Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8174

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 322-323).
8174. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
Ferney, 11 janvier.

J’étais, monseigneur, en colère comme Ragotin[1] quand on ne lui ouvrait pas la porte assez tôt : je grondais Votre Éminence dans le temps même que vous m’écriviez, et que je vous devais des remerciements.

Si je réussis dans ma prédiction[2], je ne vous importunerai point pour les États du pape, mais je demanderai votre . protection pour ceux du Grand-Turc. C’était là le grand objet du commerce de ma colonie. Cette branche a été anéantie par la guerre avec les Russes. Le roi de Prusse m’a enlevé douze familles qui devaient s’établir dans mon hameau ; et les fermiers généraux en ont fait déserter deux par leurs petites persécutions. Mais si Moustapha me reste, je suis trop heureux. Je vous prierai donc de faire au plus tôt la paix entre lui et la victorieuse Catherine II. C’est la grâce que j’attends, si vous retournez de Rome à Versailles, comme je l’espère. Quoi qu’il arrive, je suis sûr que vous serez heureux soit à Versailles, soit à Rome.


Est Ulubris, est hic, animus si te non deficit æquus.

(Hor., lib. I, ep. XI, v. 30.)

Agréez toujours, monseigneur, les tendres respects de ce vieillard si colère[3].

  1. Personnage du Roman comique.
  2. Voyez lettre 8163.
  3. Voyez ci-après, page 331, une lettre à M. Imbert, dont la place est peut-être ici.