande célébrité. Il y a un an qu’il n’avait pas cinquante mille francs de fonds ; depuis ce temps, il n’a tenu plus d’une fois qu’à lui de réaliser deux ou trois millions. Aujourd’hui la hardiesse de ses spéculations a tellement enveloppé toutes les affaires, les a si étrangement enlacées, y a porté tant de trouble et d’embarras, qu’il est peut-être dans ce moment peu de maisons de banque à Paris dont la fortune ne soit plus ou moins intéressée au soutien ou à la ruine de son crédit. Le plan à l’aide duquel il est venu à bout de s’emparer de toutes les actions de la nouvelle Compagnie des Indes, et de mettre par là même à sa merci tous les joueurs à la baisse ; ce plan qui, en dernier résultat, pourrait bien n’être qu’une escroquerie profondément combinée, est tombé par bonheur et par malheur entre les mains de M. de Mirabeau ; il l’a fait imprimer à la suite de son ouvrage, et il faut convenir que ce n’en est ni la partie la moins utile ni la moins piquante.

M. de Mirabeau termine son ouvrage par une tirade des plus âcres, et où il n’a pas craint de désigner avec la dernière insolence l’homme en place à qui nous devons l’exécution de tant de projets d’utilité publique désirés depuis si longtemps, mais qui, sans l’auguste assemblée faite pour consacrer à jamais le règne bienfaisant de Louis XVI, seraient peut-être encore au rang de ces vaines spéculations que rêve l’amour du bien public, et que l’activité de l’intérêt personnel parvient trop souvent à rendre impraticables. Des gens instruits soutiennent que M. de Calonne aurait pu se garantir des traits de notre moderne Arétin, en lui payant honnêtement tout le mal qu’il a dit de M. Necker ; c’est son refus qui lui a valu, dit-on, les traits que voici :

« Vous, que le père de la patrie convoque pour délibérer sur la chose publique, ô vous, les aînés de ses enfants, ah ! ne traitez pas de craintes chimériques mes prédictions terribles ! Osez montrer au roi leur probabilité dans toute son étendue ! Osez lui dire que nous avons depuis trois ans de trop sûrs indices de ce qu’il nous faut attendre du système des finances sous lequel nous vivons ! Qu’il y va de son bonheur et de sa gloire de n’en pas laisser le plus léger vestige ! Que si l’agiotage n’est pas étouffé, et l’administration la plus sévère montrée à tous ceux qui participent au plus déplorable des jeux, le crédit public est perdu, les finances sont irrémédiablement bouleversées, les ressources taries, la banqueroute inévitable. Dites-lui, et son cœur vertueux n’aura pas de peine à vous croire, que dans les fonctions du gouvernement l’habileté exclut l’improbité ; que les hommes publics, dont la morale est universellement odieuse, doivent être repoussés, quelque idée qu’on ait pu se former d’ailleurs de leurs prétendus talents ; que le bien dire ne dispense pas du bien faire ; que la souplesse de l’esprit, la facilité du travail, les grâces du style, les préambules élégants, les beaux discours sont autant de pièces de conviction contre le ministre qui expose avec art les bons principes, et les élude ou les insulte dans l’exécution. »

Cette manière de justifier l’épigraphe du livre a déplu au roi ; une lettre de cachet, qui l’engageait à aller exercer sa noble censure au château de Saumur, mais dont il a pourtant eu le bonheur d’être prévenu quelques heures d’avance, a forcé M. de Mirabeau à quitter encore une fois sa patrie, et cet acte de justice a beaucoup mieux vengé toutes les personnes qui avaient à se plaindre de lui que l’épigramme suivante, qu’on attribue au prétendu comte de Rivarol :


Puisse ton homélie, ô pesant Mirabeau,
Écraser les fripons qui perdent nos affaires !
Le voleur converti doit devenir bourreau,
Et prêcher sur l’échelle en rouant ses confrères.


PORTRAIT DES MARIS,
CHANSON.

Un amant léger, frivole,
D’une jeune enfant raffole :
Doux regard, belle parole
Le font choisir pour époux.
Soumis quand l’hymen s’apprête,
Tendre le jour de la fête,
Au moment du tête-à-tête
Il faut déjà filer doux.

Sitôt que du mariage
Le lien sacré l’engage,
Plus de vœux, pas un hommage,
Plaisirs, talents, tout s’enfuit.
En vertu de l’hyménée
Il vous gronde à la journée,
Baille toute la soirée ;
Et Dieu sait s’il dort la nuit.

Sa contenance engourdie,
Quelque grave fantaisie,
Son humeur, sa jalousie,

Oui, c’est là tout notre bien ;
Et pour avoir l’avantage
De rester dans l’esclavage,
Il faut garder au volage
Un cœur dont il ne fait rien.


