Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8378

Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 518-519).
8378. — À M. D’ALEMBERT.
28 septembre.

Mon cher ami, voici donc de quoi exercer la philosophie. La Harpe persécuté pour avoir fait un chef-d’œuvre d’éloquence dans l’éloge de Fénelon ! j’ai eu de la peine à croire cette aventure. Vous me direz que plus elle est absurbe, plus je la dois croire, et que c’est le cas du credo quia absurdum[1]. Cette extravagance aura-t-elle des suites ? l’Académie agira-t-elle ? est-ce à l’Académie qu’on en veut ? la chose est-elle sérieuse, ou est-ce une plaisanterie ? Je vous demande en grâce de me mettre au fait, cela en vaut la peine.

Nous avons ici Mme Dix-neuf ans, dont vous êtes le médecin. Elle a perdu de son embonpoint, mais elle a conservé sa beauté. Son mari nous a dit des choses bien extraordinaires ; tous deux sont très-aimables ; ils méritent de prospérer, et ils prospéreront. Pour moi, je me meurs tout doucement. Bonsoir, mon très-cher et très-grand philosophe.

J’ajoute que La Harpe m’ayant pressé très-vivement d’écrire à monsieur le chancelier, j’ai pris cette liberté, quoique je la croie assez inutile ; mais enfin je lui ai dit ce que je pensais sur les discours académiques, sur la Sorbonne, et sur l’Encyclopédie.

  1. Expression de saint Augustin.