Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8753

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 295).
8753. — À M. D’ALEMBERT.
1er février.

Vous savez, mon cher Bertrand, la déconvenue arrivée à Raton. Un fripon du tripot de la Comédie française[1] a vendu à un fripon de la librairie, nommé Valade, une partie des Lois et constitutions de Minos, et y a joint une autre partie de la façon de quelque bonne âme sa complice. On débite cette rapsodie hardiment sous mon nom : ainsi on vole les comédiens, et on me rend ridicule. C’est assurément le plus petit malheur qui puisse arriver ; cependant je vous prie de dire à vos amis que je ne suis pas tout à fait aussi impertinent que Valade le prétend. Il n’y aura que Fréron qui gagnera à tout cela il vendra cinq ou six cents de ses feuilles de plus. J’ai demandé justice à M. de Sartines[2] contre ce brigandage ; mais je n’ai pas l’honneur de le connaître, et l’on fait toujours mal ses affaires de cent trente lieues loin ; mais je compte sur la justice que vous et vos amis me rendront.

La littérature est devenue un bois de voleurs ; cela est digne du siècle. Soutenez ce malheureux siècle tant que vous pourrez, et aimez-moi.

Raton.

  1. Ce n’était pas quelqu’un du tripot de la Comédie française : c’était Marin.
  2. La lettre à M. de Sartines, lieutenant général de police, manque.