INSCRIPTION
DONNÉE À M. LE MARQUIS DE LAFAYETTE PAR M. MARMONTEL,
POUR LE BUSTE DU GÉNÉRAL WASHINGTON.

Te belluosus qui remotis
TeObstrepit oceanus Britannis,
Te non paventis funera Galliæ
Duræque tellus audit Iberiæ ;
TeTe cæde gaudentes Sicambri
Te Compositis venerantur armis[3].

(Hor. Ode xiii, l. IV.)

Une Année de la Vie du chevalier de Faublas, cinq volumes petit format.

C’est une année de la vie d’un jeune homme de qualité qui entre dans le monde ; il a seize ans, arrive à Paris, et devient éperdument amoureux de Sophie de Pontis, jeune personne qui demeure dans le même couvent que sa sœur ; mais cette grande passion ne l’empêche pas de se livrer tous les jours à de nouvelles illusions ; il passe sa vie à concilier son amour avec ses bonnes fortunes, et j’ai trouvé des lecteurs moins étonnés de la facilité avec laquelle il y réussit, que du merveilleux talent avec lequel on le voit suffire à tant de travaux. La belle marquise de B*** est l’heureuse enchanteresse qui se charge de l’éducation de notre jeune Hercule ; c’est une femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, qui sait tirer parti de tout, ne s’embarrasse de rien, et joint à la présence d’esprit la plus imperturbable infiniment d’usage, d’intrigue et de séduction. Son mari est tel qu’on pouvait le désirer, aussi fat qu’imbécile, un vrai personnage de comédie ; il finit, à la vérité, par ouvrir les yeux et vouloir venger son honneur, mais cela lui réussit mal, on le tue ; et si après ce duel le chevalier est obligé de s’enfuir, il emmène, pour s’en consoler, sa chère Sophie ; elle se trouve être la fille du meilleur ami de son père, et il l’épouse.

Le récit des malheurs du père de Sophie, un des confédérés de Pologne, épisode où l’on a fait entrer l’histoire singulière de l’enlèvement du roi à Varsovie, une expédition de Tartares et d’autres aventures également étrangères à nos mœurs, pour être fort romanesque, n’en forment pas moins un contraste assez piquant avec toutes les scènes de boudoir qui occupent la plus grande partie de ce nouveau roman ; mais ce qui distingue de la manière la plus favorable le talent de l’auteur, c’est le grand nombre de situations et de scènes plaisantes qu’offre son ouvrage. Il en est sans doute où la gaieté paraîtra poussée un peu trop loin, mais dont le génie original de Collé n’eût désavoué ni l’idée ni l’exécution ; plusieurs sont toutes dialoguées et semblent faites pour le théâtre ; on y trouve autant d’esprit que de naturel et de vérité, quelques-unes même ont un côté très-moral, telles que la scène où la marquise, déguisée sous les habits du vicomte de Florville, et cachée dans un cabinet, entend de quelle manière la traite le baron dans les remontrances qu’il se croit obligé de faire à son fils, etc.

L’auteur de ce roman est M. Louvet ; c’est un jeune homme de vingt-six à vingt-sept ans, qui, comme M. Rétif de La Bretonne et le célèbre Richardson, a commencé par être prote d’imprimerie. Il a trouvé, comme son héros, une Sophie, il l’a épousée, et avec elle une petite dot qui lui permet, dit-on, de se livrer entièrement à son goût pour les lettres.


VERS D’UN OFFICIER D’ARTILLERIE[4].

Quand Orosmane furieux
Se fut passé la fantaisie
De tuer l’objet de ses feux,
Je crois bien qu’il en fut honteux,
Car dans la bonne compagnie
L’on rit d’un époux ombrageux ;

Mais ce ne fut qu’un ridicule
Que se donna notre héros,
Et s’il en perdit le repos,
Ce fut par excès de scrupule.
On dit qu’il en eut tant d’ennui
Qu’il se tua ; je veux le croire,
Mais n’en déplaise à sa mémoire,
Peu de gens feront comme lui ;
Car on peut dire à notre gloire
Que nous avons tous aujourd’hui
Une douceur bien méritoire
À supporter les maux d’autrui.
Mais quand dut se trouver à plaindre
Notre héros ? ce fut alors
Que, malgré son rang, ses trésors
Et ses eunuques, il dut craindre
D’être trahi ; car, entre nous,
Pour un amant fier et jaloux
(Et tout homme l’est à l’extrême),
N’est-ce pas une vérité,
Que voir mourir ce que l’on aime
Vaut mieux que d’en être quitté ?
Si vous doutez de mon système,
Interrogez tous vos sultans :
De ces messieurs Paris abonde ;
On ne voit qu’eux dans le grand monde,
Bien scélérats, bien séduisants,
Petits despotes de tendresse,
Un peu Français par la faiblesse,
Mais bien Turcs par les sentiments.
D’ailleurs, à quoi devait s’attendre
Notre héros ?… Mari jaloux
D’une Française jeune et tendre,
Ignorait-il que les verrous,
Ni tous les soins que l’on peut prendre,
N’ont jamais garanti l’époux
Quand l’épouse a voulu se rendre ?
Si l’on veut s’en mettre en courroux
Et tout tuer ; si l’homme sage
Ne sait pas s’armer de courage
Et braver ce léger hasard,
Maris, prenez tous un poignard :
Un peu plus tôt, un peu plus tard,
Vous pourrez tous en faire usage.
Oui, malgré les beaux sentiments
Si bien exprimés par Voltaire,
Malgré les vœux et les serments

