Correspondance inédite de Hector Berlioz/113

Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 287-288).
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CXIII.

À LOUIS BERLIOZ.


Dimanche soir, 15 mars [1862].

Cher ami,

Comment peux-tu, quand tu es en France (l’Algérie c’est la France), me laisser si longtemps sans nouvelles de toi ? Enfin tout va bien. Excepté moi qui viens encore de passer trente heures à me tordre dans mon lit. Je t’écris avant de me recoucher, seul au coin de mon feu. Je n’ai de lettres de personne ; ni mon oncle, ni mes nièces ne m’ont écrit depuis un temps fort long. Les événements de notre monde musical ne sont pas réjouissants. La chute de la Reine de Sabba a effarouché le ministre, qui ne sait plus quel parti prendre ; pour mettre à couvert sa responsabilité, il voudrait un opéra nouveau, d’un maître consacré par de nombreux succès à l’Opéra. Mais Meyerbeer ne veut pas, Halévy est mourant ou mort à cette heure (à Nice), Auber n’a rien fait. Le ministre n’ose pas encore se décider en ma faveur. En conséquence, on ne fait rien et on ne décide rien. Madame Charton-Demeur vient d’avoir un grand succès au Théâtre-Italien ; il faut espérer qu’on aura le bon sens de l’engager à l’Opéra. Si on lui fait des propositions, elle demandera à débuter dans les Troyens. En attendant, nous répétons chez moi tous les mardis Béatrice, qui paraîtra au théâtre de Bade le 6 août… J’ai fini tout ce que j’avais à faire, et je me garderai bien de recommencer un autre ouvrage. Notre maison était sur le point de s’écrouler tant elle était mal bâtie. Les architectes de la ville sont intervenus et ont obligé le propriétaire à d’immenses réparations. Dans quelques semaines, nous serons forcés de déménager et de faire tout transporter au deuxième étage, que l’on répare maintenant ; puis il faudra remonter. Quel tracas ! sans indemnité ni compensation d’aucune sorte. Notre grand cousin de Toulouse vient de mourir.

Tout le monde ici t’envoie mille amitiés.