Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8176

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 323-324).
8176. — À M. MAIGRET[1].
À Ferney, 14 janvier.

Je ne savais pas, monsieur, les obligations que je vous avais, et je vous assure que vous ne pouviez pas placer vos bontés plus à propos. On me dit que monseigneur le duc de Bouillon me doit cinq années de mes rentes ; c’est ce que j’ignore entièrement. Tout ce que je sais, c’est que je me trouve dans la situation la plus triste, ayant fondé dans mes déserts une colonie et des manufactures assez considérables, que M. le duc de Choiseul avait protégées avec la plus grande générosité. Je me trouve à présent sur le point d’être ruiné avec elles, si on ne me paye point ce qu’on me doit.

Je vous demande en grâce de vouloir bien prendre un peu mon parti auprès de M. Berard[2]. Il faut que je fournisse de l’or tous les jours à mes colons qui travaillent en horlogerie. Je leur ai établi un commerce en Espagne, en Turquie et en Russie ; tout cela va tomber si je ne suis pas secouru.

Monseigneur le duc de Bouillon fera subsister deux cents personnes, s’il ordonne à M. Berard de me payer tout ce qui m’est dû. Je vous supplie, monsieur, de lui présenter mes respects et mes besoins. Je compte sur sa générosité et sur sa justice, comme sur la vôtre.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments que je vous dois, etc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Capitaine de vaisseau dans la compagnie des Indes, qui disparut et lui emporta beaucoup d’argent.