Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8885

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 416-417).
8885. — À M. BORDES.
À Ferney, li juillet.

Mon cher confrère, mon cher philosophe, il est bien triste pour votre belle ville de Lyon qu’il y ait de si mauvais acteurs sur un théâtre si magnifique. Adieu les beaux-arts dans le siècle où nous sommes. Nous avons des vernisseurs de carrosses, et pas un grand peintre ; cent faiseurs de doubles-croches, et pas un musicien : cent barbouilleurs de papier, et pas un bon écrivain. Les beaux jours de la France sont passés. Nous voilà comme l’Italie après le siècle des Médicis ; il faut prendre son mal en patience, et être tranquille sur nos ruines.

Vous m’aviez mandé l’année passée que vous iriez à Chanteloup. Je ne sais si vous êtes encore dans le même dessein ; je suis bien fâché que Ferney ne soit pas sur la route ; je vous aurais dit :


Mecum una in sylvis imitabere Pana canendo.

(Virg., ecl. II, v. 31.)

Conservez-moi une amitié qui peut seule me consoler de votre absence.