Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8132

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 293-294).
8132. — À M. HENNIN.
À Ferney, 20 décembre.

Quoique vous ne me disiez rien, monsieur, vous savez pourtant que le parlement a cessé ses fonctions, sans donner sa démission ; qu’il a protesté contre l’édit ; qu’il a envoyé deux fois le premier président au roi ; que le roi n’a point voulu le voir. De tout cela vous ne nous en dites mot.

Mais nous vous demandons, Mme Denis et moi, vos bons offices pour une chose qui nous intéresse très-vivement, et qui ne demande pas même de délais.

C’est de savoir s’il est vrai que la république ait affranchi Mme Denis de la qualité éminente de serve de Genève. Nous avons à Gex un procès contre un seigneur, citoyen de Genève, nommé, non pas Choudens, mais de Choudens, ouvrier en montres, qui nous vendit, il y a dix ans, un petit domaine sur le chemin de Ferney à Tournay. Il le déclara libre ; et quand nous eûmes signé, il se trouva qu’il était mortaillable en grande partie. Mme Denis fut donc serve de la sérénissime.

Aujourd’hui M. de Choudens, seigneur ouvrier de Genève, prétend, pour se disculper, et affirme dans ses mémoires, que la sérénissime a daigné nous affranchir de la servitude. Nous n’avons jamais entendu parler de cet affranchissement. Nous savons seulement que M. de Choudens s’étant accommodé avec la république pour 500 francs, nous payâmes pour lui, à monsieur le grand trésorier, 500 livres à la décharge dudit Choudens.

Ce que nous vous demandons, monsieur, c’est de savoir du grand trésorier actuellement régnant s’il est vrai que la sérénissime ait affranchi depuis la dame Denis, et en ait fait une alliée de la république, au lieu d’une servante.

Nous croyons qu’il n’en est pas un mot, et nous vous supplions très-vivement de vouloir bien requérir une attestation de monsieur le grand trésorier, par laquelle il soit constaté que nous avons payé entre ses mains, en tel jour, en telle année, la somme de 500 livres, pour la servitude dudit Choudens, et qu’il n’a jamais été question d’un affranchissement.

Cela est très-sérieux, quoique très-ridicule. Nous vous prions de vouloir bien envoyer ce soir, chez Souchai, au Lion d’Or, votre paquet, que nous enverrons chercher demain. Nous vous aurons la plus grande obligation, et vivat ! V.