Et tout ce langage ordinaire,
Vain protocole des amants,
L’hymen n’a point de feux constants.
Zaïre aurait été légère,
Et le sultan, dans sa colère,
Ne s’est trompé que sur le temps.


CONTE VRAI,
PAR M. DE RULHIÈRE.

Dans le palais auguste où le meilleur des rois
Assemble ses sujets pour balancer leurs droits,
En robe du vieux temps, la femme d’un notable[5],
De vive repartie et d’humeur agréable,
D’un antique damas qu’elle apporta de Tours,
Étalait dignement le superbe ramage,
Et de ses larges fleurs les ondoyants contours.
Un jeune courtisan[6], cette espèce est peu sage,
Voit la dame au damas, l’aborde lestement,
Et baise du vieux goût les pompeuses reliques.
« Eh ! mais, d’où vous vient donc ce vif empressement ?
— Madame, pardonnez ; moi, j’aime les antiques,
Et mon cœur enchanté ne voit rien au-dessus.
— Vous les aimez ? Eh bien, il faut vous satisfaire,
Et vous n’avez, monsieur, qu’à baiser mon derrière ;
L’antiquité vous plaît, il a vingt ans de plus. »


ÉPITRE AUX ROMAINS
SUR LE RÔLE DE DIDON, JOUÉ PAR Mme SAINT-HUBERTY
À STRASBOURG[7].

Romains, qui vous vantez d’une illustre origine,
Voyez d’où dépendit votre empire naissant :
Didon ne put trouver d’attrait assez puissant
Pour retarder la fuite où son amant s’obstine.
Mais si l’autre Didon, l’ornement de ces lieux,
MaisEût été reine de Carthage,
Il eût pour la servir abandonné ses dieux,
Et votre beau pays serait encor sauvage.


ÉPITAPHE DE MON VOISIN
PAR M. L’ABBÉ DE LA REYNIE.

Ci-gît le compère Clément,
Honnête citoyen normand,
Qui rendait très-exactement
Salut, visite, compliment,
Tout en un mot, hormis l’argent
Qu’on lui prêtait imprudemment.


REQUÊTE PRÉSENTÉE À M. LE BARON DE BRETEUIL[8].

Monseigneur, supplie avec la plus profonde soumission Denis Topineau, bourgeois de Paris, y demeurant, rue de Poitou, au Marais, maison du chapelier, et dit :

