Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8934

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 461-462).
8934. — À MADAME LA COMTESSE DU BARRY[1].
À Ferney, 20 septembre.

Madame, M. le maréchal de Richelieu voulut bien m’écrire, il y a quelques mois, qu’il accepterait plusieurs montres, fabriquées dans les manufactures de Ferney, pour les présents destinés aux personnes qui accompagneraient Mme la comtesse d’Artois. Il me manda, depuis, que vous aviez la bonté de vous charger de ces présents.

Je prends donc la liberté, madame, de vous adresser un essai des travaux de la colonie que j’ai établie dans ma terre. Cette montre est ornée de diamants, et, ce qui vous surprendra, c’est que les sieurs Céret et Dufour, qui l’ont faite sous mes yeux, n’en demandent que mille francs.

Vous protégez tous les arts en France, j’ose espérer que vous protégerez nos efforts. Je me croirai bien récompensé d’avoir établi des artistes industrieux, d’avoir acquis à Sa Majesté plus de six cents nouveaux sujets des pays étrangers, et d’avoir changé un petit hameau, pauvre et malsain, en une espèce de petite ville assez jolie, si mes soins ont le bonheur de vous plaire.

La montre que j’ai l’honneur de vous présenter n’est malheureusement pas à répétition ; mais si vous en vouliez, non-seulement à répétition, mais à chaînes de marcassites, vous seriez étonnée qu’elles coûteraient un tiers de moins que celles de Paris. Ce serait, madame, une grande consolation pour ma vieillesse si je pouvais jamais me flatter qu’il sortit quelque chose de Ferney qui ne fût pas indigne de vos regards et de votre protection.

J’ai l’honneur d’être avec respect, madame, etc.

  1. Editeurs, de Cayrol et François.