Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8210

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 355-356).
8210. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
À Ferney, 15 février.

Je vous demande en grâce, madame, de me faire écrire sur-le-champ s’il est vrai que la grand’maman ait reçu une lettre du patron[1], et si cette lettre est aussi agréable qu’on le dit. Les petits versiculets barmécidiens[2] ont couru. Je peux en être fâché pour eux, qui ne valent pas grand’chose, mais je ne saurais en être fâché pour moi, qui ne rougis point d’un sentiment honnête. J’aurais trop à rougir, si je craignais de montrer mon attachement pour mes bienfaiteurs ; je ne leur ai jamais demandé de grâce qu’ils ne me l’aient accordée sur-le-champ. Il est vrai que ces grâces étaient pour d’autres, mais c’est ce qui me rend plus reconnaissant encore. Je leur serai dévoué jusqu’à mon dernier soupir.

Je voudrais vous accompagner, madame, dans votre voyage, mais mon triste état ne me permet pas de me remuer ; et d’ailleurs je n’ai pas le bonheur d’être de ce pays que vous aimez, et où l’on va coucher chez qui l’on veut. Tout ce que je puis faire, c’est de vous être dévoué comme à vos amis ; on ne s’est point encore avisé de nous défendre ce sentiment-là.

Portez-vous bien, écrivez-moi tout ce qu’il vous plaira, et conservez-moi un peu d’amitié.

  1. Louis XV.
  2. Épître de Benaldaki à Caramouftée ; voyez tome X, page 440.