Que le jour d’hier, à une heure après midi environ, il passait son chemin dans une contre-allée du boulevard Saint-Honoré, entre le corps de garde du guet et le chantier de la Madeleine, pour aller manger la soupe avec son épouse qui avait mis le pot au feu ; il ne pensait à rien lorsqu’un carrosse, qui était arrêté dans la contre-allée, à la porte d’une maison, est parti tout à coup, l’a frappé du timon dans les côtes, et l’a jeté les quatre fers en l’air ; le suppliant a bien vite recommandé son âme à Dieu, car il s’est cru mort, ou pour le moins estropié. Il s’est relevé à grand’peine, à l’aide de braves gens qui l’ont reconduit chez lui par-dessous le bras. Quand son épouse l’a vu revenir dans cet état, avec la culotte crottée et déchirée, elle s’est mise à jeter les hauts cris et à se trouver mal. On a appelé l’apothicaire du coin, qui l’a visité et qui lui a trouvé une grosse meurtrissure, sur laquelle un de ses garçons a appliqué un cataplasme de vulnéraire suisse, disant qu’il souffrirait beaucoup pendant six semaines, mais que ce n’était rien. En voyant cela, Mme Topineau s’est un peu consolée ; les voisins et elle voulaient le faire saigner, mais il n’a pas voulu, attendu qu’il craint la saignée. Le suppliant reconnaît, monseigneur, que ce n’est pas la faute du carrosse s’il n’est pas roué ou s’il n’a pas quelque membre de moins, et qu’il doit une belle chandelle à Dieu. Les braves gens qui l’ont reconduit chez lui ont dit que le cocher et la bourgeoise qui était dedans, et le valet qui était derrière, en habit d’écarlate, riaient à gorge déployée de sa culbute ; qu’il y avait un autre carrosse et deux cabriolets bien haut montés à la porte de la maison dans ladite contre-allée, qui s’étouffaient de rire ; que c’était une dame à équipage qui logeait en cette maison ; que cette dame était une fille de joie appelée Mlle Rosalie ; que le carrosse dont il s’agit était le sien, ou peut-être celui du monsieur ; qu’on avait placé, il est vrai, sur la chaussée de cette partie du boulevard des pierres de taille pour la nouvelle église de la Madeleine, qui gênaient un peu, mais qui n’empêchaient pas les carrosses de s’y ranger et de laisser la contre-allée libre ; qu’au demeurant il était plus opportun que ladite demoiselle Rosalie se donnât la peine de traverser à pied la contre-allée et les pierres de taille pour aller chercher son équipage sur la chaussée du bout, que de passer sur le ventre aux bourgeois de Paris qui paient la capitation, les vingtièmes, et sont tout prêts à payer la subvention territoriale ; que ce n’était pas le premier malheur qui était arrivé, non plus que dans d’autres contre-allées, particulièrement au coin de celle de la rue Favart, près la Comédie-Italienne, ou dans une autre au-dessus de l’Opéra, boulevard Saint-Martin, où il logeait aussi des filles de joie ; que cependant la contre-allée du boulevard n’était que pour les gens de pied, et que les carrosses, cabriolets et chevaux n’y devaient jamais entrer ; que pour être fille de joie on n’avait pas le droit d’écraser tout le monde ; que c’étaient apparemment quelques-uns de messieurs les commissaires ou inspecteurs de police qui donnaient ces permissions, puisqu’on le souffrait sans rien dire, mais qu’elles étaient contraires aux privilèges des bourgeois de Paris ; que gens de pied seraient pourtant les plus forts s’ils le voulaient, mais qu’on se compromettrait en allant se battre avec sa canne contre des chevaux et autres animaux ; que si le roi savait tout cela, il y mettrait bon ordre.

Le suppliant, qui par bonheur en est quitte pour des contusions et sa culotte gâtée et déchirée, dont il compte être guéri dans six semaines, a trop de sentiments pour répéter des dommages et intérêts contre la demoiselle Rosalie ; mais comme il a peur de n’en être pas quitte à si bon marché une autre fois, il a été conseillé, monseigneur, de recourir à ce qu’il vous plaise rendre compte au roi de son exposé ; ce faisant, défendre aux carrosses, cabriolets et chevaux, de quelque qualité et condition qu’ils soient, de fouler aux pieds les bourgeois de la bonne ville de Paris ; ordonner auxdits carrosses, cabriolets et chevaux de se tenir sur la chaussée du boulevard, et non dans les contre-allées, sans que, sous aucun prétexte, ils puissent occuper lesdites contre-allées et y rouler pêle-mêle avec les gens de pied, au grand préjudice de ceux-ci ; ordonner pareillement que les rues soient mieux balayées ; et ferez justice.

— On a donné, le 17 mars, sur le Théâtre-Italien, la première représentation du Mensonge officieux, comédie en deux actes et en prose, mêlée d’ariettes. Le poëme est de M. Piccini fils, auteur du Faux Lord et de Lucette. La musique est de M. Piccini père.

Damis, entraîné par la contagion de l’exemple et les conseils de ses amis, a dissipé sa fortune et encouru l’indignation de son oncle. Il est aimé d’une jeune veuve qui, sous prétexte de voir ses tableaux et sa collection d’histoire naturelle qu’il vient de vendre, lui fait demander à souper. Damis se reproche sa conduite et ne veut pas tromper sa maîtresse ; il ordonne à son valet de lui porter une lettre dans laquelle il lui fait l’aveu de ses fautes et de sa situation. Il le charge encore de lui remettre une lettre à son adresse, qu’il vient de recevoir de son oncle. Frontin, pour ne point faire rompre un mariage qu’il regarde comme la seule ressource qui reste à son maître, imagine de persuader à la jeune veuve que son amant veut éprouver sa tendresse en répandant le bruit qu’il était ruiné, en le confirmant par son propre aveu et en l’appuyant encore par une lettre que son oncle lui a écrite d’accord avec lui. La jeune veuve, blessée de l’idée d’une pareille défiance, reçoit fort mal Damis et l’accable de reproches. Explication entre les deux amants. Frontin rappelé avoue sa supercherie. On lit alors la lettre de l’oncle, que la dame, dans son indignation, n’avait pas encore ouverte ; elle contient le pardon de Damis en faveur de son mariage avec la jeune veuve.

