Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8729

Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 269-270).
8729. — À M. DE CHABANON.
8 janvier.

Votre lettre sur la langue et sur la musique, mon cher ami, est bien précieuse. Elle est pleine de vues fines et d’idées ingénieuses. Je ne connais guère la musique de Corelli. J’entendis autrefois une de ses sonates, et je m’enfuis, parce que cela ne disait rien ni au cœur, ni à l’esprit, ni à mon oreille. J’aimais mille fois mieux les Noëls de Mouton et Roland Lassé.

Ce Corelli est bien postérieur à Lulli, puisqu’il mourut en 1734. Si vous voulez avoir un modèle de récitatif mesuré italien avant Lulli, absolument dans le goût français, faites-vous chanter par quelque basse-taille le Sunt rosæ mundi breves[1] de Carissimi. Il y a encore quelques vieillards qui connaissent ce morceau de musique singulier. Vous croirez entendre le monologue de Roland au quatrième acte.

Vous pouvez d’ailleurs trouver quelques contradicteurs ; mais vous ne trouverez que des lecteurs qui vous estimeront.

J’attends avec impatience la traduction des Odes d’Horace. Il est juste que je présente à ce traducteur si digne de son auteur, et à son aimable frère, une certaine épître à cet Horace, que vous n’avez vue que très-incorrecte.

Mme Denis vous fait mille compliments. Le vieux bavard qui a osé écrire à Horace vous aime de tout son cœur.

  1. Premiers mots d’une cantate latine du cardinal Delphini, dont Voltaire rapporte les dix-sept premiers vers, tome XVII, page 426.