Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8955

8955. — À M. LE COMTE ANDRÉ SCHOUVALOW,
Chambellan
De l’impératrice de russie, et président
De la législation.
À Ferney, 15 octobre.

L’Amour, Épicure, Apollon,
Ont dicté vos vers que j’adore[1].
Mes yeux ont vu mourir Ninon :
Mais Chapelle respire encore.


Je ne reviens point, monsieur, de ma surprise que Chapelle ait perfectionné son style à Pétersbourg. Quelques Français me demandent pourquoi je prends le parti des Russes contre les Turcs. Je leur réponds que quand les Turcs auront une impératrice comme Catherine II, et qu’il y aura à la Porte Ottomane des chambellans comme M. le comte de Schouvalow, alors je me ferai Turc ; mais je ne puis être que Grec tant que vous ferez

des vers comme Théocrite. Il y a même dans votre épître une philosophie qu’on ne trouve ni dans Théocrite, ni dans aucun des anciens poëtes grecs.


Profitez de votre printemps ;
Chantez, baisez votre bergère ;
Faites des vers et des enfants.
Ma triste muse octogénaire,
Qui cède aux outrages du temps,
Doit vous admirer et se taire.

  1. Le comte André Schouvalow s’exerçait depuis longtemps à la poésie ; il avait, en 1767, adressé des vers à Voltaire. Il composa une Épître à Ninon de Lenclos, que quelques personnes ont attribuée à Voltaire, qui la fit imprimer en 1774 ; voyez lettres 9079 et 9081.