Ce petit drame est imité du Valet menteur de Garrick. L’action en a paru froide et languissante ; elle n’est pas plus avancée au commencement du second acte qu’elle ne l’est à la fin de la première scène ; le dialogue d’ailleurs n’a rien de comique ni d’intéressant. Sans plusieurs morceaux de musique dignes du talent de Piccini et chantés supérieurement par Mlle Renaud, la pièce n’eût pas même été jusqu’à la fin.

— Le 22 mars on a donné sur le même théâtre la première représentation de Toinette et Louis, divertissement en deux actes et en prose mêlé d’ariettes, paroles de M. Patrat, auteur des Méprises par ressemblance, musique de Mlle Grétry, auteur de celle du Mariage d’Antonio.

Toinette est une jeune orpheline élevée par un fermier du pays de Caux ; elle est aimée et elle aime le jeune Louis, garçon sage, laborieux, mais sans fortune. Un Anglais retiré dans leur village et qui soupçonne l’amour de ces jeunes gens conçoit le projet de les unir ensemble. Il s’adresse au fermier et le charge de demander la main de Toinette à un vieil invalide, son grand-père. Une jeune fille, cachée derrière des rosiers pour écouter leur entretien, ne doute pas que ce ne soit pour lui-même que cet Anglais demande la main de Toinette ; elle court en avertir les deux amants qui sont au désespoir et refusent l’un et l’autre de signer le contrat de mariage qu’on leur présente. Le grand-père est prêt à le déchirer lorsqu’ils apprennent que l’Anglais, pour les unir, leur assurait à tous deux une dot fort honnête ; ils tombent aux genoux de leur bienfaiteur et la pièce finit comme on ne pouvait manquer de le prévoir. Le dénoûment n’est retardé que par une scène de brouillerie entre les deux amants, trop fidèlement imitée de celle de Blaise et Babet. Des ressemblances si grossières, des moyens si usés, le peu d’intérêt et de vérité qu’il y a dans le style de ce nouveau drame n’ont pu être sauvés par la musique qu’on a trouvée fort inférieure à celle du Mariage d’Antonio, mais on a vivement applaudi le dernier couplet du vaudeville :


Jeunes rosiers, jeunes talents
Ont besoin du secours du maître.
Un petit auteur de treize ans
Est un rosier qui vient de naître.
Il n’offre qu’un bouton nouveau ;
Si vous voulez des fleurs écloses,

Daignez étayer l’arbrisseau,
Quelque jour vous aurez des roses.


Malgré le succès de ce couplet, lorsque les amis de l’auteur se sont empressés à le demander, une voix sortie du parterre a crié à l’acteur qui venait d’annoncer qu’on l’avait cherché inutilement et qu’on ne savait où le trouver, qu’il était sûrement retourné à l’école. Toinette et Louis n’ont eu qu’une représentation.

— Le petit divertissement donné, suivant l’usage, pour la clôture de ce spectacle, a été composé cette année par le Cousin Jacques, l’auteur des Lunes, M. Beffroy de Reigny. Ce sont les adieux d’un seigneur bienfaisant ; ses jardiniers, toujours empressés à lui témoigner leur zèle en cultivant très-bien son jardin, expriment, chacun à sa manière, les regrets que leur cause son absence. L’idée de ce compliment n’est pas très-neuve, mais on y a trouvé plusieurs couplets d’un tour agréable et facile, tels que celui-ci :


De vot’présence s’voir bannir,
DeAh ! queu douleur amère !
Vous qu’on voit toujours applaudir
DeAu désir de vous plaire,
J’ons des bouquets d’tout’les couleurs
DeÀ vous donner encore.
Il est juste d’offrir des fleurs
DeÀ qui les fait éclore.


On a trouvé quelque chose de plus neuf et de plus original dans le compliment fait cette année à la clôture de la Comédie-Française par le sieur Naudet ; il s’est permis de faire entendre au public que si les acteurs et les auteurs du jour n’étaient pas meilleurs qu’ils ne sont, ce pourrait bien être sa faute. « C’est à vous, a-t-il dit, qui êtes nos maîtres, de nous ramener à cette fidèle imitation de la nature, et j’oserai vous dire que si nous avions le malheur de nous en écarter, ce serait vous-mêmes peut-être, vous, messieurs, qu’il faudrait en accuser. Si par l’habitude d’une longue jouissance vous avez paru vous refroidir un peu pour les anciens chefs-d’œuvre de la scène, obligés de suivre, pour ainsi dire, vos goûts momentanés, peut-être nous est-il arrivé de les négliger nous-mêmes, etc.[9]. »

Messieurs du parterre, aussi peu accoutumés à s’entendre dire des vérités que s’ils étaient les maîtres du monde, ont pensé d’abord se fâcher ; il y a même eu quelques murmures très-prononcés, mais auxquels ont ensuite succédé les plus grands applaudissements.

