Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8983
Un vieux malade octogénaire reçoit la lettre dont M. le comte de Milly l’honore. Je me souviens en effet, monsieur, d’avoir fait autrefois la plaisanterie de l’Homme aux quarante écus[1]. Il ne serait pas étonnant que cette idée fût tombée aussi dans la tête de quelque autre. On dit un jour à un nommé Autreau : Voilà monsieur qui se dit l’auteur de votre pièce. — Pourquoi ne l’aurait-il pas faite ? répondit-il ; je l’ai bien faite, moi.
Si la personne dont vous me parlez, monsieur, a aussi ses quarante écus, cela fait quatre-vingts avec les miens. Il n’y a pas là de quoi aller au bout de l’année ; mais aussi il faut avoir un métier, et c’est à quoi ne pensent pas assez ceux qui n’ont point de fortune, et qui ont beaucoup de vanité.
C’est tout ce que je puis vous dire sur cette petite affaire dont vous me parlez. J’ai l’honneur d’être, etc.
- ↑ Tome XXI, page 305.