Correspondance inédite de Hector Berlioz/063

Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 205-206).
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LXIII.

À M. B. JULLIEN.


Paris, 23 janvier 1854.

Recevez, monsieur, mes sincères remerciements pour le beau livre[1] que vous avez bien voulu m’envoyer. Je l’ai déjà lu deux fois, je l’étudie et je l’admire. C’est radieux de raison et de bon sens. Vous êtes, ce me semble, le premier qui ayez traité avec intelligence, et sans se laisser décevoir par le mirage des folies antiques et modernes, ces diverses questions.

Vos études sur la prosodie latine m’ont expliqué bien des choses demeurées pour moi complétement obscures jusqu’à ce jour. Aussitôt que je le pourrai, je tenterai de donner aux lecteurs du Journal des Débats une idée des rares mérites de votre ouvrage, et je vous prie d’avance de recevoir mes excuses pour l’insuffisance de ma critique, qui n’aura d’autre mérite que la bonne foi.

  1. L’excellent ouvrage dont il est question ici a pour titre : De quelques points des sciences dans l’antiquité : physique, métrique, musique. À plusieurs reprises, H. Berlioz est revenu à la charge ; la métrique, la poésie et la musique des anciens l’intéressaient vivement ; il songeait à ses Troyens ! Quelques années après cette première lettre, il écrirait à M. B. Jullien, père de M. Ad. Jullien, le jeune et savant critique auquel on doit déjà tant de travaux, tels que la Cour et l’Opéra sous Louis XVI, Airs variés, etc. : « Malgré vos efforts, j’ai bien peur que la France ne reste barbare et que le sens harmonique des langues anciennes ne lui reste interdit… » Et, le 20 avril 1867 : « Permettez-moi de vous demander si vous êtes d’avis, comme tout porte à le croire, que les anciens ne prononçaient pas, dans les vers, les syllabes élidées. J’espérais trouver dans votre livre excellent un chapitre spécial sur ce sujet et je n’y trouve que l’exemple de l’élision d’une fin de vers lacertosque, avec le début d’un autre : Exuit… ; vous ne dites pas qu’on prononçât membror artus, magn’orsa ; et sans cela pourtant il n’y a point d’élision et le vers a deux syllabes de trop. »