Réclamation d’un citoyen contre la nouvelle enceinte de Paris, élevée par les fermiers généraux. Brochure in-8o[10].

L’auteur anonyme prétend prouver que la nouvelle enceinte, élevée uniquement pour assurer davantage la perception des droits d’entrée, nuit à la salubrité de l’air, et qu’en donnant plus d’étendue à la capitale, elle rend plus difficiles les moyens de prévenir les maux, les abus, les désordres qui l’inondent. Ses arguments, quant au premier point, ne décèlent qu’une grande ignorance ; sur tout le reste, n’avançant que des assertions fort vagues, fort communes et fort exagérées, il ne nous apprend rien de plus que ce vers si digne de Chapelain, qu’on a vu gravé ces jours derniers sur un coin de la nouvelle muraille :


Le mur murant Paris rend Paris murmurant.


La Religion considérée comme l’unique base du bonheur et de la véritable philosophie ; ouvrage fait pour servir à l’éducation des enfants de S. A. R. monseigneur le duc d’Orléans, et dans lequel on expose et l’on réfute les principes des prétendus philosophes modernes. Un gros volume in-8o, avec cette épigraphe tirée des sermons de Massillon : « Il y a dans les maximes de l’Évangile une noblesse et une élévation où les cœurs vils et rampants ne sauraient atteindre. » Par Mme la marquise de Sillery, ci-devant Mme la comtesse de Genlis.

Le bon roi David avait commencé par jouer de la harpe ; il finit par être un héros, et, qui plus est, un prophète. Mme la marquise de Sillery a débuté, dit-on, dans le monde comme le prophète-roi : eh bien ! serait-ce une raison pour ne pas lui pardonner aujourd’hui d’aspirer au titre glorieux de Mère de l’Église ? Le charme des talents agréables occupa les premières années de sa vie, et l’on put croire longtemps que le désir de plaire était sa seule étude. Ses premiers ouvrages, ses Mères rivales, et les deux premières parties de son Théâtre d’éducation, annoncèrent déjà des vues plus élevées, mais on n’y pouvait reconnaître encore qu’une prétention qu’il y aurait eu bien de l’humeur à lui disputer, celle de paraître dans ses écrits, aux yeux de la postérité, ce qu’elle ne pouvait manquer d’être aux yeux de tous ceux qui avaient alors le bonheur de la voir, une femme charmante, pleine d’esprit, de grâce et de naturel. En admirant encore dans ses Veillées du château, ainsi que dans son Adèle et Théodore, un mérite de style infiniment rare et des morceaux entiers d’une imagination très-douce et très-sensible, le public parut juger l’ensemble de ces deux ouvrages avec plus de sévérité ; il y remarqua des principes hasardés avec autant d’assurance que de légèreté, des satires trop amères, ce ton imposant, sans aucun droit à l’être, dont elle a fait souvent elle-même une critique si fine et si juste, et qui sied sûrement encore moins au visage d’une jolie femme qu’à celui d’un sage ou d’un docteur. Ses Annales de la vertu n’offrent qu’une compilation également dépourvue de méthode et d’intérêt ; si c’est de tous ses ouvrages celui qui a le plus ennuyé, c’est peut-être aussi celui qui lui appartient le moins. Quoi qu’il en soit, tous ces ouvrages qu’on vient de rappeler, et dont la collection complète forme déjà quinze ou seize volumes de quatre ou cinq cents pages chacun, tous ces ouvrages n’étaient que des leçons de morale, de littérature et de philosophie. Celui que nous avons l’honneur de vous annoncer est un livre de théologie et même de controverse ; l’objet qu’on s’y propose est de défendre la religion, et de la défendre contre ses plus dangereux ennemis, les philosophes modernes. Voici de quelle manière on a cru devoir exécuter cette pieuse entreprise.

