Correspondance inédite de Hector Berlioz/131

Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 314-315).
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CXXXI.

À M. BERSCHTOLD, POUR M. LOUIS BERLIOZ, CHEZ M. DE ROTHSCHILD, RUE LAFITTE, 17.


Sans date, vers 1864 ou 1865.

Quand tu te sentiras plus calme, et j’espère que ce sera demain, reviens donc, cher Louis, dîner au moins à la maison, comme à l’ordinaire, pendant que tu es ici, si le déjeuner te dérange trop pour tes affaires. Mais cela me paraît incroyable ; tu as bien assez de cinq à six heures par jour et tu peux bien m’en donner deux. Voyons, réfléchis donc un instant : tu as des chagrins violents qui te troublent le cœur et la tête ; personne ne peut rien pour les calmer. Est-ce une raison pour être furieux contre tout le monde ?


Tu souffres ; viens donc auprès de ceux qui t’aiment ; sans parler de la cause de tes souffrances, tu éprouveras un peu de calme à te trouver avec eux. Ta position, d’après ce que tu m’as dit hier, est meilleure que je ne l’espérais ; te voilà avec un état, tu es indépendant, tu es libre, autant qu’homme du monde puisse être libre, puisque tu ne devras rien à personne et que ton aisance ne fera que rapidement augmenter, puisqu’on est content de toi dans l’administration qui t’emploie. C’est immense cela ; tes chagrins passeront, et ces avantages resteront et en amèneront d’autres plus importants. Moi aussi, j’ai de grands ennuis et de vifs chagrins ; pourtant je reconnais que tu n’y es pour rien.

Allons, viens demain, nous t’attendrons à midi et à six heures.

Je t’embrasse de tout mon cœur, pauvre cher Louis. Tu viendras ?