Correspondance inédite de Hector Berlioz/047

Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 177-178).
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XLVII.

À M. LECOURT, AVOCAT, À MARSEILLE.


Paris, jeudi 3 avril 1851.

Mon cher Lecourt,

Allez trouver M. Morel et dites-lui de ma part que nous venons de répéter pour la première fois son ouverture et que tous nous la trouvons admirable. Elle sera exécutée à notre concert[1] du 29 de ce mois. Nous l’avons dite trois fois ce matin ; l’orchestre était à peu près complet, et déjà elle marche assez bien. Nous aurons encore quatre répétitions.

Je jure que c’est un meurtre de voir éloigné du centre musical un artiste de la valeur de Morel. Son ouverture le prouverait seule. Il y a là une habileté harmonique, une science d’instrumentation et de modulations, un sentiment du rhythme et une distinction mélodique qui, selon moi, sont du premier ordre. Et je puis vous dire, à vous Lecourt, que mon amitié pour l’auteur ne m’influence pas le moins du monde en sa faveur. Ce serait de Carafa ou d’Adam que je dirais la même chose. Seulement je serais mille fois plus surpris. Je ne retrouve pas la dernière lettre de Morel, et j’ai encore oublié son adresse, voilà pourquoi je ne lui écris pas directement.

Adieu ; je vais changer de tout (il s’agit de vêtements, et non de sentiments) ; cette sacrée ouverture m’a fait suer à torrents et je suis tout trempé.

P.-S. — Dites-lui que Louis est arrivé bien fort, bien portant, bien épris de sa carrière ; qu’il repart pour les Antilles dans quinze jours, et qu’il serre la main de son ami Morel.

  1. De la Société philharmonique de Paris, rue de la Chaussée-d’Antin. (V. la Notice.)