Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8181

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 327-328).
8181. — À M. ***[1].
À Ferney, 18 janvier.

Il y a, monsieur, deux personnes dans le monde que je n’ai jamais eu le bonheur de voir, et à qui j’ai les plus grandes obligations l’une est M. de La Borde, et l’autre M. le duc de Choiseul. Je désespère même de les voir jamais. Je suis accablé de maladies et d’années ; mais je vous réponds que quand je mourrai, si je suis damné, ce ne sera pas pour le péché d’ingratitude. On a grand tort de ne compter que sept péchés mortels ; il y en a huit, et l’ingratitude est le premier.

Je prendrai ma petite rente chez M. Bontemps, si vous le trouvez bon.

Le nouvel événement[2] fait un tort irréparable à ma colonie ; mais ce n’est pas là ce que je regrette.

Je vous souhaite, monsieur, et à toute votre famille, toutes les prospérités qu’assurément vous méritez. M. et Mme Dupuits se joignent à moi, du fond des neiges qui nous engloutissent : c’est encore à M. le duc de Choiseul et à vous qu’ils doivent tout ce qu’ils ont.

J’ai l’honneur d’être, avec une reconnaissance aussi tendre que respectueuse, monsieur, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La chute du ministère Choiseul.