On commence par rapporter quelques passages de Clarke et de l’abbé Gauchat, pour démontrer l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Il y a longtemps qu’on a rendu justice à l’excellent traité de Clarke, mais la plupart de nos lecteurs auront besoin sans doute qu’on leur fasse connaître l’abbé Gauchat ; c’est un grand docteur en théologie qui a fait un petit ouvrage en dix-huit ou vingt volumes seulement, intitulé Lettres critiques, ou Analyse et réfutation de divers écrits modernes contre la religion[11] ; c’est un si beau livre que personne n’a jamais pu le lire, et que Mme de Sillery, malgré tout son respect pour l’auteur, est convenue elle-même n’en avoir pas osé citer quatre phrases de suite sans en retoucher le langage. Ce premier point de doctrine si heureusement établi, l’on passe tout de suite à l’éternité des peines, et il n’est aucun dogme de notre sainte religion sur lequel on se soit arrêté avec plus de complaisance. L’auteur y paraît tendrement attaché ; après avoir fait sentir, dans un assez long chapitre, tout l’agrément et toute l’utilité des peines éternelles, sa morale croit pouvoir se passer des remords ; il nie absolument que les scélérats en soient susceptibles : à ce compte, vous voyez que la conscience n’est plus qu’un effet de la grâce. On explique l’aveuglement spirituel par quelques passages des sermons de Bourdaloue. Le péché originel n’est pas de nos mystères celui qu’on trouve le plus incompréhensible ; on lui consacre cependant un chapitre entier, et l’on se contente de quatre ou cinq pages pour expédier tous les autres. On revient ensuite à des réflexions sur la création et sur la Providence, où l’auteur semble reprendre son ton naturel, celui d’une éloquence simple et touchante. Il paraît s’en écarter encore de nouveau en voulant prouver théologiquement la nécessité d’un culte, d’une révélation, en discutant de la même manière la mission divine des apôtres et des prophètes. Dans toute cette première partie de l’ouvrage, qui n’est pas à beaucoup près la plus étendue, il est aisé de s’apercevoir que l’auteur se fatigue très-vainement à vouloir manier des armes qui ne sont point du tout à son usage.

Mme de Sillery retrouve un emploi plus heureux de son talent lorsque sa charité se permet d’attaquer plus directement le ridicule de nos philosophes modernes ; les traits dont elle peint leurs préjugés, leur fanatisme, leur inconséquence, leur morgue et leur orgueil pourront paraître quelquefois assez piquants ; nous citerons, par exemple, la manière dont elle caractérise l’auteur de la Vie de M. Turgot : on sait que c’est M. le marquis de Condorcet. « L’auteur, froid, sérieux, compassé, propose tranquillement le bouleversement total des lois et des coutumes religieuses, politiques et civiles ; il ne s’anime jamais ; il débite les maximes les plus bizarres avec cette pesanteur que l’on ne reproche guère qu’à la raison ; sa folie ne ressemble point au délire, elle n’est point par accès ; elle est constante, égale, flegmatique, et quoique excessive, elle n’amuse point ; elle est si monotone, elle se manifeste d’une manière si peu piquante qu’elle n’inspire ni curiosité ni surprise. La destinée du livre a été aussi extraordinaire que le livre même ; il attaquait la religion, le gouvernement et les lois, et il n’a point fait de bruit. » C’est d’une manière beaucoup plus détournée que M. de La Harpe s’est senti vivement blessé de la citation d’un certain auteur dramatique (nommé Magnon), beaucoup moins célèbre par ses talents que par l’excès de son amour-propre et de son orgueil, qui, dans la préface de sa Jeanne de Naples (mauvaise tragédie), dit au lecteur : « Mon entreprise est de te produire, en dix volumes de vingt mille vers, une science universelle, mais si bien conçue et si bien expliquée, que les bibliothèques ne te serviront plus que d’un ornement inutile, etc., etc. »

Si la charité seule a pu dicter tant de traits d’une satire plus ou moins personnelle, c’est ce que nous n’examinerons point ici ; mais ne paraîtra-t-il pas toujours assez singulier que les trois quarts d’un ouvrage intitulé la Religion considérée comme la base unique du bonheur et de la véritable philosophie soient employés uniquement à relever les ridicules, les inconséquences, les fautes de langage et de goût de nos philosophes modernes ? Regardera-t-on comme une preuve fort édifiante de l’humilité chrétienne de Mme de Sillery, ci-devant Mme de Genlis, la prétention d’apprendre aux premiers écrivains de la nation leur langue, les premiers éléments de la grammaire et de la rhétorique ? Pourra-t-on se persuader encore que la preuve la plus évidente de la vérité de l’Évangile, puisque c’est celle que notre nouvel apôtre s’attache à faire valoir avec le plus de chaleur et de zèle, ce soit précisément le mauvais style de MM. de Voltaire, Diderot, d’Alembert, Marmontel, etc. ?

