Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8362

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 505).
8362. — À M. GABRIEL CRAMER[1].
10 septembre.

Le vieux malade fait mille compliments à M. Cramer. Il vient de recevoir cinq volumes in-4° de son imprimerie ; il est bien étonné d’y trouver la traduction des Évangiles[2] recueillis par Fabricius. Il doit savoir que cette traduction est du sieur Bigex, qui la fit imprimer par le sieur M.-M. Rey, et qui, par conséquent, sera en droit de se plaindre que je m’attribue son ouvrage : je passerai pour un plagiaire ; voilà tout ce qui en résultera.

La lettre à M. l’archevêque de Lyon[3] est de M. Prost de Royer, avocat de Lyon. Il y a un autre Prost de Royer, procureur général de la ville, qui s’est plaint avec justice qu’on attribuât au procureur général l’ouvrage de l’avocat ; mais me l’imputer à moi, qui n’avais jamais entendu parler de la dispute élevée dans Lyon sur le prêt à intérêt, m’imputer une pièce dans laquelle je suis loué, c’est me rendre non-seulement plagiaire, mais ridicule.

Il y a encore bien d’autres choses dans ces volumes qui ne sont pas de moi, et j’ai bien peur d’être réduit à la triste nécessité de les désavouer dans tous les journaux.

Les pièces qui m’appartiennent sont imprimées sans aucune des corrections que j’y ai faites.

Tout cela est capable de me faire un grand tort ; mais surtout cette lettre à monsieur l’archevêque de Lyon me fait une peine extrême. Il n’y a personne à Lyon qui ne sache que cette lettre est de M. Prost de Royer, qui vint à Genève il y a dix ans.

Voilà ce que c’est que d’avoir imprimé vos cinq volumes sans me consulter sur une seule page. Je vous avais conjuré vingt fois par mes lettres de ne rien faire sans ma participation. Me voilà imprimé comme si j’étais à cent lieues de vous. Je suis très-affligé ; mais je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez tome XXVII, page 439.
  3. Sur le prêt à intérêt.