Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8118

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 280-281).
8118. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Ferney, 12 décembre.

SCIPION, à la fin de la scène seconde du cinquième acte, après ces mots, mériter son estime

Vous, (A un tribun.)
Vous, au prochain rivage ayez soin de guider
Et la reine et les siens, qu’il vous faudra garder ;
Mais, en mêlant surtout à votre vigilance
Des plus profonds respects la noble bienséance.
Les ordres du sénat qu’il faut exécuter
Sont de vaincre les rois, non de les insulter.
Gardons-nous d’étaler un orgueil ridicule,
Que nous impute à tort un peuple trop crédule.
Conservez d’un Romain la modeste hauteur :
Le soin de se vanter rabaisse la grandeur.
Dédaignez avec moi des vanités frivoles ;
Soyez grand par les faits, et simple en vos paroles.
Mais Massinisse vient[1].


Voilà, mes anges, un petit allongement pour la queue trop écourtée de Sophonisbe. Je vous prie de communiquer à Lekain cette petite satire des Romains ampoulés qu’on a trop mis sur le théâtre. Je n’aime point cette enflure et ces échasses que les sots admirent et écoutent bouche béante.

Au reste, quand vous aurez relevé de couche votre infante, quand vous aurez déterminé la guerre ou la paix au sujet d’une île déserte[2] dans l’autre monde, mandez-moi, je vous prie, si vous faites jouer M. Lantin de Damerei. Mandez-moi surtout si M. le duc de Duras est à Paris ; s’il revient ; quand il revient : c’est pour une affaire qui pourra amuser mes anges[3].

Il faudra du courage.

Préparez-vous.

Vous ne laisserez pas d’être surpris.

  1. Voyez tome VII, pages 93 et 97.
  2. L’île de Falkland ; voyez les lettres 8063 et 8133.
  3. Le duc de Duras, l’un des quatre premiers gentilshommes de la chambre du roi, devait parler à Louis XV de souscrire pour la statue de Voltaire ; voyez lettres 8107 et 8116.