Il me semble que si j’étais docteur de Sorbonne, je ne pourrais voir tout ceci trop gaiement ; je me croirais obligé en conscience de dénoncer à la censure publique cette nouvelle manière de défendre la religion. Je prendrais pour mon texte ces paroles de saint Paul à Timothée : Gunaiki de didaskein ouk epitrepô, et je dirais :

« Nous n’avons pu voir sans la plus vive douleur qu’un livre dont le titre annonce un ouvrage fait pour inspirer la véritable piété cache en effet le poison subtil et dangereux d’une sagesse toute mondaine. Les dogmes de notre sainte religion y sont presque tous entièrement défigurés ; par un respect purement humain, on passe les uns sous silence, on a la témérité d’altérer les autres pour s’accommoder avec une lâche complaisance à la faiblesse et au ton du siècle. Les plus sublimes mystères y sont à peine rappelés. On cite des hérétiques pour prouver l’existence de Dieu, et l’on ne dit pas un mot de la Trinité. On glisse le plus légèrement du monde sur l’incarnation, la rédemption, le sacrifice de la messe, et quoiqu’on traite avec plus de confiance l’éternité des peines, on ne prend aucun soin de montrer le rapport de ce dogme important avec la justice et la miséricorde divines ; à peine est-il question du Purgatoire, dogme si précieux à l’Église.

« Au lieu de démontrer solidement tant de vérités, qui auraient assurément le plus grand besoin de preuves nouvelles, l’auteur se presse d’attaquer les philosophes, et de les attaquer avec des armes qui jusqu’alors n’avaient été employées que par la vanité des sages de ce monde. Vouloir rendre ridicules quelques philosophes, est-ce donc venger la sainteté de notre doctrine ? Que ne risque-t-on point d’ailleurs dans une pareille lutte ? Quand on parviendrait à persuader l’univers, ce qui n’est pas fait encore, que Voltaire et Diderot sont de méchants écrivains, la religion chrétienne en serait-elle mieux défendue ? Nos adversaires, avec moins d’esprit et de peine, ne prouveraient-ils pas plus clairement encore que nos théologiens, sans excepter l’abbé Gauchat, sont des écrivains ridicules ? À cela que gagnera la religion ? Loin de nous à jamais de si dangereux débats ! Qu’y a-t-il donc entre la sagesse du ciel et la sagesse du monde, entre d’éternelles vérités et quelques vaines délicatesses de langage et de goût ? Que fait à la piété le bon ou le mauvais style de quelques écrivains plus ou moins célèbres ? Devons-nous oublier que c’est à travers cette distinction des apôtres et des évangélistes que ressort davantage la majesté des divines Écritures ? Devons-nous oublier enfin que ce sont les balayures du monde, le rebut de la terre que Dieu a choisi pour faire éclater, au sein même de l’ignorance et de la faiblesse, tout le pouvoir de sa grâce et toute la gloire de son nom ?

« Désavouons donc hautement un ouvrage où l’on prétend soutenir la religion par des armes trop frivoles et trop peu dignes d’elle ; ce sont des secours profanes qu’il faut rejeter avec une sainte indignation, etc., etc. »

J’ajouterai tout bas à mes confrères : Au moment où les philosophes se taisent ou ne sont guère entendus lorsqu’ils parlent, conseillons à nos amis d’éviter tout ce qui pourrait renouveler la guerre ; ne réveillons pas le chat qui dort.



  1. C’est un homme d’esprit qui a fait banqueroute deux fois. M. de Mirabeau dit que c’est l’homme de nos jours qui sait le mieux concilier la morale et la politique. (Meister.)
  2. Il a fait un Éloge de Catinat qui obtint l’accessit à l’Académie française, et quelques Panégyriques de saints, entre autres celui de saint Louis. (Meister.)
  3. Et les monstres n’ont pu vous fermer cette mer
    TeQui bat les rives britanniques.
    Le Cantabre indocile, et le vaillant Gaulois
    Qui sait donner la mort et la voir sans alarmes,
    Le farouche Germain, tous vous rendent les armes
    TeEt respectent enfin vos lois.

    (Traduction de Daru.)
  4. Chauderlos de La Clos, auteur des Liaisons dangereuses.
  5. La femme du maire de Tours. (Meister.)
  6. Le prince de Léon. (Id.)
  7. Ces vers ont été attribués à Napoléon Bonaparte ; il est à remarquer toutefois qu’il n’a jamais été en garnison à Strasbourg et que ce n’est point là qu’il put applaudir la Saint-Huberty.
  8. Cette requête, qu’on pourrait bien prendre pour une plaisanterie, n’en est pas une ; elle a du moins eu des suites assez sérieuses pour la demoiselle Rosalie, actrice de la Comédie-Italienne, qui, sur la plainte de M. Topineau, a été priée d’aller passer sept ou huit jours à l’hôtel de la Force. N’y pouvant faire des heureux à la manière qui lui convient le mieux, elle a tâché d’en faire d’une façon plus méritoire, en délivrant quelques prisonniers pour dettes, et en faisant faire très-bonne chère à beaucoup d’autres. (Meister.)
  9. Ce compliment est une gaieté de M. Palissot. (Meister.)
  10. Par Dulaure.
  11. Paris, 1755 à 1763, 19 vol.  in-12.