Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8699

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 234-235).
8699. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
2 décembre.

Mon cher ange, on dit partout qu’il y a beaucoup de fermentation dans votre fromage de Parmesan[2] : je me flatte que ces petites secousses n’iront pas jusqu’à vous.

Je n’ose vous parler du tripot de la Crète, pendant que vous êtes occupé sans cesse des affaires de l’Italie lombarde. Cependant, si vous aviez quelques moments de loisir, je vous dirais que j’ai toujours oublié, je ne sais comment, de vous envoyer une petite correction, absolument nécessaire à la troisième scène du quatrième acte.


Du criminel Datame on va trancher le sort.


Il faut mettre :


D’un barbare étranger on va trancher le sort.


J’étais convenu depuis longtemps avec vous qu’au nom de Datame, le bon vieillard Azémon devait montrer une surprise et une douleur qu’il ne manifestait point du tout : votre critique était très-juste ; je vous demande bien pardon de ma négligence.

M. le maréchal de Richelieu m’a écrit qu’il protégeait beaucoup cette Crète ; mais j’ignore ce qu’il fait. Je ne sais quel rôle joue Molé ; je sais encore moins quand la pièce sera représentée ; on ne m’a averti de rien, excepté de la cabale Fréronique et Beaumellique, qui prépare, dit-on, ses batteries avec tout l’art de la guerre. Le jour du combat amusera Paris. Pour moi, je resterai tranquille au milieu de mes manufactures, qui ne laissent pas de m’embarrasser beaucoup, et peut-être plus que ne pourrait faire à Paris une tragédie.

J’attendais de monsieur le contrôleur général une justice qu’il m’a refusée avec une extrême politesse. C’est une chose bien étrange qu’il me refuse mon propre bien de patrimoine, dont je ne ferais usage que pour servir l’État. Cela est bien pis qu’une cabale d’auteurs !

Je baise toujours les ailes de mes deux anges.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Dans le duché de Parme.