Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8165

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 315-316).
8165. — À M. LE COMTE DE SCHOMBERG[1].
6 janvier.

Je suis très-abasourdi, monsieur, très-affligé et très-malade. Si quelque chose peut me consoler, c’est que vous n’êtes rien de tout cela. Vous devez être tranquille au milieu des orages ; rien ne doit vous alarmer, parce que rien ne peut vous nuire. Vous conservez toujours vos places, et vous aurez pour vous la voix publique.

Je n’écris point au très-aimable commandant de la Bresse et du petit pays de Gex, où l’on meurt de faim et où le pain blanc coûte neuf sous la livre. On a été obligé de renvoyer un bataillon d’artillerie qui était à Versoy, parce qu’on n’avait pas de quoi le nourrir. Tout nourrit ma douleur, et il n’y a que cela de bien nourri dans mes déserts.

Je vous prie, monsieur, si vous voyez, comme je n’en doute pas, mon très-aimable commandant[2], d’avoir la bonté de l’assurer des inutiles sentiments du plus humble et du plus triste de vos serviteurs, qui vous sera attaché bien respectueusement tant qu’il vivra.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Jaucourt.