Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8458

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 6-7).

8458. — À M. L’ABBÉ DU VERNET.
Le 13 janvier.

Le vieillard de Ferney a été malade pendant un mois ; il est dans l’état le plus douloureux, et n’en est pas moins sensible aux bontés et au mérite de M. l’abbé du Vernet. Privé presque entièrement de la vue et enterré dans les neiges, il se console en voyant qu’un philosophe aimable et plein d’esprit veut le faire revivre dans la postérité. Il s’en faut beaucoup que ce vieillard approche de Despréaux ; mais, en récompense, M. L’abbé du Vernet vaut beaucoup mieux que Brossette[1]

Mon ancien ami Thieriot, si monsieur l’abbé veut prendre la peine de l’aller voir, le mettra au fait de tout ce qui peut avoir rapport au duc de Sully et au chevalier de Rohan, qui passait pour faire le métier des Juifs ; il lui donnera aussi des anecdotes sur Julie, devenue la comtesse de Gouvernet, et sur la bagatelle des Tu et des Vous. Il est très-vrai que, dans ma seconde retraite à la Bastille, il me pourvut de livres anglais, et qu’il lui fui permis de venir dîner souvent avec moi. Il est encore très-vrai que son amitié, du fond de la Normandie, où il était alors, dans une des terres du président de Bernières, le fit voler à mon secours au château de Maisons, où j’avais la petite vérole. Gervasi, le Tronchin de ce temps-là, fut mon médecin. La limonade et lui me tirèrent d’affaire.


  1. Brossette avait reçu de Boileau des éclaircissements sur ses ouvrages.